Il y a quelques jours, L'équipe Torah-Box a eu le privilège de participer à un évènement de taille : la clôture (Siyoum) de l’étude de tout le Talmud de Babylone qu’a réalisé le Rav Daniel Scemama, bien connu du public Torah-Box pour son enseignement quotidien de la Michna.
Nous parlons ici du Talmud qui réunit 63 traités de Michnayot, dont 37 ont été commentés par les Sages de Babel entre le 3ème et le 5ème siècle de l’ère chrétienne et que l’on appelle les traités de la Guémara (en chiffre, cela représente plus de 4 000 Michnayot, et près de 2 700 « Dapim » (pages de Guémara recto-verso).
Ces volumes encyclopédiques renferment la connaissance exhaustive des lois, des Midrachim et des discussions de ces Sages. Tous les sujets y sont traités : couple, dommages, prières, lois relatives à la terre d’Israël, sacrifices, pureté et impureté, tribunal, témoignages etc.
A cette occasion, le Rav Scemama a raconté le parcours qui lui a permis de parvenir à ce grand jour et qui représente la consécration d’une vie de Limoud Hatorah :
« J’ai découvert la Guémara pour la première fois de ma vie à l’âge de 18 ans. Je possédais une connaissance élémentaire de la Torah, mais pas du Talmud. A l’époque, je faisais des études de mathématiques et de physique à l’université. Dès mon premier contact avec la Guémara, j’ai été à la fois enchanté et stupéfait de l’intelligence et de la profondeur des raisonnements énoncés dans ces pages.
Tout au long de l’année, j’ai suivi ces cours hebdomadaires que j’attendais impatiemment. A la fin de mon année de fac, j’ai décidé de faire un « break » dans mes études profanes pour connaître l’expérience d’une année de Yéchiva au cours de laquelle on étudie essentiellement la Guémara. En fait, ma soif d’étude du Talmud n’a fait qu’augmenter, et c’est ainsi que j’ai persévéré dans la voie des études talmudiques.
Après quelques années durant lesquelles je suis parvenu à une certaine maîtrise de l’étude de la Guémara, j’ai réalisé que je n’en connaissais qu’une infime partie. Nos Sages nous rapportent (Kiddouchine page 30a) qu’il y a une Mitsva de connaître toute la Torah, ce qui n’a fait que me pousser à vouloir m’y mettre concrètement. Mais devant l’immensité de cette étude, je sentais le défi difficile à surmonter.
C’est alors que je suis tombé sur un Midrach dont voici les propos : « Rabbi Yanaï nous enseigne à quoi ressemble la connaissance de la Torah : à un pain suspendu en l’air à une hauteur élevée. Le sot dit : « Qui peut arriver à attraper ce pain ? » Mais celui qui réfléchit se dit : « S’il se trouve là-bas, c’est que quelqu’un l’a forcément mis à cet endroit ». Il prend alors une échelle ou un long bâton et parvient ainsi à l’atteindre.
De la même manière, concernant l’étude de la Torah, le sot se dit : « Comment pourrais-je parvenir à la connaître entièrement ? » En revanche, le Sage agit tout autrement : il lit tous les jours un passage de la Torah jusqu’au jour où il parvient à tout connaître ».
Dès lors, je me suis dit que si nos Sages s’expriment ainsi, c’est que c’est seulement selon ces directives qu’on y parvient.
J’ai reçu un coup de pouce du destin pour réaliser ce dessein. Tout d’abord, j’avais un ami au Collel qui partageait les mêmes ambitions. Ensemble, nous avons fondé une structure d’étude matinale. Nous avons ainsi étudié beaucoup de traités comptant parmi les plus difficiles du Chass.
A cette même époque, le Rav Ron Chaya m’a proposé de donner un cours quotidien de Guémara durant l’après-midi avec un rythme soutenu (environ une page par jour). Afin de réaliser cet engagement, j’ai dû passer une bonne partie de mon temps libre (soirs, vendredis, Motsé Chabbat, vacances, jours de demi-fêtes) à combler mes lacunes.
