Dans la parachat 'Houkat, il est écrit : « Telle est la Torah pour l’homme qui meurt dans une tente. » (Bamidbar 19:14)
La Guémara dans Brakhot 63a affirme que les mots de Torah ne peuvent se matérialiser que chez celui qui se tue pour elle, comme il est dit : « Telle est la Torah pour l’homme qui meurt dans une tente. »
Au cours de leur discussion concernant les lois de Para Adouma (la vache rousse), ’Hazal apportent le fameux commentaire à propos de la Torah de l’homme qui meurt – cela vient nous enseigner qu’une personne doit « se tuer » pour que la Torah qu’il apprend se concrétise. Le ’Hafets ’Haïm propose une parabole intéressante pour comprendre cette Guémara[1].
Un riche commerçant avait tant de clients qu’il ne trouvait pas de temps à consacrer à la prière et à l’étude de la Torah. Au bout de quelques années, il commença à se soucier de sa mort qui menaçait d’être proche, alors que son « compte spirituel » était presque vide, ne lui permettant pas l’accès au Olam Haba. Il décida alors, du jour au lendemain, de prier en présence d’un Minyan et d’étudier pendant deux heures, même si l’heure d’ouverture de son magasin était passée. En arrivant au travail, il trouvait des dizaines de clients qui attendaient d’être servis. Sa femme lui demanda la raison de son retard et il répondit simplement qu’il avait été pris par autre chose qui l’avait retardé. Le même scénario se répéta le lendemain, puis le surlendemain. Elle mena sa petite enquête et le découvrit profondément plongé dans l’étude de la Torah. Elle s’emporta, l’accusant de leur causer une perte d’argent conséquente et prétextant que tous leurs clients iraient bientôt chez les concurrents s’il continuait. Il répondit en lui demandant comment elle réagirait si l’ange de la mort venait le reprendre de ce monde. Pourrait-elle alors se plaindre de la sorte et arguer que son mari ne peut pas le suivre, parce qu’il est occupé avec tous les clients présents au magasin ? Bien sûr que non ! Le marchand proposa donc à sa femme d’imaginer que durant son étude, il était inexistant, de le considèrer comme mort, afin de n’avoir aucune critique à faire quant à son absence au magasin.
Grâce à cette parabole, le ’Hafets ’Haïm explique les mots nos Sages qui affirment qu’il convient de « se tuer » pour la Torah – on doit se considérer comme mort, absent de ce monde durant son étude, au point de ne jamais pouvoir prétendre ne pas avoir le temps d’étudier. De la même manière que s’il était réellement mort, l’individu n’aurait pas pu avancer un tel argument, avec une telle approche, rien ne troublera son temps d’étude, car rien ne sera alors plus important.
Au moment de son Jugement, on demandera à l’homme s’il a fixé un temps d’étude pour la Torah. Cette question ne semble pertinente que pour ceux qui travaillent – ont-ils réservé un moment pour l’Étude. Mais en quoi s’applique-t-elle aux personnes qui étudient toute la journée ? Rav Eliahou Lopian répond qu’on lui demandera s’il a réellement consacré son temps d’étude à l’étude, sans s’interrompre pour d’autres choses, ou s’il fermait sa Guémara dès qu’une occasion se présentait.[2] C’est, bien sûr, un point qui concerne plus les personnes qui travaillent et qui disposent donc d’un temps limité pour l’étude – exploiter ce moment au maximum, sans se laisser distraire et gâcher cet instant précieux.
Ce message est particulièrement pertinent dans le monde actuel, bombardé de distractions de toutes sortes, nous assaillant de toutes parts. Il est très difficile de rester concentré sur un même sujet, à fortiori sur l’étude de la Torah, qui demande une concentration intense.
Les avancées technologiques rendent la chose d’autant plus difficile. Des études ont montré que le simple fait d’avoir un appareil sur soi affecte la concentration de la personne. L’enseignement du ’Hafets ’Haïm nous montre qu’il faut éloigner au maximum toutes ces distractions — ce n’est peut-être pas possible en permanence, mais il conviendrait d’éteindre son téléphone portable pendant l’étude. Comme le dit le ’Hafets ’Haïm, on ne pourrait pas se plaindre qu’un défunt ne réponde pas au téléphone, donc si l’on peut véhiculer le message que durant l’étude de la Torah, on est « déconnecté » de ce monde, alors personne n’escomptera que l’on s’interrompe pour répondre à un appel.[3]
Cette idée ne se limite pas à l’étude de la Torah. Lors de la prière, on peut aussi être facilement déconcentré par un éventuel coup de fil (à passer ou à recevoir dès la fin de la Téfila), et donc tenté d’utiliser son téléphone pendant la prière.
Il en est de même pendant les moments passés en famille ; l’attention que l’on accorde aux membres de la famille joue beaucoup sur la qualité du temps passé avec eux. Si une femme, un mari ou un enfant ressent que l’on aurait préféré regarder l’écran du téléphone (ou autre dispositif), la proximité qui est censée naître ou se développer à ce moment sera gâchée.
Puissions-nous tous mériter de nous consacrer au maximum à notre étude, à nos prières et à nos relations interpersonnelles.
[1] ’Hafets ’Haïm Al Hatorah, Bamidbar 19:14.
[2] Lev Eliahou, 1ère partie, Chvivé Lev, p. 279.
[3] Inutile de préciser que selon les situations de l’individu, la façon de procéder variera. Il convient de prendre conseil auprès d’un Rav. S’il est impossible d’éteindre son téléphone, il faut réfléchir à un moyen de limiter son utilisation durant l’étude, tout du moins de le régler en mode « silencieux » afin qu’il ne dérange pas les autres personnes qui étudient.