« Ce fut après ces choses-là, Hachem éprouva Avraham, Il dit : "Avraham !" Il dit : "Me voici ! Il dit : "Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Its'hak..." » (Béréchit 22,1-2)
Rachi explique l’expression « après ces choses-là » : Certains disent [qu’il s’agit des] paroles de Ichmaël, qui se glorifiait devant Its'hak, parce qu’il avait été circoncis à l’âge de treize ans, et qu’il n’avait pas protesté. Its'hak lui dit : « Tu te glorifies par rapport à moi, à propos d’un seul membre ? Si Hakadoch Baroukh Hou me disait : « Sacrifie-toi pour Moi », je ne m’en abstiendrais pas.
On parle beaucoup de la 'Akéda, mais moins de la présence d’Ichmaël et d’Eliézer qui accompagnèrent Avraham durant son voyage vers Har Hamoria. Certes, Avraham avait besoin de deux accompagnateurs et il semble logique qu’Ichmaël et Eliézer fussent ces deux hommes. Néanmoins, nous savons qu’Ichmaël avait été banni de la maison d’Avraham plusieurs années auparavant et nous ne voyons aucune mention explicite de la date de son retour. D’après Tossefot [1], Ichmaël ne retourna chez Avraham que le jour même de la 'Akéda. Bien évidemment, il ne s’agit pas d’une coïncidence, et il semble qu’il y ait une raison bien précise qui explique qu’Ichmaël soit revenu ce jour-là pour accompagner Avraham à la 'Akéda.
Notons que le nom d’Ichmaël apparaît dans l’explication de ’Hazal au début de la 'Akéda. Hachem dit à Avraham : « Prends ton fils, ton fils unique, celui que tu aimes, Its'hak »[2]. Rachi, sur la base de la Guémara [3], développe cette conversation. Quand Hachem dit « ton fils », Avraham répondit qu’il avait deux fils – Ichmaël et Its’hak. Hachem précisa qu’il s’agissait d’un fils unique, mais Avraham répondit que ses deux fils étaient les enfants uniques d’épouses différentes. Hachem ajouta qu’Il faisait référence à « celui que tu aimes », mais là aussi Avraham rétorqua qu’il les aimait tous les deux, jusqu’à ce que Hachem dise explicitement qu’Il parlait d’Its’hak. Rachi explique qu’Hachem n’a pas immédiatement dit « Its'hak », pour ne pas troubler Avraham par une instruction soudaine et dramatique, mais lui donna un ordre progressivement pour laisser à Avraham le temps d’analyser et de réfléchir. Rav Daniel Glatstein souligne toutefois qu’il existe de nombreuses façons d’annoncer des nouvelles d’une manière qui ne soit pas surprenante. Alors pourquoi Hachem prononça-t-il cette injonction précisément de cette façon, qui déconcerta Avraham quant au fils dont il était question ? Qui plus est, comment Avraham pouvait-il raisonnablement penser qu’Hachem voulait parler d’Ichmaël et non de Its’hak, étant donné qu’il savait déjà qu’Ichmaël était Racha', tandis que Its’hak était vertueux ?
L’un des objectifs de la 'Akéda était d’établir Its’hak Avinou comme unique héritier spirituel d’Avraham et d’Erets Israël. Jusque-là, même si Ichmaël avait été expulsé de la maison d'Avraham de nombreuses années auparavant, il n’y avait pas été définitivement rejeté en tant qu’héritier d’Avraham. Par conséquent, Hachem le fit revenir précisément le jour de la 'Akéda afin qu’il soit manifestement exclu et que Its'hak soit choisi. Or, Avraham ne le savait pas. Il vit simplement Ichmaël revenir le jour-même de la 'Akéda et sa réaction immédiate (après l’ordre de la 'Akéda) fut de penser que si Ichmaël avait réapparu ce jour-là, cela signifiait qu’il était le fils à sacrifier. Hachem dut donc employer tous les descriptifs (ton fils, ton unique, que tu aimes) pour faire comprendre à Avraham que seul Its’hak était le fils sur lequel il convenait de déverser son amour et que de lui seul l’avenir dépendait.
Hachem voulait surtout montrer à Avraham que seul Its’hak avait un lien profond avec le Makom Hamikdach – sur Har Hamoria – où la 'Akéda eut lieu. Quand Avraham s’approcha de Har Hamoria, il vit la Chékhina, représentée par un nuage recouvrant la montagne [4]. Il demanda à Its'hak s’il voyait également la même chose et celui-ci répondit par l’affirmative. Il demanda alors à Ichmaël et à Eliézer ce qu’ils avaient vu, mais ils répondirent qu’ils n’avaient rien remarqué. Avraham leur dit alors : « Restez ici avec l’âne ». Il voulait leur faire comprendre qu’ils étaient au même niveau spirituel qu’un âne, sans lien aucun avec le Makom Hamikdach. Cela prouva à Avraham que, puisqu’Ichmaël n’appréciait pas la Kédouchat Har Habaït, il ne pouvait évidemment pas hériter d’Erets Israël, car il n’était pas au niveau adapté pour l’apprécier.
Ainsi, la 'Akéda n’avait pas pour unique but d’établir Its’hak comme héritier spirituel d’Avraham et d’Erets Israël, mais aussi elle rejetait explicitement Ichmaël qui n’a aucun lien concret avec le Har Habaït (et, en général, avec Erets Israël). Dans le même ordre d’idées, Rav Glatstein fait une remarque intéressante quant à la façon dont les autres religions monothéistes évoquent la 'Akéda. Les chrétiens ne modifient pas du tout cette histoire ni aucune autre partie de la Torah, ils l’appellent plutôt l’Ancien Testament et prétendent faussement qu’elle a été remplacée par quelque chose d’autre. Quant aux musulmans, ils altèrent la Torah et changent le récit de la 'Akéda en remplaçant Its'hak par Ichmaël. Ceci, parce qu’ils savent que le récit de la Torah sur la 'Akéda prouve l’ascendant de Its'hak sur Ichmaël, ce qui donne donc au peuple juif la revendication légitime du Har Habaït. Les musulmans s’en rendent compte et modifient l’histoire pour faire d’Ichmaël le fils choisi et pour affirmer leur droit sur Erets Israël et sur Har Habaït, ce pour quoi ils se battent encore aujourd’hui. En réalité, d’après leur propre livre, le Coran, il est évident qu’ils n’ont aucun lien concret avec Yérouchalaïm et Har Habaït, car ces endroits n’y sont pas mentionnés une seule fois. En revanche, Yérouchalaïm est mentionnée plus de sept cents fois dans le Tanakh.
Le message de la 'Akéda est encore très pertinent, même aujourd’hui. Et c’est ce message qui provoque la grande haine de tant de musulmans envers le peuple juif, car il montre qu’ils n’obtiendront jamais la Terre Sainte. Lorsque Rav Its'hak Hutner fut libéré, après avoir été kidnappé par des terroristes arabes, il raconta à Rav Moché Feinstein qu’il était frappé par la haine des Arabes à l’égard des Juifs, à cause du fait qu’ils n’hériteraient jamais de la terre.
L’une des leçons à tirer de ces enseignements, c’est que pour mériter vraiment la Terre Sainte et le Makom Hamikdach, nous devons leur accorder le respect qui s’impose, et réaliser que ce respect est essentiel dans notre lien avec Hachem.
[1] Ba'alé Hatossefot, Vayéra, Chapitre 22, Verset 1, Oth 9.
[2] Béréchit 22,2.
[3] Sanhédrin, 69 b.
[4] Daat Zékénim 22,5.