L’un des épisodes les plus difficiles du Livre de Chemouël est la révolte d’Avchalom contre son propre père, le roi David.[1] Mais ce récit tragique met en valeur un autre aspect de la grandeur de David.
Avant de l’évoquer, une brève description des principaux éléments de ce récit s’avérera instructive. Avchalom était le fils de David, né d’une convertie que David avait épousée par le biais de la Mitsva de la Yéfat Toar, dans le cadre de laquelle un soldat juif a le droit d’épouser une femme non-juive, une captive prise lors d’une bataille. Avchalom avait une sœur, Tamar. Un autre fils de David, Amnon, avait commis un acte terrible envers Tamar, et en conséquence, Avchalom avait ordonné l’exécution d’Amnon.[2]
Avchalom s’échappa pour vivre auprès de son grand-père non-juif, Talmi, roi de Gechour. Il revint finalement au bout de trois ans, mais il était très clair que David ne lui avait pas réellement pardonné sa terrible faute. Il décida alors de se rebeller contre le roi en dressant le peuple contre lui, et pendant un temps considérable, il réussit très bien. Il finit par échouer et fut tué, contre le gré de David, sur l’ordre de Yoav, général de David.
L’un des aspects les plus frappants de David, tout au long de cet épisode, a été son amour constant pour Avchalom, en dépit de ses grands méfaits. Lorsque le vent tourna contre Avchalom, et que les forces de David l’emportèrent sur le champ de bataille, David demanda à ses soldats de veiller à ne pas le tuer. Lorsqu’il apprit qu’Avchalom avait été abattu, il en fut très affligé.
Le Prophète consigne la réaction émotive de David à l’annonce de la mort de son fils rebelle :
« Alors le roi fut tout bouleversé, il monta dans le donjon de la porte et se mit à pleurer ; et, tout en marchant, il disait : "Mon fils Absalon ! Mon fils, mon fils Absalon ! Que ne suis-je mort à ta place, Absalon, mon fils, ô mon fils !"… Le roi s'était voilé la face et répétait à grands cris : "Mon fils Absalon! Absalon, mon fils, ô mon fils !" »[3]
Le plus frappant dans ces deux versets est le fait que David répète le terme « mon fils » à huit reprises. La Guémara, qui le relève, explique qu’Avchalom était tombé au plus bas des sept niveaux du Guéhinam (l’enfer) et à chaque fois que David disait « mon fils », il le faisait remonter d’un niveau, et au bout de la huitième fois, il le fit entrer au Olam Haba, au monde futur.[4] Et en dépit de la douleur intense qu’Avchalom lui avait causée et de ses grandes fautes, David était extrêmement attristé de sa mort et le sauva de l’enfer.
L’auteur du Michbétsot Zahav cite une source qui met en parallèle la conduite de David envers son fils avec celle du roi Chaoul avec son propre fils.[5] Dans deux cas importants, Chaoul a agi très différemment avec son fils Yonathan. Premièrement, lors d’une bataille, Chaoul a formulé le vœu que toute personne qui mangerait avant la nuit serait tuée. Yonathan n’était pas au courant de ce serment et mangea avant la nuit. Lorsque Chaoul l’apprit, il était prêt à aller jusqu’au bout de son serment et à tuer son propre fils, même s’il avait rompu le serment involontairement, jusqu’à ce que le peuple trouve un moyen de sauver Yonathan.[6] Nous ne voyons nulle part que Chaoul a fait le moindre effort pour tenter de sauver son fils - de toute évidence, il se sentait lié à son serment, mais c’est un contraste frappant avec les efforts de David pour sauver son fils qui s’était rebellé délibérément contre lui.
Le second incident a lieu peu de temps après, lorsque Chaoul commença à détester David qu’il perçut comme une grande menace à son règne. David réalisa cette menace de Chaoul et resta à l’écart de son palais.[7] Chaoul demanda à Yonathan de lui révéler le lieu où se trouvait David [8] et sa colère s’enflamma lorsque Yonathan refusa de l’aider. Furieux, Chaoul envoya une lance contre son propre fils Yonathan.
En s’appuyant sur ces cas, il semble que Chaoul ait traité son fils avec bien moins de compassion que David n’ait traité le sien. La source du Michbétsot Zahav cite ceci : « Et tous vos fils nous renseignent sur Hachem. » Il explique que la manière dont un homme agit envers son fils se reflète dans la manière dont Hachem réagit avec le peuple juif, qui sont les Banim Lamakom - les fils de Hachem. Il emploie cette idée pour offrir une nouvelle explication à la remarque de la Guémara selon laquelle Chaoul avait fauté une seule fois et son royaume lui avait été retiré, tandis que David avait fauté à deux reprises et n’avait pas été écarté du pouvoir pour autant. [9] Il suggère que David a été traité avec plus d’indulgence pour avoir été lui-même très indulgent avec son fils rebelle, tandis que Chaoul a été traité avec plus de Midat Hadin (la stricte justice), mesure pour mesure, pour son traitement sévère de son fils.
Comment cette leçon s’applique-t-elle à notre vie ? On aimerait espérer ne pas avoir un fils qui se révolte autant qu’Avchalom, mais un enfant peut se rebeller à différents niveaux, en relation avec ses choix de vie et sa manière de se conduire avec ses parents. Dans ce genre de cas, il est très difficile de savoir quand faire preuve de sévérité et quand faire preuve de souplesse, et chaque cas est bien spécifique.[10] Néanmoins, les experts en matière d’éducation soulignent qu’il est essentiel de communiquer à son enfant rebelle qu’il est toujours aimé et accepté en tant que tel, même si ses actes ne sont pas perçus positivement. David est un brillant exemple d’amour pour un enfant dévoyé.[11]
[1] Chmouel II, chapitre 15.
[2] Chmouel II, chapitre 13.
[3] Chmouel II, chapitre 19, Versets 1,3.
[4] Sota, 10b.
[5] Michbétsot Zahav, Chmouel I, p.254.
[6] Voir Chmouel I, chapitre 14 pour des détails de ce récit.
[7] David se trouvait dans le palais pour jouer de la harpe afin de calmer l’humeur de Chaoul.
[8] Yonathan et David étaient de très bons amis.
[9] Yoma, 22b.
[10] Il est essentiel de consulter des experts versés en Torah lorsque ces cas se présentent à nous.
[11] Un excellent ouvrage qui traite des enfants rebelles : With Cords Of Love par Rav Ezriel Tauber, qui s’appuie sur les enseignements du Rav Matityahou Salomon chlita.