Dans le traité de Chabbath, la Guémara relate l’histoire de Rabbi Chimon bar Yo’hai qui séjourna dans une caverne avec son fils Elazar pendant douze ans. En sortant de la caverne, ces deux Tsadikim aperçurent des hommes semer et labourer dans un champ, et ils dirent : « Ils délaissent la vie spirituelle pour s’affairer aux besoins du quotidien », là où leurs yeux se posaient, tout brûlait. Une voix céleste proclama alors : « Êtes-vous sortis pour détruire Mon monde ? Retournez dans votre caverne. »
Douze mois après leur retour dans la caverne, cette voix céleste leur annonça qu’ils pouvaient en sortir. En quittant la grotte pour la deuxième fois, ils virent un homme portant deux paquets de myrtes, et lorsqu’ils lui demandèrent pourquoi il portait deux paquets, il leur répondit : « Un pour le "Zakhor" ("remémorez-vous du Chabbath") et le second pour "Chamor" ("gardez le Chabbath"). Et Rabbi Chimon dit à son fils : « Les Mitsvot sont précieuses aux yeux des Juifs », et il en fut apaisé.
Le saint Rachbi n’était pas étonné d’un Juif qui mettait les Téfilines ou portait des Tsitsit. Ce qui provoqua son étonnement, c’était un Juif qui appréciait le Chabbath, ce mérite était si grand à ses yeux qu’il s’apaisa.
Dans l’ouvrage « Le Patron avant tout », la Rabbanite Rou’hama Shain évoque la figure de son père et Tsadik, Rav Ya’acov Hermann, l’un des pionniers du monde de la Torah aux États-Unis. Sa ferveur dans l’accomplissement des Mitsvot en général et son respect du Chabbath en particulier étaient célèbres. La réalisation de la volonté de D.ieu était au sommet de ses aspirations et surpassait toute aspiration matérielle. Voici le récit relaté par sa fille :
« Papa et maman étaient partis en route pour Erets Israël l’été de l’an 5699, ils devaient jeter l’ancre au port de ‘Haïfa un mercredi. On leur avait organisé un séjour de quelques jours au domicile du Rav Alfa et de son épouse, à ‘Haïfa. En pleine mer, le capitaine reçut l’ordre de naviguer par une voie de contournement, pour éviter des mines présentes dans les entrailles de la mer méditerranée. Au lieu d’arriver mercredi, le bateau jeta l’ancre au port de ‘Haïfa un vendredi, une heure avant le coucher du soleil. Quelques heures plus tôt, la Seconde Guerre mondiale venait d’éclater, avec l’invasion de la Pologne par l’Allemagne.
Des haut-parleurs demandèrent aux passagers de quitter immédiatement le navire et de prendre tous leurs bagages sur le quai. Ce fut l’émeute ! Papa et maman étaient très inquiets, comment pouvaient-ils s’occuper de leurs bagages, alors qu’ils devaient quitter immédiatement le port, et arriver à la maison du Rav Alfa à temps, avant le début du Chabbath ?
Des larmes inondaient ses joues : « Arriver en terre sainte et profaner le Chabbath ? Impossible d’y songer ! »
Papa rechercha la valise contenant le Séfer Torah, son Talith et ses Téfilines, et maman ne prit que son sac à main, ils se frayèrent un chemin sur le quai et demandèrent à parler à l’officier responsable.
L’officier anglais, un homme de grande taille, écouta l’explication de papa : « Je n’ai jamais profané le Chabbath ! Arriver en terre sainte et désacraliser le Chabbath ici - c’est impensable ! » Des larmes inondaient les joues de papa.
L’officier répondit : « Rabbi, la guerre a éclaté, nous évacuons le navire et laissons les paquets sur le quai, et lorsque le navire partira, le quai doit être dégagé ! »
« Mes biens m’importent peu, répondit papa, tamponnez juste nos passeports, pour que nous puissions partir ! »
L’officier lança un regard étrange à papa : « Combien de valises avez-vous ? »
« Seize cartons dans la soute et neuf valises dans notre coffre », répondit-il.
« Comprenez-vous que, dès l’instant où vous partez, vos paquets vont rester sur le quai sans surveillance ? Jusqu’à demain soir, il ne restera aucune trace de vos affaires, les Arabes vont tout voler », précisa l’officier.
« Je n’ai pas le choix, le Chabbath a presque commencé. Nous devons arriver à destination à temps. De grâce, tamponnez juste nos passeports, et laissez-nous partir ! », s’exclama papa.
Ébahi, l’officier appela un autre officier anglais : « Tamponne leurs passeports, et laisse-les partir. Ce Rav est prêt à perdre tous ses biens, pourvu qu’il arrive en ville à temps avant le début du Chabbath ! »
L’officier regarda avec stupéfaction papa, tamponna leurs passeports, et valida leurs papiers.
Malgré la perte de tous ses biens, son humeur était au beau fixe
Papa, tenant la valise contenant le Séfer Torah, et maman, avec son sac à main, trouvèrent un taxi qui les conduisit chez le Rav Alfa juste à temps pour allumer les bougies de Chabbath. Pendant tout le Chabbath, papa était d’excellente humeur, il répéta à plusieurs reprises à maman : « D.ieu fait tout pour moi, que puis-je faire un jour pour Lui ? Enfin, j’ai eu le privilège d’accomplir la Mitsva de "de tous tes moyens - de tout ton argent", et de sanctifier Son Nom ! »
Maman avait du mal à partager entièrement son exaltation, elle se sentait seule, éprouvant de la nostalgie pour ses enfants mariés restés à l’étranger, et la perte de tous leurs biens était une pilule difficile à avaler, mais elle ne se plaignit pas.
À l’issue du Chabbath, soixante-douze minutes après le coucher du soleil, après la Havdala récitée par papa, le Rav Alfa lui dit : « Allons au port, il se peut que nous trouvions quelques paquets… » Papa et maman ne partageaient pas son optimisme, mais se joignirent néanmoins à lui. En se rapprochant de la zone éclairée, une voix avec un accent anglais lança : « Qui est là ? »
Papa répondit : « Un des passagers du navire d’hier en fin d’après-midi. »
Le garde anglais s’approcha : « Comment t’appelles-tu ? », demanda-t-il.
« Ya’acov I. Hermann », répondit papa.
« Eh bien, il était temps que tu arrives ! On m’a promis que tu viendrais dès le coucher du soleil, tu as quelques heures de retard ! Mon commandant a menacé de couper ma tête s’il manque quelque chose dans tes affaires, vérifie s’il-te-plaît que tout est en ordre, et signe ces papiers. Dégage tout ceci le plus vite possible, je suis épuisé… »
Le Tsadik Rav Hermann a honoré le Chabbath de toute son âme et de tout son argent, avec intégrité, sans aucun intérêt personnel, en ayant à l’esprit la seule volonté de D.ieu ! Du Ciel, on s’est soucié de protéger ses biens…