Voici un exemple concret d'un cas traité par des tribunaux rabbiniques, afin d'apprendre à voir et assimiler peu à peu le "Daat Torah", le fait d'avoir un esprit et une réfléxion de plus en plus en accord avec la Torah.
Cas :
Eliav a établit sa succession sur son lit de mort. Il a laissé à sa femme et à ses enfants le gros de ses possessions, mais il souhaite, en signe de reconnaissance, donner quelque chose à Amos et à Eviatar, qui ont été à ses côtés quand il en a eut besoin.
Il ne désire pas alléger la part de ses héritiers, et c'est pour cela qu'il propose de faire à ses amis une donation conséquente, sans toutefois toucher au capital. Il propose donc de les faire hériter des bénéfices de ses biens, pendant une certaine durée. Il demande, à ce titre, qu'il leur soit reversé la location de trois appartements qu'il possède pour une durée de deux ans.
Sa requête a été formulée et non consignée par écrit, et il n’a pas fait de Kinyan, d'acquisition. Binyamin, son fils, se demande si le vœu de son père défunt doit être accompli, et ce, pour deux raisons : la première est que son père a légué nommément une partie de ses biens et non la totalité (le reste a été hérité naturellement par son fils). Or n’est-il pas dit que la Matanat Chakhiv Mera', le don d’un moribond, a force d'acquisition si et seulement si, il a tout partagé (Baba Batra) ?
Ensuite, il cite le Talmud (id) qui stipule qu'un vœu de moribond n'est valable que s'il est possible, dans l’absolu, pour un bien portant de donner ce même bien par un moyen d’acquisition, un Kinyan. Or, à sa connaissance, on ne peut donner à autrui des intérêts et des dividendes à venir tels une location d'appartement.
Psak et explications :
La réponse à cette question nécessiterait un plus grand cadre que cette rubrique. Nous allons donc seulement donner les grandes lignes qui justifient le Psak Halakha.
Nos Sages ont donné la possibilité de léguer par la parole. Mais il faut qu’il soit clair que son acte est motivé par son souci morbide. C’est ainsi qu’il faut comprendre qu’un moribond doit donner tous ses biens pour que son vœu soit validé, car en donnant tous ses biens, il nous communique clairement son souci. Suivant cette logique, s’il dit formellement qu’il distribue ses biens parce qu’il se sent partir, il n’aura pas besoin de tout donner (à condition qu'il soit malade, mais un bien portant ne peut pas jouir de cette prérogative même s'il cite sa crainte de mourir). Dans notre cas, Eliav ne l'a pas dit, mais le fait qu'il fut malade en phase terminale le dispense de toute formulation, car c’est évident qu’il le fait pour cette raison (Choul’han Aroukh 250).
Concernant la location des appartements, il faut savoir que normalement, on ne peut léguer des bénéfices à venir car ils ne sont pas sujets au Kinyan, à l’acquisition, même pour un bien portant. Mais le Rama (209), selon l’interprétation de Rabbi Akiva Eiguer 141, et le Choul’han Aroukh (253, 13) acceptent la version des Tossefot dans Guitine 66, selon laquelle on va traduire le vœu afin de le rendre valide.
Quand une personne dit « donnez la valeur de l’appartement à untel », on entendra « donnez-lui l’appartement afin qu’il en retire le produit de sa vente ». De ce fait, il a évoqué un objet existant aujourd’hui et qui est sujet à l’acquisition.
Par contre, les décisionnaires acceptent la restriction faite par le Maguid Michné pour la location ou dit, en règle générale, les fruits de tout bien. En effet, cette règle n’est vérifiée que pour la valeur d’un objet et non pour un bénéfice qui en ressort. « Donnez l’argent de la location » ne deviendra donc pas « donnez l’usufruit de l’appartement à mes amis ». Binyamin est dispensé d’accomplir le vœu de son père.
Rav Yossef Simony
Cette rubrique propose de vous faire partager des cas traités, couramment ou non, dans les baté-din. L’unique but est de faire prendre conscience de la possibilité que donne la Torah de régler n’importe quel conflit financier selon des logiques très réglementées. Nous vous recommandons donc de ne pas tirer de conclusions personnelles de ces enseignements, car un détail et une parole peuvent changer toute l’issue du psak-din.