Au début du Livre de Yéhochoua, le peuple juif a réussi à conquérir Jéricho et toutes les nations de la terre sont terrifiées par eux, remarquant qu’ils bénéficient de l’assistance divine pour gagner miraculeusement leurs batailles. Or, dans le chapitre 7, les Juifs subissent la première défaite dans leur bataille contre le peuple d’Aï. Hachem révèle à Yéhochoua la raison de leur défaite : un membre du peuple juif a violé le ‘Herem, la stricte interdiction leur défendant de s’approprier les trésors de la guerre. Hachem révèle par le biais d’un tirage au sort que le coupable est A’han, un membre de la tribu de Yéhouda. A’han avança des justifications pour sa faute, mais au final, il avait fauté par pure cupidité. 

Lorsqu’on l’affronte avec cette découverte, A’han admet facilement sa faute, et opère une Téchouva complète. De plus, le Séder Hayom explique qu’A’han a même composé une prière reflétant sa contrition : la prière que nous récitons plusieurs fois par jour : Al Ken Nékavé…, le second paragraphe de la prière d’Alénou Léchabéa’h, à la fin de chaque Téfila. Nous la récitons également dans le Moussaf de Roch Hachana. Les trois première lettres : le Alef, le Kaf et le Noun forment le terme d’A’han, une allusion à sa paternité de la prière, et la nature sincère de sa Téchouva en ce que cette prière joue un rôle tellement centrale dans nos prières. Mais si on analyse les termes de la prière, on a du mal à comprendre en quoi elle reflète les regrets et la Téchouva d’Ahan de ses fautes, car on ne trouve aucune mention de ces concepts. L’accent est plutôt sur l’espoir de la destruction des cultes idolâtres et la Délivrance finale. En conséquence, la question se pose : en quoi cette prière représente-t-elle une rectification de la faute d’A’han ? Pour le comprendre, il faut analyser en profondeur le récit de la faute d’A’han et sa Téchouva dans son sillage.

Après la défaite à Aï, Yéhochoua exprime ses craintes : « Ils l'apprendront, les Cananéens et les autres habitants du pays, et ils vont se jeter sur nous, et effacer notre nom de la terre... Ne feras-tu rien pour Ton nom glorieux à Toi ? »[1] 

Yéhochoua craint que les ennemis des Juifs ne se sentent mis en confiance par cette défaite, mais ce n’était qu’un reflet de sa crainte première - celle d’un ‘Hiloul Hachem, d’une profanation du Nom de D.ieu - les gens risquent de percevoir, de manière incorrecte, que Hachem n’est pas tout-puissant contre leurs divinités. Et même s’ils réalisent la fausseté de cette croyance, en s’appuyant sur les nombreux miracles réalisé jusque-là, ils reconnaîtront au moins que la protection de Hachem de Son peuple n’est pas inconditionnelle - s’ils manquent à leurs obligations, Hachem, pour ainsi dire, recule et permet aux lois de la nature de jouer leur rôle. Ceci encouragerait les nations à continuer de se battre, dans l’espoir que le peuple juif faute à nouveau. En outre, même si les nations cananéennes redoutaient de se battre, cette nouvelle faiblesse dans le peuple juif les encouragerait à ne pas capituler aussi rapidement. En effet, comme le prophète le relate, des poches de nations non-juives sont restées obstinément sur la terre, et ont été à l’origine d’un grand nombre de problèmes qui ont affecté le séjour du peuple juif sur cette terre. 

A un niveau plus profond, il semblerait que cet échec initial ait été la cause de l’échec de l’éternité de la première conquête qui aurait débouché sur la Délivrance finale. Le Séfer Midrach Talpiot déclare, au nom du Mégalé Amoukot[2] que les premières lettres des termes Massé, décrivant les périples des Juifs, font allusion aux quatre nations victimes du vol d’A’han : Midiyan, Si’hon, Og et Jéricho. En conséquence, les quatre Galouyot (exils) ont été décrétés, comme on en voit l’allusion dans les premières lettres des termes du même verset : « EMaassé BIsraël » qui se réfèrent à Edom, Bavel, Madaï (Mèdes) et Yavan (la Grèce). Ceci nous enseigne que par la faute d’A’han, les quatre exils ont été nécessaires avant la Délivrance finale.

Comme le Rav Dovid Siegel[3] le commente :

« A’han a parfaitement perçu les conséquences de ses actions et réalisé leur menace potentielle pour le peuple juif dans son ensemble. Cette pensée tourmentait A’han, car par-dessus tout, cela indiquait un profond mépris pour la gloire de Hachem. Les nations du monde n’appréhenderaient plus Hachem avec leur perception originelle. Indépendamment des miracles passés ou futurs, le peuple de Hachem avait bel et bien subi une défaite. Ceci a laissé une impression indélébile sur les nations qui n’ont plus été en mesure de considérer Hachem avec leur respect mêlé de crainte d’origine. »

A’han a tenté de rectifier ce tort par la prière de Al Ken Nékavé, dans laquelle il exprime le désir profond du peuple juif de la destruction de toutes les formes d’idolâtrie et la révélation rapide de la gloire de Hachem. En récitant cette prière, le peuple juif se remémore le but ultime de la conquête d’Erets Israël et en retour, cela devrait les motiver à contribuer à la Délivrance finale.

Autre leçon que l’on peut tirer du récit d’A’han : les dommages collatéraux qui peuvent être provoqués en suivant ses instincts primaires. A’han n’avait certainement pas voulu causer un tel tort au peuple juif lorsqu’il s’appropria le butin des batailles, mais de nombreuses personnes trouvèrent la mort en conséquence de sa faute. De plus, le ‘Hiloul Hachem intervenu dans le sillage de la défaite a eu des répercussions à long terme pour le peuple juif.

Une leçon plus positive : A’han peut également servir d’exemple d’une Téchouva sincère, où tout comme son illustre ancêtre Yéhouda, il a assumé l’entière responsabilité pour ses erreurs, et a même composé une prière reflétant ses espoirs de rectifier les torts dont il avait été à l’origine.


[1] Yéhochoua, 7:9.

[2] Cité dans Michbétsot Zahav, Séfer Yéhochoua, p.151.

[3] Réflexions sur le Séfer Yéhochoua, Torah.org.