Dans un livre consacré à l’importance de l'Étude, et en particulier de la Torah, on avait présenté une analyse de Chir Hachirim de la façon suivante : « Le Talmud nous enseigne à voir dans le Cantique des Cantiques un chant d’amour entre l’Éternel et le peuple d’Israël. Une première lecture superficielle ne verrait dans ce Livre qu’un chant émouvant entre un berger et une bergère qui se rapprochent, se perdent, se retrouvent. Mais la tradition juive veut que ce chant d’amour soit un symbole du dialogue entre le Saint béni soit-Il et le peuple d’Israël. Dans cette lecture, la rencontre correspond à la sortie d’Égypte et la Révélation du Sinaï, la querelle symbolise la désobéissance du peuple puis l’exil ; les retrouvailles traduisent l’annonce de l’avènement messianique » (Lionel Cohn, Oui, je lis la Bible, p. 41-42). L’amour est la seule force créée ayant elle-même un pouvoir de faire apparaître la vie.
Ici, se situe le deuxième aspect, le deuxième élément destiné à maintenir l’humanité, l’élément de la justice. L’amour risque de déborder si on ne le limite pas. C’est le deuxième aspect de la Révélation : la limite, le danger de l’expansion non contrôlée. À l’amour (‘Hessed) s’ajoute le « Din » pour s’épanouir dans la Révélation qui est marquée par le sceau du « Din ». C’est le terme « Élokim » désignant l’Attribut de Justice. Amour et Justice préparent la Révélation qui traduit la Vérité dans le monde. Celui qui la symbolisera, après Avraham (amour) et Its'hak (justice), sera Ya'akov (vérité). La semaine, les 7 jours, est le chemin vers la révélation, vers le Chabbath. La semaine est donc le véhicule de la volonté du Maître de la Création. Elle est le sceau du Roi dans Son domaine. Ainsi, explique le Rav Moché Chapira, peut-on comprendre que les deux vocables – Chavou'a (semaine) et Chevou'a (serment, affirmation assurée) – soient le même terme. La semaine ne correspond à aucun phénomène cosmologique mais est le Serment de l’Éternel avec la nature, et culmine donc par le Chabbath, jour de l’affirmation de la Présence du Créateur dans la Création. C’est ainsi que les 7 semaines constituent la préparation à la Révélation. La semaine est donc le pivot de la Création dans l’ordre cosmique, comme les attributs d’Amour et de Justice convergent dans la dimension éthique de la créature.
À l’époque de la Révolution française, les révolutionnaires voulaient faire 12 mois de 30 jours, et 3 semaines de 10 jours. Cela n’a évidemment pas réussi, et ne pouvait pas réussir. À ce titre, le carré du 7 (7x7) est évidemment un témoignage de l’intervention de la Transcendance dans le cadre du débat de l’humanité. Les 12 mois hébraïques ont reçu un nom lié à la présence du peuple en Babel, mais les 7 jours, eux, sont liés au Créateur et ne se réfèrent, concrètement, qu’à l’ordre de la création, et se comptent dans l’ordre hiérarchique ! Quoi de plus clair pour souligner que le jour est l’unité de la création.
Justice et Amour s’associent pour témoigner de la Vérité que les jours illustrent. Le tissu du créé est clair, et seuls ceux qui veulent ignorer la vérité fondamentale cherchent à fuir cette vérité. Les religions et les organisations sociales savent qu’il faut donner un jour férié dans la semaine, mais le Chabbath n’est pas un jour férié. Il est le révélateur du Tout-Puissant dans le créé.
La fête de Chavou'ot constitue ainsi la signature divine dans le monde, et c’est ainsi qu’il importe de comprendre l’utilisation des deux termes – le Tétragramme, symbole du lien affectif avec D.ieu, joint au terme Élokim, dimension plus sévère, le lien entre les deux termes donc dans le premier des Dix Commandements : Hachem exprime l’amour, et, Élokim les limites de l’Amour. Ainsi est assuré, dans le Serment divin, ce qui assure le fondement du créé. Cela nous parle ainsi, puisque la Sortie d’Égypte – et non la Création – est mentionnée, comme la signature du Tout-Puissant. Il est bon, agit dans le monde, nous surveille, nous donne Sa Loi, et la Création est certifiée ainsi. Cela explique clairement le rapport des deux sens du terme Chavou'a : la semaine et le serment divin témoignent du Créateur, qui nous parle et nous ordonne de L’écouter, pour notre bien. La richesse de la langue hébraïque invite à lire la convergence d’un terme temporel et d’un thème social, mais cette rencontre est le meilleur témoignage de la Vérité.