Cette semaine, je pliais du linge dans la chambre d’amis, chambre juxtaposée à celle de mes filles. Ce jour-là, elles recevaient des copines, et je n’ai pas pu m’empêcher de tendre l’oreille. La conversation avait l’air mouvementée. « Pourquoi les hommes sont-ils tellement adulés dans la Torah, pourquoi ont-ils toujours le bon rôle ? Ils prient, ils étudient, pendant que nous, on frotte, on lave, on prépare à manger, on gère les petits à la maison. Enfin, pas nous vraiment à notre âge, mais quand je vois ma mère, je me projette dans 10 ans, et franchement, je trouve ça pas juste du tout !! »
Vous n’imaginez pas quel travail sur moi j’ai dû accomplir pour m’empêcher de les rejoindre et de mettre mon grain de sel. Je voulais garder mes explications pour un moment plus calme et serein, en toute intimité avec mes deux princesses.
Ce soir-là, les hommes de la maison étaient au foot. C’était parfait. C’est avec du lait chaud et des marshmallows que je passais le pas de la porte de la chambre de mes filles pour entamer une longue discussion gourmande, comme je les aime.
En me voyant arriver, mes poupées ont échangé un sourire qui en disait long : « elle a sorti les marshmallows, on en a pour la soirée... »
En effet, cette interrogation est vieille comme le monde. À chaque époque, dans chaque coin du monde, il y a des femmes qui se sentent dévalorisées par rapport aux hommes. Mais je ne voulais pas que mes filles gardent cette pointe d’amertume non justifiée dans le cœur. Je voulais, sans plus attendre, les convaincre de la justice de notre Sainte Torah, et que même si elles en avaient la forte impression, personne n’était lésé, tout le monde avait sa place et son importance.
J’ai donc expliqué brièvement que mes oreilles s’étaient baladées du côté de leur chambre cet après-midi et que je voulais leur expliquer deux, trois choses. Le premier exemple qui m’est venu en tête a été le Minyan. « Vous vous rendez compte qu’ils doivent toujours attendre une 3ème (dans le cas du Zimoun) ou une 10ème personne (dans le cas d’un Minyan) pour commencer leur prière ? Quelques fois, ils ne trouvent pas tout de suite, ils doivent attendre, ils sont toujours en train de dépendre des autres, dépendre des horaires, ils ne peuvent pas prier à n’importe quelle heure…
Alors que nous, les femmes, nous pouvons prier n’importe où et à n’importe quel moment. Hachem ne nous impose aucune condition quant au nombre de personnes, aux horaires imposés, ou aux lieux à respecter. Il est prêt à entendre nos Téfilot au beau milieu de l’après-midi, alors que nous sommes en train de jouer aux legos avec les enfants, combien de fois je prie en faisant la vaisselle ou en repassant. La femme n’est pas ancrée dans le temps et c’est bien mieux ainsi. Imaginez s’il fallait tout arrêter pour courir dans une synagogue pour l’office. Qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il neige, les hommes doivent braver le froid comme le chaud pour aller prier avec un Minyan, et pas qu’une fois par jour, mais trois fois .» Je dois dire aussi que ce soir-là, particulièrement, j’avais la météo de mon côté. Il avait plu non-stop et les températures avoisinaient les -10°C. Mes filles qui ont hérité de mon côté frileux, en plus de mon côté rebelle, ont finalement été forcées de reconnaître qu’être exemptées de faire les Téfilot en Minyan à la Choul, avait parfois son bon côté.
Maintenant que mes filles étaient moins hostiles, et que j’avais toute leur attention, j’en ai profité pour passer au deuxième point qui les chagrinait. Il s’agissait de ces particularités vestimentaires qui rendent les hommes juifs nobles, par rapport à nous, les femmes, dont l’apparence est libre et non régie par un protocole réglementaire, comme si nous appartenions à la basse classe qui ne nécessite aucun code vestimentaire. Je leur rappelais alors le but du Talith et de la Kippa. Elles passaient à côté de l’essentiel. Un homme est, de nature, beaucoup moins connecté à Son Créateur. Il a donc besoin de tous ces signes distinctifs pour Lui rappeler son but sur terre et la présence du Maître du Monde au-dessus de sa tête. La femme, quant à elle, vit cette connexion de façon très naturelle au jour le jour. Elle fait entrer Hachem au plus profond de son quotidien. Il l’accompagne dans son rituel de femme, d’épouse, de maman, elle sait Le trouver et Le supplier lorsqu’elle rencontre des épreuves et elle sait également Le remercier du plus profond de son cœur lorsqu’elle connaît des joies, car Il fait partie intégrante de sa vie. La femme n’a nul besoin de porter des accessoires pour ressentir cette proximité, qui est innée pour elle.
Ce soir-là, lorsque les hommes sont rentrés, il y avait une ambiance sereine, un équilibre paisible, où personne ne se sentait menacé ou écrasé par l’autre.
La Torah est intelligente, elle sait ce qu’elle fait. Elle ne privilégie personne par rapport à l’autre. Elle donne simplement sa place à chacun en fonction de son rôle.