Chaque année, pendant le Chabbath qui précède la fête de Pourim, nous lisons la Parachat Zakhor qui nous rappelle l’obligation d’anéantir le peuple maléfique d’Amalek. La Torah nous en donne la raison ; la nation d’Amalek nous attaqua quand nous traversâmes le désert, d’où l’ordre de l’anéantir totalement. Pour mieux comprendre ce que représente ce peuple, penchons-nous sur le personnage d’Amalek lui-même. Qui était Amalek, cet individu qui apprit à ses descendants à se battre de toutes leurs forces contre Israël ? Comment a-t-il développé une haine tellement intense pour le peuple juif, qui n’est nulle autre que son peuple cousin ?
Dans la Parachat Vayichla’h, la Torah parle des descendants d’Essav – du fils de ce dernier, prénommé Eliphaz et de ses nombreuses relations immorales. « Timna était une concubine d’Eliphaz et Eliphaz donna naissance à Amalek. »[1]. La Guémara (Sanhédrin 99 b) nous donne le contexte de cet événement. Timna était une princesse, mais elle voulait se convertir. Elle est allée chez Avraham, Its’hak et Ya'acov [pour se convertir], mais ils ne l’ont pas acceptée. Elle devint alors la concubine d’Eliphaz, le fils d’Essav, pensant qu’il valait mieux être une servante au sein de cette nation plutôt qu’une femme importante dans un autre peuple. [Par conséquent], Amalek, qui allait causer beaucoup de mal au peuple juif, naquit. C’est le refus d’accepter Timna qui incita cette dernière à s’unir à Eliphaz et à donner naissance à la source ultime du mal, Amalek.
Rav Zéev Leff parle du rôle important de ce rejet dans la haine apparemment irrationnelle d’Amalek envers le peuple juif. Il explique que lorsqu’une personne se sent exclue, elle développe souvent une aversion pour celui ou celle qui l’a rejetée. Le sentiment de rejet est très douloureux et peut engendrer une impression d’insignifiance et d’infériorité. L’un des moyens (certainement pas le plus sain) d’éliminer ce sentiment est le fait de délégitimer la source du refus. En considérant le « rejetant » comme étant lui-même sans importance, l’individu peut effacer cette impression d’inutilité, puisque la cause de ce sentiment est, elle-même, sans aucune valeur !
Amalek savait que sa mère avait été écartée par les Patriarches. Sa façon de contrer ce rejet fut de rejeter les Avot eux-mêmes, de montrer que les descendants des Patriarches étaient insignifiants. Il put alors affirmer sa propre personne, se sentir important. Amalek aurait peut-être pu adopter une approche plus saine pour rehausser son estime de soi, mais un deuxième incident lui rendit la tâche encore plus difficile.
Le Midrach raconte : « [Amalek] demanda [à son père Eliphaz] : "Père, qui héritera de ce Monde et du Monde à venir ? Les enfants d’Israël, répondit [Eliphaz]. Sors et va creuser des puits et réparer les routes pour eux. Si tu le fais, tu seras parmi les plus bas d’entre eux, mais tu auras une part dans le monde à venir." Quand il entendit cela, [Amalek] devint l’ennemi et le poursuivant d’Israël[2]. »
Si Amalek avait écouté le conseil de son père et qu’il s’était soumis au peuple juif, il aurait pu avoir une part dans le monde à venir. Mais les paroles d’Eliphaz eurent exactement l’effet inverse ; elles lui firent haïr le Klal Israël et l’incitèrent à le détruire. Son sentiment de rejet fut exacerbé par le conseil de se rabaisser devant le peuple juif. Les deux incidents lui firent sentir que la seule façon d’affirmer sa supériorité était d’éliminer totalement la nation juive en dépit des miracles accomplis en faveur des Juifs. Cela explique pourquoi il attaqua le peuple juif dans le désert malgré la Providence manifeste qui les aidait et bien que cette attaque fût très dangereuse. D’ailleurs, le peuple d’Amalek fut grandement affaibli lors de cette bataille, mais cela n’endigua pas son désir intense d’anéantir le peuple juif.
Ainsi, la haine profonde d’Amalek envers le peuple juif n’est pas due à des différences d’avis sur le plan philosophique. Elle a pour origine le rejet de Timna et le conseil d’Eliphaz. Ces deux éléments créèrent une personne amère qui, au lieu de s’améliorer, chercha à détruire la « cause » de son insignifiance. À l’échelle personnelle, chacun d’entre nous est confronté au défi d’Amalek. Nous sommes tous, à un moment ou à un autre, rejetés par quelqu’un. Nous apprenons de ce développement qu’il vaut mieux ne pas perdre notre temps et notre énergie à essayer de nous venger de cette personne. Au contraire, nous devons développer notre estime personnelle et réaliser que nous avons une valeur intrinsèque incroyable, du simple fait que nous soyons créés à l’image de D.ieu.
[1] Vayichla’h 36,12.
[2] Tana Débé Eliahou, Chap. 24, Yalkout Chimoni, Béchala’h, 268.