On a tous entendu parler de l’épisode du buisson ardent, lors duquel Hachem est apparu à Moché Rabbénou dans un buisson enflammé qui ne se consumait pas[1]. Hachem parla alors à Moché de sa mission – celle de délivrer le peuple juif. Après plusieurs années, Moché rappelle cet incident lorsqu’il bénit la tribu de Yossef. Il dit : « Les délices du sol et son abondance, et la faveur de Celui qui trôna dans un buisson… Puisse-t-elle reposer sur la tête de Yossef, sur le front de l’élu de ses frères. »[2] Rachi estime que cela se réfère à l’épisode du buisson ardent dans lequel Hachem se dévoila à Moché.
Quel rapport y a-t-il entre le buisson ardent et Yossef ? Le Béer Bassadé[3] soulève cette question. Pour y répondre, il rapporte le Yalkhout Chimoni[4] : « Et voici que le buisson brûlait dans le feu – Hakadoch Braoukh Hou dit : " C’est à cause de la haine des frères à l’égard de Yossef qu’ils durent descendre en Égypte et c’est par son mérite que Je me dévoile dans le buisson et que Je les délivrerai", comme il est dit : "Tu as délivré Ton peuple par Ton bras, les enfants de Yaacov et de Yossef"[5]. »
Le Béer Bassadé explique que ce n’est que par le mérite de Yossef qu’Hachem apparut à Moché. Il ajoute que le terme שוכני employé dans le verset aurait dû se lire שוכן, sans la lettre Youd. La valeur numérique de celle-ci étant de 10, cela fait allusion aux dix années que Yossef passa dans le cachot égyptien.[6]
Le Yalkout Chimoni précise que le feu du buisson symbolise les grandes souffrances que subiront les Juifs lors des quatre exils, mais le fait que le buisson ne se soit pas consumé indique que le peuple juif ne sera miraculeusement pas détruit malgré toutes ses épreuves, grâce à la protection divine. Cette survie du peuple juif est tout aussi prodigieuse sur le plan spirituel – en dépit de toutes les menaces d’assimilation, nous restons loyaux à Hachem et à la Torah et les Bné Israël ne seront jamais avalés par les autres peuples. C’est unique au peuple juif – toutes les autres nations qui furent exilées se trouvèrent assimilées par la société environnante.
De la même manière, Yossef subit de grandes souffrances, mais Hachem le protégea et il ne fut pas détruit physiquement. Qui plus est, il parvint à éduquer dignement ses fils malgré les menaces spirituelles de l’exil. D’ailleurs, si l’on bénit nos enfants et qu’on leur souhaite d’être comme Éphraïm et Ménaché (et pas comme les Patriarches), c’est, entre autres, parce qu’ils furent les premiers enfants juifs à avoir vécu dans un environnement complètement coupé de toute spiritualité et à avoir maintenu leur haut niveau religieux.
Dans le même ordre d’idées, Rav Its’hak Hutner souligne que Yossef représente plus qu’une tribu, il est un « quasi-patriarche ». Il compléta le rôle du troisième patriarche, Yaacov. Dans quel sens ? Yaacov fut le premier des Avot dont toute la descendance demeura juive. C’est dès lors que tout individu né d’une mère juive est (et reste) juif, peu importe ses actions.
Mais sa mission était encore incomplète, car la continuité du peuple juif n’était pas encore assurée. C’est là que Yossef joue son rôle déterminant. Contrairement à ses frères, il vécut dans une société étrangère et dut surmonter de grandes épreuves, en particulier celui de la femme de Potiphar qui tenta de le séduire. Grâce à sa capacité à y faire face et à préserver son identité juive, il inculqua à toutes les générations futures une disposition à surmonter les épreuves d’assimilation des divers exils. C’est en ce sens que Yossef paracheva la mission de Yaacov, en donnant à tout Juif la force de refuser le mariage mixte. Son mérite est donc la cause directe de la délivrance de l’asservissement égyptien.
Puissions-nous tous continuer de nous protéger et nous motiver à émuler ce noble comportement.
[1] Chémot, chapitre 3.
[2] Dévarim, 33:16.
[3] Dévarim, 33:16. C’est un commentateur de Rachi.
[4] Chémot, 3:2.
[5] Téhilim, 77:16.
[6] Il est vrai que Yossef resta emprisonné 12 ans, mais seules 10 années lui sont comptées comme mérite, car les deux autres années lui furent ajoutées à cause de la confiance trop importante qu’il accorda au maître-échanson.