« Et à présent, Israël, qu’est-ce qu’Hachem demande de toi, si ce n’est de craindre Hachem ton D.ieu, de marcher dans Ses voies… » (Dévarim 10,12).
Quand Moché Rabbénou enjoignit aux Bné Israël de suivre les voies d’Hachem, il leur demanda, d’après le Sifri, d’émuler Ses traits de caractère – par exemple, d’être bon de la même façon qu’Hachem est bon. Ainsi, celui qui accomplit un acte de bonté remplit cette obligation.
Il existe une autre Mitsva que l’on accomplit en se montrant bienveillant – celle de Véaavta Léréakha Kamokha, d’aimer son prochain comme soi-même.[1] Pourquoi faut-il deux Mitsvot pour une même action ? Rav Its’hak Berkovits explique qu’il y a une différence fondamentale entre les deux Mitsvot, car la motivation qui se cache derrière chaque Mitsva est très différente. En ce qui concerne la Mitsva de Véaavta Léréakha Kamokha, le but de développer un amour vis-à-vis du prochain et de vouloir l’aider comme on aurait voulu être aidé[2]. Ainsi, si l’on centre son attention sur le désir de voir son ami réussir, sur le souci pour son bien-être, on accomplit la Mitsva de Véaavta Léréakha Kamokha.
Par contre, l’intention qui se cache derrière la Mitsva de Véalakhta Bidrakhav est d’améliorer ses traits de caractère, afin d’émuler ceux d’Hachem. Ainsi, de la même manière qu’Hachem est bon, l’individu doit aspirer à la bonté et s’efforcer d’agir avec bienveillance. Dans ce cas, s’il se focalise sur l’amélioration de ses Midot dans le but de les faire ressembler à celles d’Hachem, il accomplit la Mitsva de Véalakhta Bidrakhav[3].
Inutile de préciser qu’il est possible, voire idéal, d’avoir les deux intentions simultanément et ainsi d’accomplir les deux Mitsvot en même temps. Rav Chimchon Pinkous incarnait cette bonté à double facette. Plusieurs anecdotes évoquent cette magnifique qualité et son amour grandiose pour autrui. Parfois, le ’Hessed exige des efforts considérables et beaucoup de temps, mais à l’instar du ’Hessed d’Hachem qui est infini, l’individu peut faire de son ’Hessed une qualité aussi illimitée que possible[4].
Un couple d’Ofakim donna naissance à un bébé prématuré à Jérusalem. Le bébé devait rester hospitalisé pendant au moins trois semaines. Les médecins conseillèrent à la mère de rester à ses côtés afin de pouvoir l’allaiter, parce que le lait maternel constitue la meilleure aide au développement de l’enfant et cela lui permettait de rentrer chez lui plus tôt. Malheureusement, ce n’était pas possible, donc l’équipe médicale donna au bébé du lait maternisé, moins efficace que le lait maternel. Le père raconta ce qui se passa par la suite. « Je suis allé chez Rav Pinkous (le Rav de la ville) qui était comme un père pour nous tous, afin de lui annoncer personnellement la nouvelle et il souhaita Mazal Tov et Réfoua Chéléma à la mère et au bébé. Trois jours plus tard, Rav Pinkous m’appela après la prière du matin et me dit qu’il se rendait à Jérusalem ce jour-là et qu’il serait ravi d’apporter du lait maternel à l’hôpital… J’imaginais bien que le Rav se rendait en centre-ville et non aux alentours de l’hôpital, je tentai donc de le dissuader, mais il refusa d’accepter mon refus. Ce fut le premier des nombreux voyages que Rav Chimchon fit en notre faveur jusqu’à l’hôpital. Incidemment, le Rav « devait de toute façon » voyager jusqu’à Jérusalem tous les jours durant les deux semaines suivantes et il insista pour prendre journellement le lait de ma femme jusqu’à l’hôpital, où « il devait se rendre de toute façon, donc il serait dommage de ne pas sauter sur l’occasion ». Je n’ai aucun doute qu’il concocta ces voyages uniquement pour nous.
Ce niveau de ’Hessed est déjà au-delà de notre compréhension, mais quand le père vint chercher l’enfant pour le ramener à la maison, il réalisa jusqu’où était allé le dévouement du Rav. La première fois que Rav Pinkous apporta le lait, il douta de la disposition des infirmières à donner au bébé du lait maternel et non la formule toute prête qui prend moins de temps. Par conséquent, il obtint une autorisation spéciale pour entrer en pouponnière, en tant que « Rabbin de famille », bien que normalement, l’hôpital ne laisse entrer que les deux parents du bébé et ses grands-parents. Il s’y rendit chaque jour et avec une patience infinie, il nourrit l’enfant avec le lait de sa mère.
Bien sûr, ce niveau de ’Hessed nous dépasse de loin, mais l’exemple de Rav Pinkous peut nous motiver à faire un peu plus d’efforts pour accomplir au mieux cette Mitsva double – d’aimer notre prochain et d’émuler les voies d’Hachem.
[1] Inutile de préciser qu’il existe plusieurs façons d’accomplir la Mitsva de Véaaavta Léréakha Kamokha – agir avec bonté n’est que l’une d’elles.
[2] Notons que souvent, l’homme n’est pas tenu de faire du ’Hessed parce qu’il doit passer avant, en vertu du principe « ‘Hayékha Kodmim ». Toutefois, gardons à l’esprit que le ‘Hessed est particulièrement louable et il ne convient pas de trop s’évertuer à rester au-devant de la scène.
[3] Il existe des situations où l’une des Mitsvot s’applique et pas l’autre – par exemple, faire du bien à un animal est une preuve de bonté, mais cela n’entre pas dans la catégorie de Véaavta Léréakha Kamokha puisque cette Mitsva est accomplie quand elle vise un autre Juif.
[4] Ce ne doit pas être aux dépens de son propre bien-être ou de celui de sa famille – un tel ’Hessed serait déplacé. Rav Pinkous était à un niveau où le ’Hessed pour les autres et celui pour les membres de sa famille n’étaient pas contradictoires.