כַּפָּהּ פָּרְשָׂה לֶעָנִי וְיָדֶיהָ שִׁלְּחָה לָאֶבְיוֹן
Elle ouvre (la paume de) sa main au pauvre et tend les bras au nécessiteux
Pauvre, nécessiteux... Quelle différence ?
Notez bien la différence : au pauvre, elle ouvre la paume de sa main, tandis qu’au nécessiteux, elle tend ses bras. Quel est la différence entre les deux ? Pourquoi la Echet 'Hayil agit-elle tantôt d’une façon, tantôt d’une autre façon ?
Le pauvre, c’est celui qui est embarrassé de recevoir de l’aide. À lui, elle “ouvre sa paume”, c’est-à-dire qu’elle lui donne de façon discrète, la paume de sa main étant fermée, elle dissimule le fait de lui donner de l’argent afin de ne pas l’embarasser en public ! En revanche, le “nécessiteux” qui n’a absolument rien, et qui n’est pas gêné de prendre de l’argent en public, à lui, elle “tend les bras”, c’est-à-dire qu’elle ne lésine pas sur la quantité de nourriture ou d’argent qu’elle lui donne [1] ! De plus, la Echet 'Hayil n’attend pas d’être sollicitée : elle prend les devants et aide toutes les personnes qu’elle sait être dans le besoin [2].
Ce verset fait suite à celui où il est écrit qu’elle travaille dans le tissage pour nous signifier que la Echet 'Hayil travaille de longues heures, et qu’elle est parfois interrompue par des personnes qui viennent lui demander l'aumône. Ces interruptions devraient la déranger ! Eh bien, non ! En fait, les deux versets se suivent pour dire qu’elle s'arrête à chaque fois pour donner ce qu’elle peut, que ça soit quelques pièces ou bien pour préparer un tupperware de nourriture à celui qui n’a pas de quoi manger. La plupart d’entre nous auraient été “dérangées” par de telles interruptions. Mais pour la Echet 'Hayil, il n’en est rien ! Pourquoi ? Parce que la motivation derrière toutes ses activités, qu’elles soient d’ordre professionnel, familial ou social c’est le 'Hessed ! Qu’elle soit en train de préparer à manger, gagner sa subsistance ou bien encore discuter avec une amie, la motivation derrière tous ces actes est la volonté de faire du bien autour d’elle. [3]
Le 'Hessed, c’est l’essence même de la Echet 'Hayil
Ce verset nous montre l’intelligence et la sensibilité de la Echet 'Hayil lorsqu’elle prodigue de la bonté autour d’elle. Zèle, sensibilité et discernement sont l’apanage de la Echet 'Hayil. Or comme le dit le Rav Dessler, la volonté de faire du 'Hessed est le baromètre de notre spiritualité. Qu’elle soit dans son rôle de mère, d’épouse, de professionnelle, d’amie ou de “bienfaitrice”, elle est en fait motivée par un objectif d’ordre spirituel, celui d’aider son entourage proche ou lointain. Dans chaque rôle qu’elle effectue, elle est en train d’aider une personne, même si cette personne c’est elle-même !
Qui est la femme qui se cache derrière ce verset ?
Selon le Midrach, derrière chaque verset se cache une femme de la Bible.
Dans ce verset, il s'agit de Tsarfat, soutien du prophète Elie
Cette femme, illustre inconnue [4], nous enseigne de si précieuses leçons que le Roi Salomon fait allusion à elle dans ce verset de Echet 'Hayil ! Qui était-elle et quelle leçon vient-elle nous apporter ?
A l’époque d’Eliahou Hanavi, il y eut une grande famine qui dura trois ans. Hachem dit à Eliahou : « Va à Tsarfat (Sarepta) et reste là-bas, car là Je ferai venir pour toi une femme qui se souciera de ta subsistance. » Quand Eliahou vint chez cette veuve, elle l’accueillit avec beaucoup d’honneurs. Il lui demanda de l’eau, ce à quoi elle obtempéra de bon coeur. En revanche, quand Eliahou demanda du pain, la veuve refusa poliment et répliqua : « C’est le peu de farine qu’il me reste à la maison, une fois que vous serez servi il ne restera plus rien, et nous risquons tous de mourir de faim. » Eliahou la rassura et dit : « Pétrissez cette farine et faites des galettes », tout en prononçant une bénédiction. Et il se produisit effectivement un grand miracle : pendant une année entière la bénédiction reposa sur l’huile et la farine, qui ne manquèrent pas dans la maison [5].
Tout d’abord, cette femme avait toutes les excuses pour ne pas aider Eliahou. Elle était veuve, mère célibataire, sans le sou ! Et nous sommes en pleine période de famine. Elle avait toutes les raisons de se dérober et rejeter la demande de Eliahou, mais elle décida de se concentrer sur ce qu’elle pouvait donner. De l’eau ? Oui, ça elle peut en partager… et elle le fit de bon coeur, et avec un visage avenant.
En revanche, lorsque Eliahou lui demanda du pain, elle déclina poliment. Quand elle n’a pas d’autre choix que de dire non, elle le dit ouvertement et ne se met pas, elle et son fils, à risque. Certes, parfois on ne peut pas donner, mais cela ne nous dédouane pas de le dire avec le sourire !
De plus, Eliahou la bénit et elle ne manqua jamais de rien. De là, nous apprenons que lorsque nous donnons, Hachem finit par nous le rendre de façon décuplée. Si elle n’avait pas aidé Eliahou, cette veuve serait probablement morte de faim. En fait, nous sommes toujours les premières bénéficiaires du ‘Hessed que l’on prodigue autour de nous [6].
La Echet 'Hayil nous apprend que toutes les nombreuses tâches qui remplissent nos journées peuvent être considérées comme du 'Hessed. À nous de choisir de les considérer comme des fardeaux ou bien comme une source de mérite éternel !
[1] Malbim sur Michlé (31,20)
[2] Alchikh (ibid.)
[3] Malbim (ibid.)
[4] Elle serait aussi la mère du prophète Yona (Pirké Dérabbi Eli’ézèr 33)
[5] Rois 1, chapitre 17
[6] Comme le dit le Roi Salomon : “Répands ton pain sur la surface des eaux, car finalement, tu le retrouveras”. Kohélet (11,1)