La Paracha Mikets coïncide traditionnellement avec la fête de ‘Hanouka. Ainsi, il est possible d’identifier des allusions à cette fête dans notre Paracha. Cette dernière évoque progressivement la fin des souffrances de Yossef, puis son accession miraculeuse au palais royal égyptien.
En effet, il sera non seulement libéré du cachot où il avait été injustement enfermé, mais en plus de cela, sa sagesse va apparaître aux yeux du pharaon de manière si éclatante qu’il lui confiera la direction de son pays, au point de placer toute l’Egypte sous sa domination.
Il s’agit d’un véritable tournant, non seulement dans la vie de Yossef qui voit ses rêves initiaux commencer à se concrétiser, mais aussi pour la famille de Yaakov qui va pouvoir échapper à la famine et qui viendra s’installer auprès de Yossef en Egypte. Il s’agit aussi bien sûr d’une étape décisive pour le peuple juif, qui est amené à réaliser la promesse faite par D.ieu à Avraham lors de l’alliance entre les morceaux (Brit Ben Habétarim).
Le nom de la Paracha (Mikets signifie la fin) est ainsi à lire avec attention. La « fin » dont il est question peut également se comprendre, tel que nous y invite les Sages, comme la fin de « l’obscurité » dans laquelle Yossef était plongé, de même que Yaakov et ses fils depuis la vente de leur frère.
Pour Yossef, l’obscurité est évidente, sa vie semblait lui échapper depuis des années, et la Torah n’évoque même pas ses réactions face aux évènements extrêmes qui lui arrivent : il est jeté dans un puits, vendu comme esclave, accusé injustement par la femme de son maître, jeté en prison etc. Parallèlement, il semble connaître une réussite extraordinaire, si bien qu’il est apprécié de tous et reconnu pour sa sagesse.
Bref, le sens des événements nous échappent, et face à cette incompréhension, règne un sentiment d’obscurité qui appelle un dénouement et une clarification. Mikets annonce donc la fin de cette obscurité, le renouveau du sens et de la compréhension, au moins partiel, des évènements que Yossef a vécus et qu’il va vivre. Il va enfin en comprendre les raisons.
Ce premier point est un enseignement important dont la valeur est intemporelle. En effet, au cours de sa vie, l’homme peut osciller entre des moments où les événements qu’il vit lui paraissent avoir un sens clair et évident, et des périodes où il ne comprend pas les évènements qu’il subit. Nous devons alors nous souvenir de Yossef et de son absence de révolte face aux évènements qu’il a endurés.
Mais nous devons également nous rappeler que cette absence de sens a eu un terme, et que le dénouement a donné un éclairage rétrospectif à tout ce qu’il avait vécu. En parallèle de la vie des hommes, il y a toujours le plan de D.ieu qui emprunte parfois des chemins que l’homme n’est provisoirement pas en mesure d’appréhender.
C’est là le sens d’un Rachi au début des péripéties de Yossef, lorsque Yaakov l’envoie auprès de ses frères dans la « vallée » de ‘Hévron. Rachi s’étonnait alors et notait :
De la vallée de ‘Hévron (37.14) Mais ‘Hévron est situé sur une montagne ! Il est en effet écrit : « ils montèrent vers le sud et arrivèrent à ‘Hévron » (Bamidbar 13, 22). Mais c’est pour suivre le dessein profond (‘Amok, apparenté à ‘Emek – vallée) annoncé à ce juste qui repose à ‘Hévron, afin de réaliser l’accomplissement de ce qui a été annoncé à Avraham lors de l’alliance « entre les morceaux » : « ta postérité séjournera sur une terre étrangère... » (Béréchit 15, 13) [et Yaakov savait que ce départ de Yossef allait marquer le commencement des pérégrinations d’Israël] (Sota 11a, Beréchit Raba 84, 13).
La fin dont il est question dans Mikets peut ainsi désigner également la réconciliation entre le sens de l’histoire vécu par les hommes et le plan préparé par D.ieu. A partir du moment où l’homme retrouve un sens à sa vie et se conforme à la volonté de D.ieu, il a alors le sentiment de sortir de l’obscurité. Ce n’est donc pas un hasard si notre Paracha tombe durant la fête de ‘Hanouka. Mikets peut ainsi signifier « Sam Kets La’hochèkh », mettre un terme à l’obscurité, comme nous l’enseigne la tradition.
Voilà pourquoi également, lorsque Yaakov envoie ses fils en mission en Egypte, il les bénit en faisant appel à un nom de D.ieu bien spécifique : « El Chadaï », et Rachi de préciser :
El Chadaï (43.14) : Celui dont il suffit (Daï) que l’on reçoive de Lui le don de Sa miséricorde et qui possède assez (Daï) de puissance en Sa main pour donner, qu’Il vous fasse trouver grâce. Tel est le sens simple du texte. Quant au Midrach (Beréchit Raba 92, 1), il explique : Celui qui a dit à l’univers : « Daï » (assez !), qu’Il dise Daï à mes souffrances, car je n’ai pas eu de repos depuis mes jeunes années.
Ainsi, les souffrances, tout comme l’obscurité, n’ont jamais le dernier mot. D.ieu met toujours un terme aux épreuves des hommes ainsi qu’au sentiment d’absence de sens. C’est là un enseignement profond de notre Paracha, mais aussi de ‘Hanouka qui a mis fin à l’obscurité imposée par la culture grecque et qui rejoint, bien sûr, l’espérance messianique du peuple juif.
La venue du Machia’h apportera au monde une grande lumière qui éclairera et donnera un sens profond aux évènements vécus par les hommes. Nous pourrons alors accéder à une compréhension des évènements qui nous fait actuellement défaut, et qui dévoilera le plan divin à l’œuvre depuis la création.
Nous ne trouverons de meilleure conclusion que les mots du prophète Daniel (ch.2, v.20-22) : Daniel prit la parole et dit : « Que le nom de D.ieu soit béni d'éternité en éternité ! Car à Lui appartiennent la sagesse et la puissance. C'est Lui qui modifie les temps et les époques, qui tour à tour renverse les rois et les élève, et qui donne la sagesse aux Sages et la science à ceux qui savent comprendre. C'est Lui qui révèle les choses profondes et cachées ; Il connaît ce que recèlent les ténèbres, et la lumière réside avec Lui ».