Dans la parachat Pékoudé, à la fin des travaux de construction du Michkan, les Bné Israël ne purent pas l’ériger du fait de son poids massif. Moché Rabbénou n’avait pas participé à l’édification, et Hachem voulut lui octroyer l’honneur de l’ériger. Hachem lui dit de faire un essai et que le Michkan allait se tenir de lui-même, donnant l’apparence que Moché l’avait édifié.[1]
Les Juifs furent récompensés pour leurs travaux de construction. Mais pourquoi Moché serait-il récompensé pour l’érection du Michkan, s’il n’a pas du tout œuvré pour cette cause ? N’est-ce pas Hachem Lui-même qui l’érigea ? En réalité, nous ne parvenons à accomplir les Mitsvot que parce qu’Hachem nous en donne la possibilité ; sans Son aide, nous ne sommes capables de rien. À la différence de l’époque du Michkan où le miracle fut dévoilé, lorsque nous effectuons une Mitsva de nos jours, il s’agit d’un miracle caché. La récompense est reçue pour l’effort fourni, non pas pour le résultat obtenu. Moché Rabbénou tenta d’ériger le Michkan, donc il en fut récompensé comme s’il l’avait réellement fait.
Le Sifté ’Haïm[2] écrit que dans le domaine matériel, nous réalisons facilement que nous ne pouvons rien accomplir sans Hachem. Si l’on est tellement actif pour réussir, c’est du fait de la malédiction décrétée par D.ieu à la suite de la faute d’Adam Harichon. Tous nos efforts pour subvenir à nos besoins ou pour d’autres activités d’ordre matériel résultent de cette « Gzérat Hichtadlout » — nous sommes tenus d’investir ces efforts, mais nous devons reconnaitre qu’ils ne mènent pas à notre réussite. Et il en est de même sur le plan spirituel. Nous disposons du libre arbitre, c’est-à-dire de la possibilité de choisir entre le bien et le mal. Mais le résultat final est au-delà de notre contrôle. Par exemple, un homme peut faire son possible pour acheter un bel Etrog, mais celui-ci peut devenir invalide le jour de Yom Tov, s’il tombe et s’abîme. Nous prenons la décision d’accomplir une Mitsva, mais seul Hachem peut nous aider à la mener à bien.
Pourtant il ne faut pas comparer la quantité de Hichtadlout à faire dans les deux domaines. Le Sifté ’Haïm note une différence fondamentale entre les deux : « Dans le domaine matériel, la Hichtadlout est un "impôt" que l’on doit payer et il n’est pas bon d’ajouter à cette pénalité. (Cela signifie que l’on doit minimiser la Hichtadlout autant que possible.) Par contre, dans la Avodat Hachem, nous devons faire le maximum de Hichtadlout, fournir tous les efforts possibles. »
On raconte que l’un des élèves de Rav Shraga Feivel Mendelowitz arrivait systématiquement en retard au cours débutant à 9 h. Un jour, on lui fit savoir que « le Boss » souhaitait lui parler. L’élève entra dans le bureau en tremblant. « Nou, quand commenceras-tu à arriver à l’heure au Chiour ? » demanda Rav Mendelowitz. L’élève embarrassé répondit par un simple « Im Yirtsé Hachem – Si D.ieu veut… » Mais le Rav n’était pas du genre à se laisser amadouer facilement. « Non, répliqua-t-il en secouant la tête, pas "Si D.ieu veut", mais "Si tu veux" ! »[3] Il ne faut pas se conforter en pensant qu’Hachem ordonnancera bien les choses, il faut parfois prendre soi-même certaines initiatives.
Le rôle de la Hichtadlout dans la Avodat Hachem est souvent mal compris, surtout quand elle touche l’ensemble du peuple juif. On peut aisément penser que même si la situation est très déplorable, Hachem ne la laissera pas se détériorer indéfiniment, et nous pouvons espérer que les choses s’arrangeront. ’Hazal nous enseignent que c’est une grave erreur ; si l’on n’agit pas pour résoudre les problèmes du Klal Israël, ils perdureront – Hachem souhaite que nous améliorions la situation par nos propres efforts. Cette idée est exprimée dans la Michna de Pirké Avot : « Dans un endroit où il n’y a pas d’hommes, Hichtadel [efforce-toi] d’être un homme. »[4] Plusieurs commentateurs expliquent que lorsqu’il n’y a pas suffisamment de gens qui s’occupent des besoins de la communauté, il faut se mettre à l’action.[5] Notons que la Michna utilise le mot « Hichtadel », alors qu’elle aurait pu dire simplement : « Là où il n’y a pas d’hommes, sois un homme. » Ce mot laisse sous-entendre un effort réel ; il ne suffit pas d’« essayer » vaguement d’aider les autres, mais il faut véritablement œuvrer en leur faveur.
Pour résumer, nous avons vu que tout au long de sa vie, Moché Rabbénou fit de son mieux pour accomplir la volonté divine. En récompense, Hachem lui donna la possibilité d’atteindre des résultats surhumains, comme l’érection du Michkan. Ainsi, nous apprenons que ce qu’Hachem attend de nous, ce sont nos efforts et que le résultat est entre Ses mains.
[1] Rachi, Parachat Pékoudé, Chémot, 39:33.
[2] Sifté ’Haïm, Midot Véavodat Hachem, 2e Volume, p. 24.
[3] Reb Shraga Feivel, Rosenblum, p. 175.
[4] Avot, 2:6.
[5] Voir Rachi, Barténoura, Tiféret Israël, Milé Déavot, Rav Hirsh sur Pirké Avot.