Les Juifs d’origine tunisienne et de certaines villes d’Algérie ont l’habitude de marquer le jeudi soir de la semaine durant laquelle on lit la Parachat Yitro, par un repas particulier : la Sé’oudat Yitro. Ce festin concerne particulièrement les jeunes garçons, et les mets sont servis dans des dînettes pour bien marquer que les jeunes sont ce soir- là les rois.
Personnellement, il s’agit d’une des fêtes qui m’a le plus marqué dans mon enfance, lorsqu’on vivait encore en Tunisie. Quelques jours avant la date, mon père revenait à la maison avec des pigeons vivants qu’on était chargé de nourrir. Puis le fameux jeudi, il les prenait chez le Cho’het pour les égorger selon la tradition. Le soir, on les consommait accompagnés de toutes sortes de mets et de douceurs. L’effervescence était palpable, se traduisant par un va-et-vient entre voisins et connaissances, avec lesquels on s’échangeait des gâteaux faits maison. Un érudit passait d’une maison à l’autre pour chanter le "Bar Yo’haï" selon le rite tunisien. On assistait alors à une sorte de "cocktail" Pourim-Lag Ba’omer.
Deux raisons principales à cette fête sont rapportées par la Tradition : la première avance qu’il s’agirait d’un repas de remerciement à l’Eternel pour avoir arrêté pendant la semaine de la Parachat Yitro une épidémie touchant les jeunes garçons. La seconde serait tout simplement une marque d’honneur à cette Paracha, celle de la réception de la Torah, dans laquelle on lit les Dix Commandements.
Ces explications m’ont toujours étonné: tout d’abord, une question générale se pose, comment comprendre le fait que cette épidémie ne touchait que les garçons et pas les filles ? De plus, les deux raisons invoquées n’ont a priori aucun rapport l’une avec l’autre : comment existerait-il un doute sur l’origine d’un évènement si marquant (et si marqué) dans la communauté tunisienne ?
Et si en fait ces deux explications se complétaient ? Voici à mes yeux un déroulement plausible des évènements : effectivement une épidémie sévissait qui ne touchait que les jeunes garçons et les Sages de l’époque ont cherché à trouver la raison d’un tel décret divin. Or, la Tradition rapporte que lorsque D.ieu va transmettre la Torah au peuple hébreu, Il leur a demandé des garants ; ce seront les jeunes garçons du Klal Israël (Midrach Tanh’ouma, Vayigach), car ce sont eux, par leur étude, qui garantissent la transmission de la Tradition. Les Rabbins n’ont pu que faire la relation entre la plaie qui sévissait et ce Midrach. Ils ont appelé au renforcement de l’étude chez les jeunes et, miracle ! L’épidémie s’est arrêtée, tout cela ayant lieu la semaine de la Parachat Yitro.
D’après cette explication, les deux raisons énoncées sont bien complémentaires et justifient l’impact et l’importance de cette fête : éduquer ses enfants à l’étude de la Torah en les encourageant dans cette voie afin qu’ils y soient attachés toute leur vie. Nos enfants et leur étude sont nos garants devant l’Eternel qui nous a remis, à nous Son peuple, Son bien le plus précieux : La Torah.
Un des grands érudits de notre époque a raconté que lorsqu’il revenait de l’école avec un mot de l’enseignant louant son assiduité dans l’étude des Textes sacrés, sa mère lui préparait un succulent gâteau accompagné de toutes sortes de douceurs dont il raffolait. Ces gestes attentionnés d’une mère l’on marqué pour toujours et l’ont encouragé dans la voie de l’étude de la Torah. De la même façon, la Sé’oudat Yitro est l’occasion pour nous, parents, de montrer à notre descendance combien leur investissement dans l’étude nous est cher et nous comble de bonheur.
Bonne Sé’oudat Yitro !