יָדֶיהָ שִׁלְּחָה בַכִּישׁוֹר וְכַפֶּיהָ תָּמְכוּ פָלֶךְ
Ses mains saisissent le rouet, ses doigts manient le fuseau.
Le roi Salomon nous parle de nouveau de l’art de tricoter ! En quoi est-ce tellement fondamental ? Surtout à notre époque où cet art n’est non seulement plus nécessaire, et surtout quasiment tombé en désuétude ! Quel est le message sous-jacent derrière ce verset, qui pourrait sembler complètement anachronique ?
La femme a la capacité d’entrelacer des fils… et des concepts !
Regardons de plus près ce que nous dit le Talmud à propos du tissage [1] : “La femme n’a pas de meilleur talent que celui de tisser” ! Quelle information surprenante… et surtout décourageante ! Car si on n’a pas de meilleur talent que celui de tisser et que nous ne savons même pas tisser, alors cela doit-il signifier qu’aucune femme contemporaine n’est talentueuse ? Absolument pas, ‘Hass Véchalom ! Le Ohel Ra’hel explique que le tissage, c’est, en réalité, tisser des liens entre des individus, entre des objets et entre des concepts. Et ça, c’est effectivement la plus grande intelligence de la Echet ‘Hayil.
L’esprit de déduction, le propre de l'intelligence féminine
Notre tête utilise en fait deux formes d’intelligence distinctes qui sont ‘Hokhma, l’intelligence brute, et Bina, qui est l’esprit de déduction et de développement. Bien que les hommes comme les femmes mettent en œuvre aussi bien la ‘Hokhma que la Bina dans chacun de leurs processus mentaux, le mode masculin excelle naturellement dans la ‘Hokhma, tandis que la Bina, en revanche, est le domaine d’excellence de la femme ! [2] Les femmes ont un esprit de déduction innée, tendent à mieux analyser l’ensemble des paramètres d’une situation et parviennent avec plus de facilité à mettre en place des stratégies sur le long terme. En outre, la puissante capacité “multitâche” de l’esprit féminin leur permet de parler et d’écouter simultanément et de faire plusieurs choses à la fois, comme dans le cas du “rouet” et du “fuseau”.
Mettre à contribution nos talents et notre créativité
« La créativité consiste à relier des choses entre elles », disait Steve Jobs, le créateur de Apple. C’est exactement cette forme d’intelligence créative dont nous parle le Talmud pour nous décrire l'intelligence féminine ! La Torah nous parle même des talents créatifs des femmes lors de la construction du Tabernacle, en nous décrivant avec une grande précision la façon dont elles ont utilisé leur intelligence pour faire un travail créatif et remarquable [3]. La Torah s'arrête pour parler de cette créativité pour nous encourager à développer nos propres talents à contribution. Chacune d’entre nous possède un côté créatif, même si on l’ignore encore : certaines savent écrire, d’autres ont l’art de la pâtisserie, tandis que d’autres encore ont une oreille musicale. La Torah nous encourage ainsi à exploiter nos talents révélés et à découvrir d’autres talents encore méconnus de nous et enfouis au fond de notre âme, car l’expression créative est un moyen de remplir notre mission unique dans ce monde.
Séparer pour mieux rapprocher : en couture, comme en amour
Tsipora Heller (conférencière américaine spécialisée en éducation) fait également un parallèle intéressant [4] : pour tisser un vêtement, il faut séparer les fils puis les rapprocher, d’un côté, on se rapproche du rouet et de l’autre, on s’en éloigne. De la même façon, avec la communauté, la famille et le voisinage, la femme a clairement conscience que des relations saines sont des relations où l’on garde aussi une certaine forme de distance. De plus, elle a l’art de tisser les liens au sein de sa famille en faisant des “séparations”, c’est-à-dire en donnant à chacun la place qui lui revient. Lorsque chacun à la maison se sent à sa place et se sent bien spécifique, alors on est plus à même de tisser des liens solides avec les autres membres du foyer, ainsi qu’avec les gens de l’extérieur.
Inclure et exclure grâce à la Bina
Cela signifie enfin que la Echet ‘Hayil sait attirer les bonnes personnes et éloigner les mauvaises influences de son foyer. La femme juive est symbolisée dans la Kabbale par la figure géométrique du cercle : le cercle inclut certains éléments tout en excluant d’autres ! De la même façon, la Echet ‘Hayil fait en sorte que tous les membres du foyer se sentent bien chez eux, en prenant soin de repousser intelligemment les mauvaises influences. De plus, grâce à son esprit de déduction exacerbé, elle a en général le “flair” [5] pour détecter les personnes à inviter chez elle, et ceux qu’il vaudrait mieux éviter pendant un certain temps. Ainsi, la femme met sa Bina au service de la construction de ses relations et de la protection de son foyer.
Qui est la femme qui se cache derrière ce verset ?
Selon le Midrach, derrière chaque verset se cache une femme de la Bible.
Dans ce verset, il s’agit de Yaël !
À l’époque des Juges, un homme brutal et cruel nommé Sissera, mobilisa toute son armée en vue d’une guerre avec le peuple juif. Miraculeusement, il y eut une débâcle du côté de l’armée cananéenne et les soldats prirent la fuite. Sissera descendit de son char et s’enfuit à pied vers une région alliée. Là-bas, se trouvait Yaël. Lorsqu’elle a aperçu cet homme, elle l’a attiré dans sa tente, grâce à sa belle voix, et elle lui donna du lait, ce qui eut pour effet de le plonger dans un profond sommeil. Yaël prit alors un pieu de la tente d’une main et un marteau de l’autre et elle planta le pieu dans sa tête, le tuant instantanément. Avec un courage incroyable, elle libéra ainsi définitivement le peuple juif de cet homme qui les avait oppressé pendant vingt ans ! Le “rouet” du verset fait en fait référence au pieu que Yaël a utilisé.
Yaël, comme la Echet ‘Hayil, a été capable de faire preuve d’une intelligence stratégique pour parvenir à un noble objectif, celui d’affranchir le peuple juif d’une situation d’oppression qui n’en finissait pas. Yaël nous montre que la capacité de Bina est aussi un moyen de nous éloigner des mauvais éléments pour consolider notre “camp”, qu’il soit familial ou national. Enfin, Yaël était une femme parée d’un courage incommensurable et gratifiée d’une beauté extraordinaire et d’une voix séduisante et a mis ses talents à contribution Léchem Chamayim, afin de glorifier le nom de D.ieu et d’apporter la paix en Erets Israël.
Réfléchir stratégiquement, mettre à contribution nos talents uniques, et enfin tisser les bonnes relations tout en éloignant les mauvais éléments sont les trois résultantes de la Bina de Yaël et de la Echet ‘Hayil. Ayant conscience que toutes ses multiples aptitudes sont un don de D.ieu, la Echet ‘Hayil cultive ses talents pour en faire la meilleure contribution possible pour le monde et pour les siens. Que nous sachions en faire de même en toutes circonstances !
Qui aurait cru que la notion de tissage soit finalement aussi glorifiante pour nous, les femmes ?!
[1] Yoma 66b
[2] Nidda 45b
[3] Exode (35,26)
[4] Tsipora Heller, dans son ouvrage "More precious than pearls"
[5] Baba Métsia 87a