A’hav a été le roi des tribus du Nord d’Israël et est décrit comme l’un des rois les plus mécréants, ayant commis plusieurs fautes d’Avoda Zara (culte des idoles), ainsi que des meurtres. Il est même cité par la Michna comme l’un des rois qui n’entre pas au 'Olam Haba, le monde futur. Mais les Prophètes et nos Sages relèvent chez A’hav un certain nombre de traits positifs et énumèrent des bonnes actions à son actif. En outre, les Prophètes soulignent qu’il semble s’être repenti d’une partie de ses méfaits.
Avant de tenter de comprendre quelque peu cette contradiction difficile, il est utile d’énumérer les principaux aspects négatifs et positifs de la vie d’A’hav. Les Prophètes le dépeignent comme l’un des rois les pires en termes de l’Avoda Zara dans lequel il était engagé et que les pires fautes de Yéravam, un autre roi mécréant, étaient comparables aux fautes les plus légères d’A’hav, sous-entendant qu’A’hav a commis des fautes bien plus graves que Yéravam.[1] Il a épousé Izével la mécréante, fille du roi de Sidonim qui a influencé A’hav et le peuple à adorer le Ba’al. [2] Nos Sages affirment qu’il a effacé le Nom de D.ieu de la Torah et a écrit les noms des idoles à leur place. Un autre exemple de ses fautes a été que chaque jour, il consacrait sa propre valeur en esclave pour l’idolâtrie.[3] Il a été également coupable d’autoriser Izével à persécuter les prophètes. Et enfin, il a été coupable d’organiser le meurtre de Nabot, dont il convoitait la terre sans pouvoir l’acquérir légalement.[4]
D’un autre côté, il possédait des traits de caractère positifs, et a accompli des actions louables. Nos Sages le décrivent comme un homme généreux avec son argent, qui faisait bénéficier de sa richesse les érudits en Torah.[5] Il était aussi extrêmement érudit : il était capable d’interpréter les lois de Torat Cohanim de huit manières différentes. [6] De surcroît, il est évident qu’il respectait des lois comme celles de la Cacheroute, car le prophète Eliyahou mangeait la nourriture cuisinée au foyer d’A’hav.
Son acte le plus louable a été lorsque le roi d’Aram a exigé de nombreux présents en échange de renoncer à la guerre, et A’hav a accepté de tout lui donner, mais lorsque le roi lui a demandé d’offrir également un Séfer Torah, A’hav a refusé, même si cela impliquait qu’il se lancerait en guerre. Sa récompense immédiate a été sa réussite dans la guerre avec Aram, mais sa plus grande rétribution a été qu’il a mérité d’être roi pendant 22 ans pour le récompenser d’avoir honoré les 22 lettres avec lesquelles la Torah a été donnée. [7] Et dernier mérite d’A’hav : il s’est partiellement repenti de ses fautes sur la fin de sa vie. [8]
Bien qu’il soit impossible de réconcilier ces contradictions flagrantes dans la conduite d’A’hav, nous pouvons tenter de les comprendre en partie. Le premier point est que nous n’avons aucune idée du pouvoir de ce désir de livrer un culte d’Avoda Zara qui existait à l’époque d’A’hav, car les Anché Haknesset Haguédola (Grande assemblée) ont prié Hachem d’éliminer cette inclination. Mais il est évident que ce désir était aussi puissant que les drogues qui entraînent le plus de dépendance. Ceci est prouvé dans une Guémara où figure un autre roi adorateur d’idoles, Ménaché. [9]
La Guemara déclare que Rav Achi a parlé de Ménaché de manière irrespectueuse, et il est apparu à Rav Achi dans un rêve, qui lui a posé une question de Torah à laquelle Rav Achi n’a pas su répondre. Rav Achi a réalisé que Ménaché était plus érudit que lui,[10] et lui demanda : si tu es si sage, comment as-tu pu adorer des idoles ? Ménaché a répondu que le désir de livrer un culte aux idoles était si puissant à l’époque que si Rav Achi avait vécu à cette époque, il aurait accouru pour adorer les idoles. Ceci nous donne un aperçu du puissant désir qui s’est avéré être un véritable défi pour ces générations. C’étaient des Juifs croyants qui respectaient la Halakha et étudiaient la Torah, mais dans le même temps, ils avaient cette envie intense d’adorer des idoles. Il est donc concevable qu’A’hav pouvait adorer des idoles et honorer la Torah. [11]Il est également plus facile de comprendre comment il s’est au moins repenti partiellement lorsqu’il a enfin réalisé la sévérité de ses actions.
Bien que nous ne ressentions pas ce désir d’adorer des idoles, l’exemple d’Ahav nous enseigne qu’il est possible pour quelqu’un de connaître la vérité, mais d’agir de manière erronée en raison de dépendances ou de désirs.
Dans un sens extrême, les individus souffrant de fortes dépendances sont très enclins à commettre des fautes en raison de leur dépendance, comme voler pour obtenir de l’argent afin de payer pour leurs addictions, ou en se mettant en danger sur le plan physique. Mais même des dépendances ou désirs plus légers peuvent empêcher l’individu de se conduire de manière correcte, même si cela va à l’encontre de ses croyances. Par exemple, un fumeur crée un désagrément à son entourage (ainsi qu’un danger possible) lorsqu’il fume à côté d’eux. Ou un homme excessivement attaché à la nourriture se mettra en colère s’il n’est pas satisfait de la cuisine de son épouse.
Puissions-nous mériter de nous inspirer d’A’hav en ne laissant pas nos désirs surpasser notre connaissance de la vérité.
[1]Rois I 16:31.
[2]Sanhédrin, 102b.
[3]Yérouchalmi, Sanhédrin, 10:2.
[4] L’épisode du meurtre de Nabot se trouve dans Rois I, chapitre 20.
[5]Sanhédrin, 102b.
[6]Sanhédrin, 103b.
[7]Sanhédrin, 102b, Chémot Rabba, 3:8.
[8]Rois I, Chapitre 21 ; Yalkout Chimoni, Rois 22.
[9]Sanhédrin, 102b.
[10] En réalité, la même Guémara citée ci-dessus sur les connaissances en Torah d’A’hav vante également les connaissances de Ménaché.
[11]Une seconde circonstance atténuante est citée dans le Midrach (Yalkout Chimoni, Remez 207): Rav Lévi a passé six mois à évoquer la première partie du verset affirmant que personne comme A’hav n’a commis autant de mal aux yeux de Hachem (Rois I, 21:25). Puis A’hav lui est apparu en rêve et lui a demandé pourquoi il ne mentionne pas la seconde partie du verset mentionnant qu’il a été influencé à fauter par son épouse Izével. Rav Lévi passa ensuite six mois à évoquer la seconde partie du verset. Ceci indique que l’influence néfaste de sa femme a été au moins une circonstance atténuante des actes d’A’hav. Il doit bien sûr assumer la responsabilité de l’avoir épousée au départ, mais il semble qu’il est traité un peu moins sévèrement en raison de son influence. Ceci nous rappelle l’importance d’épouser un conjoint vertueux, car celui-ci (ou celle-ci) aura une immense influence sur lui ou elle, et leur famille.