La Paracha Choftim poursuit l’œuvre du livre de Dévarim en synthétisant les enseignements énoncés précédemment par Moché Rabbénou et en préparant le peuple à son entrée et son installation au sein de la terre d’Israël.
Parmi, les différentes notions évoquées par notre Paracha, certains versets insistent sur l’interdiction d’avoir recours à la sorcellerie, à la nécromancie, ainsi qu’à l’évocation des esprits. Et immédiatement après ces versets, la Torah énonce un principe général relatif à l’attitude que chaque Juif doit rechercher face à Hachem, un verset court mais décisif (chapitre 18, verset 13) : « Sois intègre avec l'Éternel, ton D.ieu ! » (Tamim Tihyé Im Ado-naï Elohékha).
Ce verset, assez simple à première lecture, suscite un commentaire assez long de Rachi : « Soit intègre avec l'Éternel, ton D.ieu : Marche avec Lui avec intégrité, aie confiance en Lui, et ne scrute pas l’avenir. Mais accepte avec intégrité tout ce qui t’advient, et alors tu seras avec Lui et tu seras Sa part. »
Cet enseignement de Rachi mérite que l’on s’y attarde dans la mesure où il semble livrer certaines clefs fondamentales de la vie spirituelle, et de la confiance en D.ieu. Les parents s’interrogent souvent sur les ressources qu’ils doivent donner à leurs enfants pour affronter les défis de la vie, et nous voulons croire que certaines clefs essentielles se trouvent dans ce verset et son commentaire.
Remarquons, tout d’abord, que Rachi établit un lien avec les versets qui précédent et qui évoquaient l’interdiction d’avoir recours à la sorcellerie ou à toute autre pratique similaire. En effet, ce qui peut amener l’homme à s’intéresser à ces pratiques, c’est bien souvent une inquiétude quant à l’avenir, une préoccupation sur ce qui peut arriver et l’incapacité à décider par lui-même de la bonne voie à suivre. L’homme est ainsi amené à faire des projections, des conjectures sur le futur afin d’anticiper et de calculer les probabilités que telle ou telle situation survienne. Ce faisant, l’homme s’éloigne de son Créateur, D.ieu préserve, dans la mesure où il se perçoit comme en proie à une fatalité, ou bien à un déterminisme inexorable auquel nul ne peut rien.
Bien sûr, c’est oublier qu’il y a un Maître du monde Qui oriente la vie de chacun pour le bien, Qui veille sur chacun, et Qui n’abandonne jamais Ses enfants aux mains du hasard et des coïncidences. Au lieu d’avoir recours à des hommes qui ne sont d’aucun secours, Rachi nous rappelle que nous avons le privilège de pouvoir nous adresser simplement au Créateur du monde qui, Lui, peut tout.
C’est précisément cette simplicité du rapport à D.ieu que Rachi nous invite à méditer et à retrouver. L’homme a parfois tendance à se perdre dans des abîmes de réflexions et de calculs, soit par ignorance de la Torah, soit par une volonté de percer les mystères de la Providence divine et de vouloir comprendre des éléments qui échappent radicalement à l’esprit humain.
Pour atteindre cette simplicité, l’homme doit être « Tam », nous dit la Torah, non pas dans le sens d’une simplicité d’esprit, mais plutôt dans le sens d’une innocence et d’une pureté. L’homme doit s’efforcer de remettre sa confiance en D.ieu, de mettre en suspens sa propre logique et ses calculs, et d’essayer simplement de faire la volonté de D.ieu et de marcher auprès de Lui, comme nous y invite Rachi.
Il est intéressant de constater que Rabbi Na’hman de Breslev a choisi de commencer son fameux livre Likouté Moharane en commentant précisément cette notion de simplicité et d’intégrité, de « Témimout ». Rabbi Na’hman s’appuie notamment sur le premier verset du long psaume 119 qui énonce : « Heureux ceux dont la voie est intègre (Témimé Darèkh), qui suivent la Loi de l’Eternel » ayant recours à cette notion de Témimout. Rabbi Na’hman analyse également cette simplicité comme la capacité de l’homme à conserver la pureté originelle de sa Néchama, à ne pas se perdre dans des calculs personnels mais simplement à vivre près d’Hachem. Cette simplicité désigne finalement une faculté à rester soi-même, dans toute son authenticité et sa pureté.
Si nous voulons donner une image de l’horizon auquel nous devons tendre, nous pourrions peut-être observer la Emouna des enfants. Ces derniers ne connaissent pas le doute, le cynisme, ou le pessimisme, ils incarnent l’innocence et ont une confiance absolue dans la vie et dans la Providence divine, que l’on aurait tort de confondre avec de la naïveté. Lorsqu’on leur parle d’une Mitsva ou d’une bonne disposition d’esprit ou de cœur, ils souhaitent immédiatement l’acquérir et ils questionnent les adultes pour savoir comment y parvenir concrètement.
Un grand Rav confiait ainsi avoir ressenti une émotion particulière à l’issue d’un cours sur l’importance du 'Hessed (actes de bonté envers autrui) lorsqu’un enfant s’est approché de lui pour lui demander des conseils pour comprendre comment faire du 'Hessed. Le Rav a confié avoir perçu dans cette question une volonté simple mais authentique de faire le bien. Les adultes ont vite fait de prendre du recul sur ce qu’ils entendent ou de trouver toutes sortes de justifications pour s’exonérer de certaines obligations. Cet enfant, lui, n’avait pas encore été gâté par la lassitude, le désenchantement du monde qui accompagne parfois le passage à la vie adulte.
A l’approche de Roch Hachana, et dans ce mois de la Téchouva, ce n’est pas un hasard si nous lisons ce verset qui nous invite donc à retrouver notre simplicité et notre pureté originelles et, peut-être, à coïncider à nouveau avec la pureté de la Néchama que nous avions lorsque nous étions enfants. Nous devons aspirer de tout notre cœur à la retrouver, et Hachem nous y aidera sans aucun doute, conformément à ce que nos Sages nous enseignent : « Celui qui veut se purifier, la Providence le purifie ».
Depuis notre naissance, notre âme est reliée à la même source près de D.ieu, elle y puise sa force et son énergie vitale, même si parfois nos fautes obstruent plus ou moins la communication. Il nous appartient donc d’éliminer tous les obstacles afin de nous engager dans un retour près d’Hachem authentique et porteur de bénédictions. Ce travail peut paraître compliqué, mais il est en réalité à la portée de tous. Il suppose bien sûr l’étude de la Torah et la pratique des Mitsvot, chacun à son niveau, mais il requiert avant tout une volonté fermement chevillée au corps d’y parvenir et le désir de retrouver la grandeur spirituelle qui nous est promise depuis notre naissance. Puisse Hachem nous aider à trouver la force et la lucidité pour accomplir ce travail d’un cœur pur et entier !