C’est ainsi que chaque quelques mois, je terminais un traité. Peu à peu, je me suis rendu compte que j’étais arrivé au quart, à la moitié, puis aux trois quarts du Chass ; jusqu’au jour où grâce à D.ieu, je suis parvenu à décrocher et à saisir le « pain », pour reprendre l’image du Midrach ».
Interview du Rav Scemama
Après ce Siyoum, nous avons posé quelques questions au Rav Scemama :
Q : Pensez-vous que tout le monde a la possibilité de terminer l’étude du Chass, ou bien que cet accomplissement n’est destiné qu’à des Avrékhim qui consacrent toute leur journée à l’étude de la Torah ?
R : Toute personne qui réserve deux à trois heures d’étude par jour, en étudiant sérieusement et avec persévérance, peut terminer le Chass.
Q : Pouvez-vous nous donner la démarche à suivre dans les grandes lignes ?
R : Le rythme d’étude doit être d’un Amoud par jour (une page recto). Chaque jour, avant d’entamer la prochaine page, il est bien de revoir celle étudiée la veille, car cette deuxième lecture est plus profonde et plus nette. J’aurai conseillé de réserver le vendredi et le Chabbat (ou le Chabbat et le dimanche) pour réviser ce que l’on a étudié dans la semaine, en ajoutant une lecture de certains commentateurs qui enrichira cette étude (aujourd’hui, on les trouve facilement dans les éditions Artscroll et Métivta du Talmud).
Toute personne sachant étudier doit se trouver un partenaire d’étude (‘Havrouta) motivé comme elle pour réaliser ce programme. Celui qui ne possède pas cette capacité doit se trouver un maître. J’ajouterai qu’il est conseillé, au début de ce programme, de commencer par des traités courts et relativement faciles tels que Taanit, Méguila, Soucca, Brakhot etc. On pourra ensuite aborder des traités plus longs mais pas trop difficiles, comme Avoda Zara, Sanhédrin, Sota etc., puis tout le reste, en laissant en dernier les traités dits de « Kodachim », qui concernent les sacrifices et le Temple. Avec l’aide de D.ieu, on parviendra ainsi à achever l’étude intégrale du Chass.
Q : Ne pensez-vous pas que la formule du Daf Hayomi, qui permet de terminer le Chass en 7 ans, est préférable à celle que vous proposez qui, elle, prendra beaucoup plus de temps ?
R : Le Limoud du Daf Hayomi a deux avantages indéniables :
1) Comme vous le relevez, on termine entièrement le Chass en 7 ans en étudiant un « Daf » (une page recto-verso) tous les jours de l’année.
2) On suit un programme établi et étudié mondialement par des milliers, voire des dizaines de milliers de personnes, ce qui motive davantage toute personne qui s’y engage.
D’un autre côté, il y a un inconvénient pour celui qui découvre ces traités pour la première fois et qui ne possède que peu de temps afin de s’y consacrer : cette étude rapide ne laisse pas toujours le temps à l’étudiant de saisir correctement les finesses du raisonnement, et de se souvenir de ce qu’il a appris.
Q : Personnellement, avez-vous pour projet immédiat de recommencer l’étude du Chass ou d’entamer celle du Talmud de Jérusalem ?
R : Pour le moment, je tiens à reprendre certains passages du Chass que j’aimerais approfondir. Parallèlement, j’étudie le Chass Michnayot avec ses commentaires, en particulier celui du Rav Ovadia Mibarténoura qui est une forme de révision du Chass, car son commentaire est en réalité un condensé de ce qu’exprime les traités de la Guémara. Tous les jours, je partage cette étude sur le site Torah-Box (la Michna) où nous avons déjà terminé 8 traités en un peu plus d’un an.