חָגְרָה בְעוֹז מָתְנֶיהָ וַתְּאַמֵּץ זְרוֹעֹתֶיהָ.
Elle ceint de force ses reins et arme ses bras de vigueur.
Nous avons déjà fait connaissance avec le caractère de la Echet ‘Hayil : elle tend à être confiante, bienveillante, proactive et résolument déterminée ! Nous avons déjà eu vent de ses activités professionnelles aux multiples rebondissements ! Quel est son secret pour avoir autant d’activités, et ce dans la bonne humeur permanente ?
La première personne dont la Echet ‘Hayil s’occupe c’est… elle-même !
Le secret nous est livré par ce verset : la Echet ‘Hayil est celle qui s’exerce. Elle n’a pas forcément une constitution naturellement robuste, mais chaque jour, elle fait des exercices physiques pour se renforcer. C’est le sens de “elle ceint ses reins de force et arme ses bras de vigueur” : elle prend soin de son corps en faisant quotidiennement de l’exercice physique [1] ! Quelle est la leçon universelle et intemporelle qui se cache derrière, ce qui semble être, un détail insignifiant ?
Tout d’abord, nous apprenons par là que la Echet ‘Hayil prend soin d’elle-même. Elle a clairement conscience que si elle ne s’occupe pas d’elle, personne ne peut le faire à sa place. Comme le dit Hillel Hazaken : “Si je ne suis pas pour moi, qui le sera ?” [2]. Pourtant, elle a sûrement de nombreuses sollicitations extérieures : son époux, ses enfants, ses parents, ses amies, son travail, sa communauté… mais la Echet ‘Hayil sait dire “non”. Ainsi, elle sait donner, tout en sachant se préserver. Car, en effet, si on donne en s'épuisant, on n’a plus de quoi donner. Or, la Echet ‘Hayil a conscience qu’elle est une source de bien-être pour les autres. Elle tâche donc à prendre soin d’elle pour ne jamais en venir à s’épuiser.
Lorsqu’elle prend soin d’elle, elle fait un acte… de générosité !
C’est une loi de la nature : tout comme le four a besoin d’électricité pour réchauffer, tout comme le luminaire a besoin également d’électricité pour éclairer, les femmes ont besoin d’énergie positive pour réchauffer et éclairer leur foyer. Donc, lorsqu’elle prend soin d’elle, c’est ni qu’elle est égoïste, ni juste quelque chose de nécessaire, c’est encore un niveau au-dessus : elle est en train de faire du ‘Hessed ! En effet, ses proches tirent leurs énergies positives d'elle, donc, de prendre du temps pour elle-même, loin d’être un acte égoïste, constitue en vérité un acte généreux vis-à-vis de toutes les personnes qui l’entourent !
Concrètement, cela signifie au quotidien de bien dormir, bien manger, écouter de la musique, se reposer, sortir pour aller à un cours de Torah, voir une amie, ou tout simplement s’aérer l’esprit, se faire plaisir après avoir fait un effort… En d’autres termes, être à l’écoute de soi. On pourrait penser que la Echet ‘Hayil “s’oublie” au profit des autres, or, c’est le contraire : elle prend soin d’elle… au profit d’elle-même et donc, par ricochet, des personnes de son entourage !
Elle s’exerce aussi… à être une bonne personne !
De plus, elle ne se contente pas que de s’exercer physiquement, elle s’exerce aussi… à être une bonne personne ! Le spirituel et le physique sont intimement liés, comme le dit Rabbénou Be’hayé : “Le développement spirituel suit le même mécanisme que le développement physique”. De la même façon qu’un muscle, pour se développer, a besoin d’être exercé, un trait de caractère, pour se développer en nous, a besoin d’être exercé, sinon, ce trait s’atrophie ! En d'autres termes, un trait de caractère n’est pas une donnée statique, mais une donnée évolutive en fonction de notre “entraînement quotidien” : ce n’est pas parce qu’on est généreux que l’on donne, mais c’est parce qu’on donne que l’on devient généreux. Cela est vrai pour tous les traits de caractère, comme la douceur, la patience et tous les autres traits de caractère que la Echet ‘Hayil s’exerce quotidiennement à ancrer en elle-même. Comme nous l’avons dit dans l’introduction, on ne naît pas Echet ‘Hayil, on le devient. Comment ? Le roi Salomon nous livre le secret : en s’exerçant quotidiennement !
Qui est la femme qui se cache derrière ce verset ?
Selon le Midrach, derrière chaque verset se cache une femme de la Bible.
Dans ce verset, il s’agit de Myriam !
Le père de Myriam, découragé par le décret de Pharaon de jeter les bébés mâles dans le Nil, avait décidé de se séparer de son épouse, afin de ne plus faire venir d’enfants au monde. Or, Myriam a vivement protesté contre la décision de son père et lui a recommandé de se remarier avec Yokhéved. Amram, voyant le bien-fondé du conseil de sa fille, se remaria, et quelques mois plus tard, Moché Rabbénou naquit, et leur maison s’emplit de lumière ! Puis, lorsque, finalement, Yokhéved a été contrainte de déposer Moché sur le Nil, Amram frappa sur le front de sa fille en lui demandant : « Qu’est-il advenu de ta prophétie ? ».
Pourtant, Myriam a tenu bon. Elle aurait pu se décourager par la remontrance de son père, mais elle n’a pas douté un seul instant que Moché survivrait. C’est écrit Vatétsev, ce qui veut dire : “Elle ne s’est pas laissée déstabiliser”. Or, cette foi obstinée et indéstabilisable en la survie de Moché a eu un effet direct sur les événements qui menèrent à la survie de Moché ! En effet, étant donné que Myriam était restée pour voir ce qui allait se passer, elle remarqua que Moché ne mangeait pas du lait des Egyptiennes, et alla voir la fille de Pharaon pour lui proposer qu’une juive l’allaite. La princesse accepta et Myriam fit alors venir Yokhéved, la mère de Moché. Ainsi, la détermination de Myriam joua un rôle décisif dans le cours des événements permettant la survie et l’éducation de Moché !
Myriam, comme la Echet ‘Hayil, c’est celle qui s’exerce : Myriam, avant de sauver Moché en tant que sage-femme, avait déjà sauvé des milliers de bébés qui encouraient la mort en Egypte. La consécration de tant d’efforts a été de contribuer à sauver Moché d’une situation qui semblait complètement inextricable ! Cela semblait mission impossible, mais elle ne s’est pas laissée décourager par les contingences extérieures, ni même par les reproches de son père.
La Echet ‘Hayil, comme Myriam, ne se laisse pas déstabiliser par les sollicitations extérieures, ni la culpabilité, qui l'empêcheraient de prendre soin d’elle physiquement, spirituellement et mentalement. De plus, la Echet ‘Hayil, comme Myriam, ne perd pas le Nord : elle sait qu’elle est venue au monde pour s’exercer à devenir une meilleure personne et à faire de son mieux pour contribuer à rendre le monde meilleur... et rien ne saura la déstabiliser, ni la dissuader de réaliser ce noble objectif !
[1] Le Méiri sur Michlé (31,17)
[2] Avot (1,14)