On a assez disserté sur le rapport entre l'hellénisme et l'hébraïsme, à chaque époque. Aujourd'hui, il semble inexorable de reconnaître cette fête – non écrite dans les Livres du Tanakh – comme une réponse actuelle, un défi contemporain, pour plusieurs raisons. 

On sait que ‘Hanouka a une double origine : la guerre religieuse contre l'hellénisme envahissant, et, par ailleurs, la découverte d'une fiole d'huile, non souillée, qui a duré huit jours alors qu'il n'y avait d'huile que pour un jour. Cette deuxième s'ajoute aux combats des Hasmonéens contre les Grecs. Cette deuxième source est rapportée dans la Guémara, dans le traité Chabbath. 

L'autre source – la défense contre l'assimilation hellénistique – n'est rapportée que dans les livres non inclus dans le canon biblique. Les livres historiques comme les livres de Flavius Josèphe sont acceptés. Ils ont même une projection halakhique, puisque le dévouement des mères prêtes à mourir pour assurer la circoncision de leurs fils est mentionné dans la Halakha, bien que non consignée dans les livres sacrés. 

La deuxième source – talmudique – est populaire, et est liée à une observance stricte, concernant l'allumage. Source écrite, livresque, mais non officielle (mentionnée dans la prière d'Al Hanissim) et source orale, rabbinique, qui se fonde sur le miracle numérique, les huit jours de la durée. Cette deuxième source est d'ordre pratique, puisque c'est celle qui a une incidence dans l'observance des Mitsvot

Ne pourrait-on pas dire que le numérique s'ajoute et dépasse le livresque ? 

Le chiffre dépasse aujourd'hui la lettre. À remarquer, d'ailleurs, que la même racine – Séfer – exprime à la fois le chiffre (Mispar) et le livre (Séfer, livre), deux vocables venus de la même racine (Saper, raconter). Cette rencontre entre le numérique et le "livresque" est très significative et s'inscrit bien dans la relation, à ‘Hanouka, entre les deux origines de la fête, exprimées l'une dans la prière et l'autre dans le Talmud.

Cependant, au-delà de cette première lecture, une réflexion philosophique semble s'infiltrer dans cette convergence, à ‘Hanouka, entre la guerre et la lumière. Il est incontestable que l'effort guerrier, dû au refus de l'assimilation à la culture grecque, à cet effort s'ajoute l'éclat de la lumière provenant de l'huile cachée, puis découverte dans le Temple. Tandis que la guerre est l'expression de l'immanence de l'action humaine, l'huile symbolise la présence, permanente, de la Providence, c'est-à-dire de la Transcendance, de D.ieu Qui n'abandonne jamais Son peuple. 

Les deux sources de ‘Hanouka se complètent dans l'ordre naturel (refus de l'influence hellénique) et dans la dimension métaphysique, symbolisée par le miracle de l'huile, rapportée seulement dans le Talmud.

Cette rencontre entre l'immanence et la transcendance résume en fait l'histoire d'un peuple souvent objet des pressions de ses ennemis mais toujours résistant à ses adversaires. Le Maharal illustre cette double relation envers Israël par la valeur numérique de trois vocables : le Temple s'appelle Hékhal (terme dont la valeur numérique est 65) et le terme Yavan (grec, dont la valeur numérique est 66) peut lutter et vaincre temporairement Israël. C'est le cas des souffrances d'Israël, car 65 est inférieur à 66. 

Ces deux chiffres s'inscrivent dans la septième dizaine (de 60 à 70). Mais au-delà, se trouve le terme "Cohen" prêtre chargé du service du Temple (dont la valeur numérique est 75, donc dans la huitième dizaine). Au niveau de la septième – guerre, pogroms – l'ennemi peut réussir à atteindre le Juif (66 plus fort que 65), mais au niveau de la huitième dizaine, 75, il n'y a pas de place pour l'ennemi. C'est ce chiffre 8 qui se retrouve dans la transcendance évoquée plus haut qui se traduit dans les 8 jours de la durée de l'huile. 

7, c'est la nature, la possibilité de l'immanence, mais 8 – chiffre également de la circoncision – évoque l'au-delà de la nature, le miracle surnaturel. Dans la prière, on rappelle le miracle naturel (triomphe des faibles sur les forts) mais dans le Talmud, dans la lecture plus cachée de l'évènement, le miracle d'un dépassement du naturel, c'est alors qu'Israël peut assurément triompher, et survivre à tous les adversaires. La dimension horizontale de la guerre (naturelle) est dépassée par la dimension verticale du miracle de l'huile.

Immanence dans la lutte, transcendance dans la lumière, tel doit être, pour nous aujourd'hui, le message de ‘Hanouka.