צוֹפִיָּה הילכות (הֲלִיכוֹת) בֵּיתָהּ וְלֶחֶם עַצְלוּת לֹא תֹאכֵל.
Elle dirige avec vigilance la marche de sa maison, et jamais ne mange le pain de l'oisiveté.
De mère à matriarche !
Ce verset conclut la description de la Echet ‘Hayil avec ses multiples “casquettes” : femme, mère, épouse, collègue, amie, membre d’une communauté... Nous avons vu, en effet, combien elle est active au quotidien !
Or, ce verset nous décrit la Echet ‘Hayil à un moment de sa vie où elle n’est plus vraiment active… Elle arrive à un âge avancé où ses enfants ont grandi, et ont quitté la maison. Elle-même n’a d'ailleurs plus la force physique de s’investir à la maison, autant qu’avant [1]. Dans ce verset, elle est déjà passée de mère à belle-mère, puis grand-mère, pour finalement adopter le statut de... matriarche !
Sa sagesse est bénéfique pour chacun
Pourtant, bien qu’étant, à ce stade, moins active que dans sa jeunesse, elle ne devient pas passive pour autant ! Au contraire, sa sagesse s’étant accrue et sa personnalité s’étant bonifiée, elle fait bénéficier les autres de ses conseils et de sa sagesse. Ce verset nous indique qu’elle reste toujours impliquée dans la bonne marche des membres de la famille, et reste disponible pour prodiguer des conseils emplis de sagesse, afin de les aider à prendre les meilleures décisions possibles dans leur vie. D’ailleurs le mot « Tsofia » comporte cette double dimension car il signifie en hébreu « observer de loin » ou bien « être clairvoyant » : elle observe, certes, de loin, mais sa clairvoyance ne fait que s’aiguiser avec les années.
Impliquée ou intrusive ? La Echet ‘Hayil sait rester discrète !
Personne ne supporterait une grand-mère interventionniste ou, pire encore, une belle-mère intrusive. Heureusement, pour le bien-être de tous, son ingérence reste discrète. Comme l’explique Rachi, elle prend soin de chacun avec « Emet » et « Tsniout ». « Emet » signifie qu’elle veille à ce que les décisions de ses enfants ne soient pas motivées par des raisons superficielles mais par une réflexion intérieure authentique et profonde. « Tsniout » signifie qu’elle leur fait savoir son opinion de façon fine et discrète, et ce, avec perspicacité ! [2]
Le pain de la paresse ?
Le verset dit qu’elle ne mange pas le pain de la paresse. Que veut nous signifier le Roi Salomon ? Le blé symbolise le « Da’at », c’est-à-dire l’intelligence de la vie [3]. La Echet ‘Hayil ne crée pas des principes pour satisfaire sa paresse, comme par exemple « Chez nous les enfants dînent du lait avec des céréales un jour sur deux… car… euh… il paraît que c’est bon pour la santé ! », ou bien « Je mets mes enfants devant la télévision, car au moins, comme cela, ils ne se disputent pas ! » La Rabbanite Tzipora Heller compare ce phénomène à un archer, qui vise toujours au milieu et semble si doué… jusqu’au jour on découvre qu’en réalité il ne sait pas viser : il envoie juste la flèche avec paresse au hasard, n’importe où, puis dessine la cible… autour de la flèche !
Pourquoi le Roi Salomon nous précise-t-il cela ? Se pourrait-il que les femmes aient tendance à faire preuve de paresse ? En fait, ce n’est pas de la paresse à proprement parler, mais puisque les femmes mettent principalement leur énergie dans l’éducation des enfants, dont elles ne voient pas de résultats immédiats, elle pourraient avoir tendance à se décourager et à relâcher leurs efforts, tout en prétextant des théories pour se donner bonne conscience. Or, pour la Echet 'Hayil, il n'en est rien ! Elle ne crée pas des principes bancals pour satisfaire sa paresse, mais au contraire, elle ne ménage pas ses efforts pour faire réussir son projet familial.
Qui est la femme qui se cache derrière ce verset ?
Selon le Midrach, derrière chaque verset se cache une femme de la Bible. Dans ce verset, il s’agit de la femme du prophète Ovadia !
Le prophète Ovadia a vécu à l’époque du Roi A’hav et sa femme Izével, des monarques cruels qui ont persécuté les prophètes d’Israël. Mais le prophète Ovadia fit preuve d’un courage et d’une générosité sans limite puisqu’il mit toute sa fortune au service de la protection des prophètes qui vivaient en Israël, en leur apportant une aide physique et matérielle. Il en vint ainsi à dépenser toute sa fortune pour soutenir ces prophètes, si bien qu’à la fin de sa vie, après avoir dépensé tout son argent et vendu tous ses biens, il ne lui restait plus rien… si ce n’est pas créances auprès de la famille royale !
À sa mort, son épouse, inquiète, craignant que leurs créanciers ne s’emparent de leurs deux fils, va les sauver en suscitant l’aide du prophète Elicha. Le Midrach précise qu’elle ne les a pas seulement sauvés physiquement, mais aussi spirituellement. En effet, toute sa vie durant, elle les a préservés de l'idolâtrie ambiante de l’époque en prenant en charge leur éducation intégralement. Sans son intervention, ils seraient devenus idolâtres.
La Echet ‘Hayil, comme la femme du prophète Ovadia, c’est celle qui assure la bonne marche des membres de la maison, jusqu’au dernier jour de sa vie, en toute finesse et toute discrétion, bien que cela lui demande une dose décuplée d’efforts : elle dirige avec clairvoyance la marche de sa maison... et jamais ne mange le pain de l'oisiveté !
[1] Le Meam Loez sur Michlé (31,27)
[2] Rachi sur Michlé (31,27)
[3] Le blé est l’une des quatre espèces qui aurait pu être le fruit de l’arbre de la connaissance. D’ailleurs, la transformation de blé en pain est un procédé fortement complexe qui requiert une intelligence accrue. De plus, le Talmud dit qu’un enfant commence à acquérir de l’intelligence à partir du moment où il mange et digère du pain.