« Mais si Hachem crée une création, et que la terre ouvre sa bouche et les engloutit, eux et tout ce qui leur appartient, et qu’ils descendent vivants dans le gouffre, alors vous saurez que ces hommes ont provoqué Hachem. Ce fut quand il acheva de déclarer toutes ces paroles, la terre qui était sous eux se fendit. Et la terre ouvrit sa bouche, elle les engloutit, eux et leurs maisons, et tous les hommes qui étaient avec Kora’h et tous les biens. Ils descendirent, eux et tout ce qui [était] à eux, vivants, vers le gouffre, la terre couvrit sur eux, ils furent perdus au milieu de l’assemblée. » (Bamidbar 16,30-33)
Rachi explique l’expression « Hachem crée » : Pour les tuer d’une mort unique, dont personne n’est mort jusqu’à présent. Et quelle est cette création ? La terre ouvrit sa bouche et les engloutit et alors, vous saurez que ces hommes ont provoqué Hachem, et moi, j’ai prononcé la Parole du Tout-Puissant...
Dans cette Paracha, on nous fait le récit du tragique soulèvement de Kora’h contre Moché Rabbénou. Au début, Moché voulut faire la paix, bien qu’il n’ait rien fait de mal et que Kora’h eut été à l’origine de la dispute. Puis, quand Kora’h continua d’insister sur le fait que Moché n’était pas un bon dirigeant et qu’il avait inventé des passages de la Torah, Moché changea radicalement de ton et demanda à Hachem de provoquer la destruction de Kora’h et de sa troupe d’une façon inédite, pour montrer clairement, et à tout le monde, la gravité des actions de Kora’h.
On comprend bien que Moché Rabbénou ait voulu que Kora’h meure d’une mort unique, parce que les arguments et les provocations de Kora’h menaçaient toute la base d’Émouna du peuple – à savoir, que la Torah fut donnée par Hachem et transmise par Moché Rabbénou. Kora’h a affirmé que certaines des Mitsvot de la Torah[1] n’avaient pas de sens, et utilisa cette déclaration pour tenter de prouver que Moché les avait inventées. En outre, il a tenté d’ébranler tout le système de leadership, affirmant : « Toute la nation est sainte, pourquoi vous élèveriez-vous au-dessus de la congrégation de Hachem ».[2]
Néanmoins, il faudrait expliquer la nature de la mort demandée par Moché. Pourquoi a-t-il demandé à Hachem de faire mourir Kora’h et sa congrégation en étant avalés dans le sol ? Le Kli Yakar propose une approche intéressante – il se concentre sur le souhait qu’ils soient engloutis et il rapporte un passage où ce concept est mentionné. La Michna dans Avot (3,2) enseigne qu’il convient de prier pour le bien-être du gouvernement d’un pays, parce que « sans la peur [du gouvernement], chaque homme avalerait son prochain vivant. La Michna enseigne que sans un leadership fort, l’anarchie prendrait le dessus, et par conséquent les gens s’avaleraient vivants.[3]
En réalité, Kora’h recherchait l’anarchie – il arguait qu’il ne devait pas y avoir de leader, parce que tout le peuple était saint. Mais, comme l’enseigne la Michna, si cela s’était concrétisé, l’anarchie aurait régné, chaque homme aurait « avalé » son prochain. Par conséquent, mesure pour mesure, la punition de Kora’h et de son assemblée fut d’être eux-mêmes avalés.
L’approche du Kli Yakar n’explique cependant pas pourquoi le verset précise que la terre les a recouverts, sous-entendant leur disparition totale.
Une autre Michna dans Avot prend la discorde de Kora’h comme l’exemple par excellence d’une dispute qui n’est pas Léchem Chamaïm – qui n’a pas pour objectif la gloire d’Hachem, mais des fins égoïstes.[4] La Michna affirme qu’une telle Ma’hloket n’est pas « Mitkayem », c’est-à-dire qu’elle ne perdure pas. Mais littéralement, cela signifie qu’elle cesse d’exister.[5] Les commentateurs interprètent cette expression. Sur la base du récit que nous fait la Torah, on peut comprendre qu’une discorde qui ne dure pas se manifesterait par leur punition d’être engloutis et recouverts par la terre. Non seulement, ils furent tués, mais tout souvenir d’eux fut totalement anéanti, y compris tous leurs biens. En ce sens, non seulement leur Ma’hloket n’a pas duré, mais ils ont totalement cessé d’exister. Si la terre les avait simplement avalés, mais avait laissé un trou béant, alors ils n’auraient pas été totalement effacés du monde. Le fait que la terre se referma, montre qu’ils cessèrent complètement d’exister.
Ces diverses façons de comprendre le châtiment de Kora’h et de son assemblée montrent la gravité de la Ma’hloket, qui mérite une punition unique et miraculeuse. De nos jours, on ne voit pas clairement une telle Providence, mais le préjudice provoqué par la discorde reste manifeste – qu’il s’agisse de différends familiaux, communautaires ou autres, les conséquences négatives sont évidentes et l’on doit tout faire pour les éviter. Et si une Ma’hloket commence à germer, il incombe à toute personne impliquée de faire son possible pour endiguer son développement. Et si cela est impossible, alors on est tenu, tout du moins, de se retirer de l’histoire.
[1] Comme celle de Mézouza ou de Tékhelet sur les Tsitsit.
[2] Bamidbar 16,3.
[3] Kli Yakar, Bamidbar 16,29.
[4] Avot 5,17.
[5] Le mot « Kiyoum » est souvent utilisé pour parler d’existence.