Dans la Paracha "Bo", il est écrit : « Ils mangeront la chair cette nuit-là ; ils la mangeront rôtie au feu, avec des azymes et des herbes amères. » (Chémot, 12:8)
Rachi explique sur les mots « avec des herbes amères » : Toute herbe amère est appelée « Maror » — la Torah leur a ordonné de manger des herbes amères en souvenir du fait qu’ils rendirent leur vie amère.
Tandis que les Juifs se préparaient à quitter l’Égypte, ils reçurent trois Mitsvot (commandements) : le Korban Pessa’h (l’agneau pascal), la Matsa et le Maror (les herbes amères).
Malheureusement, nous sommes dans l’incapacité d’accomplir deux de ces lois, tel que la Torah nous le demande – le Korban Pessa'h et le Maror[1]. Néanmoins, nous les évoquons toutes les trois le soir du Séder. En effet, l’une des parties les plus importantes de la Haggada de Pessa’h est le précepte de Raban Gamliel – « Toute personne qui n’a pas mentionné ces trois choses ne s’est pas acquittée de son obligation ; "Pessa’h, Matsa et Maror" ».
Ces Mitsvot sont très symboliques de ce que le peuple juif a vécu en Égypte ainsi que de l’exode de ce terrible exil.
Nous évoquons le Korban Pessa’h en souvenir des événements qui eurent lieu au moment de la dernière plaie – la mort des premiers-nés et le fait qu’Hachem sauta au-dessus des maisons juives sans les frapper de ce fléau.
La Matsa nous rappelle la hâte dans laquelle le peuple juif quitta l’Égypte.
Le Maror nous rappelle l’amertume de l’esclavage égyptien.
Les commentateurs soulèvent une difficulté évidente sur cette partie de la Haggada – l’ordre chronologique n’est pas respecté. L’esclavage eut lieu avant l’exode alors qu’il est mentionné en dernier. Pourquoi Raban Gamliel n’a-t-il pas respecté l’évolution chronologique ?
Cette modification vient nous apprendre un principe fondamental quant à la façon de vivre les moments difficiles. Quand un individu se trouve dans une situation douloureuse ou qu’il traverse une épreuve, sa réaction naturelle est de la considérer comme quelque chose de « négatif », qui ne présente aucun avantage.
Bien entendu, la Torah voit les choses autrement – Hachem est Bon et Tout-Puissant et Il ne veut que notre bien. Nous savons que ce monde est un lieu d’efforts et de challenges et parfois, Hachem, dans Sa sagesse infinie, estime qu’il nous faut endurer quelques difficultés.
Celles-ci ont toujours un but – elles peuvent être là pour nous aider à grandir dans un certain domaine, ou bien pour préparer le terrain pour d’autres événements positifs. Souvent, ces deux objectifs sont visés.
Cependant, quand l’épreuve nous assaille, il est très difficile de se souvenir de cette vérité. L’une des façons d’y parvenir est de se souvenir de circonstances douloureuses antérieures et de réaliser que leurs incidences furent positives.
Ce phénomène est parfaitement illustré par l’exil égyptien et l’exode qui s’ensuivit. Les Bné Israël subirent d’incroyables souffrances en Égypte et les commentateurs expliquent pourquoi il était impératif qu’ils atteignent le « nadir » avant d’être à leur apogée lors de l’Exode et du don de la Torah.
Il était primordial, pour la future constitution du peuple juif, qu’il soit parfaitement évident – pour tous – que l’exode était entièrement entre les mains d’Hachem, comme l’ont reflété les nombreux miracles accomplis. Ceci, parce que le début d’un événement est comme une graine qui va produire, à travers tout un processus, de nombreuses choses.
Hachem voulait que le peuple juif soit une nation différente de toutes les autres, car il dépasse les lois de la nature. Pour que cela se produise, il fallait absolument que son début soit également au-delà des lois de la nature.
Si les Bné Israël n’avaient pas été dans une situation d’esclavage et de faiblesse absolue, s’ils avaient simplement vécu en Égypte puis l’avaient quittée, il nous aurait été facile d’attribuer une partie, voire la totalité de leur succès à leurs efforts. Or la Torah nous met en garde quant à ce genre d’attitude, à savoir, la croyance que « ma force et ma puissance m’ont permis d’atteindre ce succès ».
L’esclavage facilita l’aspect miraculeux qui caractérisa la sortie d’Égypte qui était manifestement l’expression de la Main d’Hachem, et qui n’impliqua aucune contribution humaine.
Ceci étant clair, nous pouvons répondre à la question concernant le Korban Pessa'h et la Matsa qui sont mentionnés avant le Maror. La meilleure façon d’apprécier les bienfaits des terribles souffrances que subirent nos ancêtres en Égypte est de se souvenir des conséquences, des répercussions positives de ce « malheur ».
Ainsi, quand on évoque l’esclavage, on en arrive à mieux comprendre et à apprécier le fait qu’il était non seulement utile, mais essentiel pour notre avenir.
L’histoire incroyable qui suit nous donne l’exemple d’un événement « négatif » qui s’avéra être le germe d’une fin très « positive ».
Il y a quelques mois, une jeune femme se mit à souffrir de fortes douleurs aux reins, signes de troubles sérieux pour lesquels il fallait avoir recours à une transplantation rénale. Quatre de ses frères étaient des donneurs compatibles, mais on n’arrivait pas à déterminer qui serait l’opéré.
Le plus jeune frère était particulièrement hésitant quant à ce projet – il était un jeune père de famille et craignait les effets d’une telle intervention. L’un d’eux proposa un tirage au sort et le jeune frère se joignit à cette décision, un peu à contrecœur. Comme on aurait pu le prévoir, c’est son nom qui fut pioché. Il s’affola et les frères acceptèrent de demander conseil à rav ‘Haïm Kanievsky chlita.
Tous pensaient que le rav dispenserait le jeune frère compte tenu de ses appréhensions, mais à la surprise générale, il leur dit de mettre ce projet à exécution et il leur accorda sa bénédiction : « Que tout se passe au mieux. »
Le frère subit l’opération ; tout se passait bien jusqu’à ce que les chirurgiens stupéfaits découvrent une tumeur dans le rein qu’ils retiraient. Si l’organe n’avait pas été extrait, la vie de cet homme aurait pu être en grand danger, il aurait pu être atteint du cancer redoutable[2]. Manifestement, ce qui était à ses yeux une mauvaise conjoncture lui sauva finalement la vie.
Puissions-nous tous mériter de reconnaître l’aspect positif des événements difficiles que nous traversons.
[1] La Mitsva du Maror que nous mangeons de nos jours est dictée par nos Sages, c’est une Mitsva Midérabanan. L’obligation de la Torah ne s’applique que lorsque la Mitsva du Korban Pessa'h peut être accomplie, c’est-à-dire quand le Beth Hamikdach est construit.
[2] Inutile de préciser que son rein ne fut pas implanté chez sa sœur et qu’un autre frère fut finalement le donneur. Tout se termina bien, Baroukh Hachem.