La Paracha de cette semaine nous présente deux ennemis du peuple juif – Balak et Bil’am – qui tentèrent de lui nuire. Les deux sont perçus de manière négative, mais Bil’am est souvent traité beaucoup plus durement que Balak.

Tout d’abord, leurs objectifs ultimes varient considérablement. La Michna atteste que Bil’am fait partie des rares personnes qui n’ont pas de part au monde futur[1]. La Guémara décrit la souffrance qu’il endure au Guéhinom. En revanche, Balak n’est pas mentionné dans ce groupe ignominieux.

Plus surprenant encore ! Le fait que Balak offrit des sacrifices contre le peuple juif est source d’un principe fondamental dans la Torah. Quand la Guémara[2] enseigne qu’il convient de servir Hachem « Lo Lichma » (sans intentions pures) pour en arriver par la suite au « Lichma », elle prend Balak en exemple ; par le mérite de ses quarante-deux Korbanot à Hachem, il mérita de compter l’illustre Ruth parmi ses descendantes – qui, elle, servit Hachem avec des intentions pures. Balak a donc un grand mérite que Bil’am n’a pas.

Pourquoi Balak est-il traité moins durement que Bil’am alors qu’ils étaient des partenaires visiblement égaux, dans leurs tentatives de nuire au peuple juif ? En réalité, les deux hommes avaient des objectifs et des comportements très différents : Bil’am voulait détruire le peuple juif par haine à son égard, tandis que Balak avait simplement peur des Juifs, à cause de ce qu’ils avaient fait à Si’hon et à Og

Le Midrach Tan’houma[3] cite des différences, apparemment mineures, entre les propos de Balak et ceux de Bil’am. Balak a demandé à Bil’am de maudire le peuple, en utilisant le mot « Arah » alors que quand Bil’am a rapporté cela à Hachem, il a utilisé un mot différent pour maudire - « Kava ». Le Midrach explique que Kava est une sorte de malédiction plus grave que Arah, indiquant que Bil’am voulait maudire les Juifs d’une manière plus forte que Balak

Autre exemple : lorsque Balak loua les services de Bil’am, il déclara son objectif – « Légarcham Min Haaretz – pour les chasser de la terre ». Le but de Balak n’était pas de détruire la nation juive, mais uniquement de la forcer à s’éloigner de sa Terre. Cependant, quand Bil’am répéta cela, il dit simplement « Végerashtiv » sans mentionner la terre. Cela signifie que Bil’am ne voulait pas seulement les chasser du territoire en question, il voulait plutôt les chasser du monde, mettre fin à leur existence. Cela montre à nouveau que la haine de Bil’am était bien plus profonde et viscérale que celle de Balak qui avait peur d’eux, tout simplement, et qui souhaitait uniquement qu’ils laissent sa nation tranquille. Cela explique pourquoi il est traité moins durement que Bil’am. Il nous reste toutefois à comprendre pourquoi le principe « Mitokh Chélo Lichma Ba Lichma » est tiré du comportement de Balak.

Le Maharcha[4] cite Tossefot qui différencie deux types de « Lo Lichma » mentionnés dans la Guémara.[5] Soit l’individu fait une Mitsva avec des arrière-pensées, par exemple pour gagner de l’argent ou recevoir des honneurs. Soit il accomplit une Mitsva dans le but de nuire aux autres. Le premier peut en arriver au Lichma tandis que le second est très sévèrement critiqué par nos Sages. Or, l’exemple de Balak comme Lo Lichma était basé sur une volonté de nuire au peuple juif ! Puisque Balak a agi par peur, son « Lo Lichma » peut lui faire mériter des descendants qui agiront Lichma. On en déduit que si déjà le « Lo Lichma » de Balak lui fut récompensé, alors qu’il était de niveau très abject, les autres sortes de « Lo Lichma » (avec des intentions de faire fortune ou de gagner des honneurs) le seront certainement aussi.

Rappelons que les actions de Balak, bien que mauvaises, n’étaient pas aussi graves que celles de Bil’am. Le Zohar[6] enseigne que Balak était un descendant de Yitro. Il avait un bon fond, il avait un ancêtre vertueux. Par ailleurs, le Torat ’Hessed [7] souligne que Midyan (peuple duquel sont issus Balak et Yitro) est un descendant de Kétoura, donc d’Avraham Avinou. Balak a donc une facette honorable, qui l’empêchait de haïr le peuple juif autant que Bil’am. Donc, même si ses sacrifices furent offerts avec des motifs indignes, au fond, ses actions avaient un côté sincère, pur.

Ainsi, même une personne mauvaise comme Balak peut ne pas être aussi méprisable qu’il n’y paraît. Même ses Mitsvot accomplies avec d’odieuses intentions, eurent des conséquences positives. Ceci nous rappelle que même avec les objectifs les moins nobles, le simple fait de faire une Mitsva ou d’étudier la Torah ont une valeur immense et nous permettent de nous rapprocher d’Hachem et d’en arriver à un service divin Lichma.

 

[1] Sanhédrin, 105a.

[2] Horayot 10a; Nazir 23b.

[3] Midrach Tan’houma, Bamidbar 4,5.

[4] ’Hidouché Hagadot, Horayot 10a.

[5] Tossefot, Brakhot 17a.

[6] Zohar, 3ème partie, 177b.

[7] Torat ’Hessed, Bamidbar, p. 290.