‘Hanna est surtout célèbre pour ses prières adressées à Hachem pour avoir un enfant après de longues années de stérilité. De nombreuses lois sont déduites de sa conduite dans la prière. Nos Sages et les commentateurs relèvent que le pouvoir des prières se trouve non seulement dans ses propos, mais aussi dans ses intentions.

Le verset mentionne qu’elle est venue prier au Michkan (sanctuaire) à Chilo : « L'âme remplie d'amertume, elle pria devant l'Eternel et pleura longtemps. »[1] La Guémara[2] relève l’usage inhabituel de la phrase Al Hachem plutôt que El Hachem. La Guémara explique que nous apprenons de là qu’elle « Hiti’ha Dévarim Klapé Mala- elle a invectivé par ses propos en s’adressant à D.ieu. » Si l’on prend cette phrase au sens propre, elle a un sens négatif : elle aurait parlé sur un ton trop sévère à Hachem. Mais en réalité, le Néfech Ha’haïm explique que c’est un éloge de ‘Hanna.

Il cite l’exemple de ‘Hanna au milieu d’une longue discussion sur la prière.[3] Il écrit que Hachem ressent une grande douleur lorsqu’il s’avère nécessaire, pour diverses raisons, que Ses enfants endurent des souffrances. En conséquence, lorsqu’un individu prie pour être libéré de ses soucis, son intention principale doit être d’œuvrer pour la gloire de Hachem. Il le prouve par la formulation des prières de Roch Hachana, où nous demandons incessamment à Hachem de nous aider, pour l’honneur de Son règne. Même pour les prières quotidiennes où nous demandons à D.ieu de pourvoir à nos propres besoins, il faut avoir clairement à l’esprit que Hachem nous aide en faveur de Son Nom.

Il va de soi que l’homme chercher à être libéré de ses problèmes, mais le niveau ultime consiste à canaliser nos désirs pour nous concentrer sur la douleur de Hachem. Le Néfech Ha’haïm explique que telle a été l’attitude de ‘Hanna - en dépit du fait qu’elle était Marat Néfech profondément souffrante en raison de son incapacité à avoir des enfants elle pria néanmoins Al Hachem, à savoir pour la gloire de D.ieu. C’est le sens de la Guémara : elle a parlé Klapé Maala - pour la gloire de l’Unique : elle n’a pas prié à Hachem de la sauver, en raison de ses souffrances personnelles, mais pour la douleur de Hachem devant ses propres souffrances.

L’auteur du Doudaïm Bassadé[4] explique également que l’intention de ‘Hanna était Léchem Chamayim : elle ne demandait pas des enfants pour avoir du Na’hat (satisfaction) dans ce monde-ci ou dans le suivant, mais elle souhaitait donner naissance à des enfants qui servent D.ieu. Nous en avons la preuve par sa promesse : si elle avait un fils, elle le « vouerait à D.ieu toute sa vie »[5], à savoir qu’elle consacrerait sa vie à la Avodat Hachem (service divin). Elle tint sa promesse et envoya son fils servir Eli, le Cohen Gadol, à Chilo dès son plus jeune âge. Elle renonça par là au Na’hat ordinaire d’un parent qui met au monde un enfant, car son intention était purement orientée vers la gloire de Hachem. Sa récompense a été de mettre au monde l’un des hommes qui a le plus servi Hachem, du niveau de Moché et d’Aharon.

‘Hanna a atteint un niveau extrêmement élevé de pureté d’intention. Mais son exemple peut toucher chacun à son niveau. Une leçon vitale : nos intentions par rapport à nos enfants ont une grande influence sur la manière dont nous les éduquons. Rav Noa’h Orlowek chlita remarque qu’il peut y avoir une tendance parmi les parents à considérer leurs enfants comme des « machines de Na’hat. » À savoir que d’un certain point de vue, ils voient leurs enfants comme un moyen de se donner un bon sentiment. Ceci s’exprime de manière plus extrême dans le monde laïc où certains parents poussent leurs enfants à réussir dans certains domaines (comme le sport) où eux-mêmes avaient échoué. Les conséquences négatives de cette approche sont apparentes : cela peut conduire un parent à élever son enfant d’une manière qui n’est pas optimale pour la progression de celui-ci, mais reflète plutôt les désirs égoïstes de ses parents. Dans les communautés respectueuses de la Torah, ce défaut peut être moins prononcé, mais est tout de même présent. Si un parent se remémore la vraie finalité d’avoir des enfants, il sera moins enclin à agir de manière qui ne soit pas bénéfique à l’enfant.

Bien entendu, atteindre un niveau de Lichma (agir avec désintéressement et pour la gloire de D.ieu) est difficile, mais on ne doit pas se sentir rabaissé si nos intentions naturelles ne sont pas totalement pures. Rabbi ‘Haïm de Volozhyne, dans son commentaire sur les Pirké Avot, écrit que si nos motivations ne sont pas Lichma, il faudra au moins avoir l’intention d’arriver à ce niveau. Il faudra vouloir accomplir les Mitsvot pour les bonnes raisons, même si on n’a pas exactement atteint le niveau requis. Ceci s’applique également à l’attitude d’un parent dans l’éducation de ses enfants : il faudra s’évertuer à atteindre un niveau où l’on désire le mieux pour son enfant, et non pour soi. De cette manière, nous pourrons imiter la vertueuse ‘Hanna.

 

[1] Chmouel I, 1:10.

[2] Brakhot, 31b.

[3] Néfech Ha’haïm, Cha'ar Beth, chapitre 12.

[4] Cité dans Michbétsot Zahav, Chemouël I, p.28.

[5] Chmouel I, 1:11.