Au cours de notre existence, notre sensibilité par rapport au monde qui nous entoure va se transformer. En effet, la Thora nous enseigne qu’il existe une notion de kedoucha et une notion de touma. Par exemple, la Thora prohibe la consommation de certains aliments, du fait qu’ils ont la capacité de rendre impur celui qui les mange. Nos Sages enseignent que là où la Thora nous met en garde contre la consommation de ces aliments du fait que ceux-ci rendent impur, en réalité son intention est de dire que cela rend « obtus ». La avéra va en effet troubler notre esprit et altérer sa limpidité. L’homme perd ainsi sa sensibilité, son identité. Si l’on place une goutte d’encre dans un verre d’eau limpide, l’effet sera immédiatement visible. Si par contre, on place cette même goutte dans un verre d’eau trouble, on ne remarquera probablement rien.
Il en va de même dans notre vie. Lorsque l’on s’habitue à la avéra, on acquiert une impureté et l’on voit notre cœur s’obstruer à la sainteté. On perd conscience de la gravité de la avéra. Cela s'apparente à mettre une goutte d'encre dans un verre d'eau sale... Prenons l’exemple d’un alcoolique. S’il boit un simple verre de vin, il ne sentira rien, du fait de son habitude à la boisson. Pourtant, le fait qu'il ne sente rien ne signifie évidemment pas qu'il soit en bonne santé ; simplement, il a perdu sa sensibilité à l’alcool.
Ceci constitue du reste la réponse à l’accusation de certaines personnes à l’encontre des Juifs orthodoxes qui font montre d'une extrême vigilance en ce qui concerne la séparation entre hommes et femmes. D’après eux, la mixité ne pose aucun problème et seul un œil malveillant pourrait y voir du mal. La réalité, c’est que plus on s’habitue à une conduite, aussi néfaste soit-elle, plus elle nous semble familière et banale. Là encore, cela ne signifie évidemment pas que cette manière d’agir soit louable.
On raconte à propos du Gaon de Vilna que durant un chabbat, il toucha par mégarde un objet mouktsé. Il s’évanouit sous le choc. Sa sensibilité par rapport à la faute était telle que même une transgression qui nous paraît mineure comme celle du mouktsé était pour lui intolérable.
Le Ba’al Ha’hochen, qui a vécu il y a environ 150 années, avait un disciple qui l’aidait à s’habiller, car il était déjà âgé. Une fois, ce disciple lui mit des chaussettes et le rav se mit à gémir comme sous le coup de la douleur. L’élève s’empressa de retirer la chaussette afin de vérifier ce qui incommodait le rav, mais ne constatant rien d’anormal, il lui remit la chaussette. Le rav se mit à crier de plus belle et la scène se reproduisit plusieurs fois. Finalement, il s'avéra que les chaussettes contenaient du cha'atnez et le Ba’al Ha’hochen, qui possédait un niveau de kedoucha exceptionnel, ne put tolérer ne serait-ce que le contact du tissu prohibé avec sa chair.
C’est pourquoi il convient de savoir que si on ne sent pas incommodé après avoir accompli une faute, cela vient révéler un niveau spirituel bas et une sensibilité à la kedoucha largement altérée. Le seul moyen de recouvrir cette sensibilité est de multiplier les mitsvot, l’étude de la Thora, la tefila, etc. Toute mitsva accomplie sanctifie et élève, ainsi que nous le disons dans le texte des bénédictions : « Qui nous a sanctifiés par Ses commandements ». Il faut savoir en outre que c’est la quantité qui agit sur la personnalité. Si la première mitsva passe inaperçue, il n’en sera pas ainsi de la 100e ou de la 1000e qui aura un effet notoire sur notre être.
Lorsqu’on s’écarte de la avéra et de la touma, on se purifie et se sanctifie progressivement et on recouvre cette sensibilité à la mitsva du fait que l’on a retrouvé notre identité propre et qu’on a affermi notre lien avec notre néchama.
Lorsque l’on fait techouva, il faut savoir qu’il y a un effet dit « du boomerang » qui se produit à un moment ou à un autre. Dans un premier temps, il est difficile de franchir le cap du respect inconditionnel de la Thora. Une fois ce cap franchi, on sent qu’Hachem nous accorde une aide et une assistance exceptionnelles qui vont s’étendre sur quelques mois tout au plus. Ensuite, on a la sensation qu’Hachem nous « lâche ». En réalité, Hachem souhaite nous aider à voler de nos propres ailes. Lorsque des parents apprennent à marcher à leurs enfants, ils commencent à lui tenir la main, puis le lâchent progressivement. Ils l’aident à se relever puis le laissent se relever par ses propres moyens. Hachem Lui aussi nous aide au début à enclencher le processus de techouva, car seul, on n’y parviendrait pas, puis une fois qu’Il constate qu’on s'est renforcé, Il souhaite que l’on acquière plus d’indépendance dans notre téchouva.