Question de Lionel B.
Chalom Rav Scemama,
J'apprécie beaucoup vos conseils très pertinents et intéressants. Grâce à D.ieu, j'ai fait Téchouva depuis 4 ans, mais il y a un domaine dans lequel je peine énormément, c'est celui de la prière. Il m'est très difficile de trouver de la ferveur à répéter trois fois par jour la ‘Amida. J'ai beau me forcer, je n'y arrive pas.
De plus, la prière en général est trop longue, surtout le Chabbath matin. Je suis obligé de sortir de temps à autre de la synagogue pour respirer de l'air frais. Merci de votre réponse.
Réponse du Rav Daniel Scemama
Chalom Lionel,
Sachez que vous n'êtes pas isolé dans vos sentiments, comme cela est rapporté dans le livre "Le Guide de la Téchouva" (éditions Torah-Box p.38).
Tout d'abord, une petite introduction sur le sens de la prière et son institution.
Le Ram’hal, dans son livre "Dérèkh Hachem" écrit : l'homme étant obligé de s'affairer dans les dédales de la matérialité - pour sa subsistance et autre -, il risque de se perdre dans l'obscurité de ce monde. C'est pourquoi, l'Éternel a prévu le moyen de parer à ce problème par le biais de la prière : en s'adressant à D.ieu et en Lui faisant part de tous ses besoins, l'homme se met en relation intime avec Lui et s'élève.
Cette marque de dépendance envers D.ieu va l’empêcher de plonger dans le matérialisme, car il aura fait précéder toutes ses actions par la prière.
Pour intensifier cette relation privilégiée, D.ieu a fait dépendre une part de ce qu'Il octroie à l'homme - comme subsistance, santé, paix - de la prière.
La prière étant un besoin réel, il est nécessaire de se préparer avant de s’adresser à D.ieu.
C'est pourquoi, nos Sages ont institué des textes à lire, bénédictions et psaumes, qui précédent la ‘Amida, qui est le principal de la prière.
Le Rambam rapporte que nos Sages ont fixé 3 prières par jour par rapport aux sacrifices que l'on offrait au Temple. Ils ont aussi fixé un rite fixe en hébreu et ont constitué la Téfila de 19 bénédictions dans lesquelles sont exprimés tous les grands besoins individuels et collectifs d'un Juif.
Pratiquement :
Pour parvenir à trouver goût à la prière, il faut dans un premier temps surmonter les difficultés d'ordre technique.
1. Pour comprendre ce que l'on dit, il faut prier dans un Siddour traduit. Il faut prier graduellement, en commençant par le principal et laisser les ajouts qui ne sont pas indispensables (on prendra conseil auprès d'un Rav pour cela).
2. Chercher une synagogue dont on aime l'ambiance, même si elle est plus éloignée qu'une autre ou que l'on y prie dans un autre rite que le nôtre.
Les chants et la joie qui marquent un lieu de prière sont très importants.
3. À la fin de la prière, on peut ajouter des demandes personnelles dans notre langue. Par ce biais, on crée une vraie relation avec D.ieu, puisqu'on exprime ce qui touche le plus profond de notre être. De même, l’étude des lois qui régissent la Téfila et les livres qui traitent de ce sujet (comme « Prier avec Feu » du Rav Kleiman) ravivent le cœur de l’homme à la Mitsva.
Mais il ne faut surtout pas forcer la ferveur. Elle doit venir d'elle-même.
4. Évidemment, le grand travail pour parvenir à prier sincèrement, c'est la Émouna - la foi. Il faut se trouver du temps, en dehors même de la Téfila, afin d'ancrer dans notre cœur que D.ieu est le Maître du monde et que Lui seul possède les moyens d'aider l'homme, qu'Il intervient constamment dans l'histoire collective et individuelle de l'humanité, qu'Il aime Ses créatures plus qu'on ne s'aime soi-même, et sait parfaitement ce qui est bon pour nous. Plus cette conscience sera ancrée en nous, plus nous aspirerons à nous adresser à Lui.
C'est pourquoi, de plus en plus, la pratique de la "Hitbodédout" se développe dans de nombreux cercles, et pas seulement chez les ‘Hassidim Breslev : il s'agit de se retrouver seul dans un endroit tranquille (certains vont dans la nature) et parler à D.ieu librement, comme un fils qui s'adresserait à son père.
Si l'on parvient à trouver le goût de la prière, elle deviendra pour nous un moment de plaisir et de réconfort.
On raconte que des élèves ont un jour surpris Rav Wolbe en train de prier seul la prière de Min’ha, en début d'après-midi. Devant leur étonnement, le Rav a répondu qu'il languissait tellement le moment de la prière qu'il n'avait pas pu attendre jusqu'à la fin de l'après-midi, où la prière avait lieu en communauté (Minyan).
Puisse-t-on arriver à ce sentiment !