Qui était la femme de Noa’h ? La Torah parle d’elle à cinq reprises et pourtant son nom n’est pas dit explicitement, il est écrit « la femme de Noa’h ». Quand on y réfléchit, cela est d’autant plus étonnant que cette femme est en réalité la seconde mère de l’humanité. Et pourtant, la Torah est très succincte sur l’identité de cette femme… Qui était-elle ? Quel a été son mérite particulier pour finalement devenir notre mère à toutes ?

Le Midrach répond à cette question en nous disant qu’elle s’appelle Na’ama. Na’ama signifie « agréable », car ses actions étaient agréables [1]. Qu’est-ce qui était particulièrement plaisant chez Na'ama ? Eh bien, dans une génération comme celle du déluge, marquée par la perversité, ses actions sortaient du lot. En effet, à cette époque, les hommes épousaient deux femmes, l’une pour leur donner des enfants, et l’autre pour le plaisir. On faisait absorber à la seconde une potion destinée à la rendre stérile, on la parait comme une jeune épouse et on la nourrissait de mets succulents. Quant à la première, elle était humiliée et endeuillée comme une veuve [2]. Autrement dit, à cette époque, la femme était considérée comme un objet, soit pour procréer, soit pour épater la galerie. Cette vision misogyne et réductrice de la femme, c’est le point de départ de la décadence de cette génération, qui fut marquée par le dévergondage, la perversité et l’absence de valeurs morales.

Or, Noa’h n’avait pas deux épouses, comme c’était la norme à cette époque, mais il n’avait qu’une seule femme, Na'ama. C’est la raison pour laquelle la Torah ne donne pas explicitement son nom, mais dit d’elle qu’elle est « la femme de Noa’h », car ce titre même contient l’éloge de Na'ama. Elle n’était pas l’épouse numéro 1 ou numéro 2, elle était « l’unique épouse ». Ce qui semble un acte ordinaire était en fait une action véritablement remarquable à l’époque du déluge. C'est la raison pour laquelle son nom n’a pas besoin d’être mentionné, car son titre d'épouse est en fait sa plus belle louange.

Pourtant, et bien que Na'ama était une Tsadékèt, Noa’h avait néanmoins décidé de ne pas avoir d’enfants avec sa femme. En effet, ses enfants risqueraient d’être corrompus par la mauvaise influence des gens de cette époque. Sa décision peut sembler juste et même louable. Et pourtant, que lui répond Na'ama à ce moment-là ? Elle lui raconte un épisode familial : la mère de Na'ama était Tsila, la femme de Lémèkh. Or, Lémèkh faisait partie de ces hommes qui avaient deux épouses, et Tsila était l’épouse qui devait rester belle et désirable et qui n’aurait jamais dû avoir d’enfant. Mais un jour, Tsila a réalisé l’absurdité de ces mœurs et a décidé de donner la vie. Elle va recracher la boisson que son mari Lémèkh lui avait donnée, qui était censée la rendre stérile, et elle va enfanter de Na'ama, qu'elle va, par la suite, faire grandir dans un foyer protégé. Et c'est ainsi qu'elle dit alors à Noa’h : « Si ma mère avait réagi comme tu t'apprêtes à le faire, je n’existerais pas aujourd’hui ! » et Noa'h comprend que sa femme dit juste. Il va ainsi enfanter avec elle de Chem, ‘Ham et Yafèt. À une époque où tout le monde était contre la famille, le couple, et contre le concept même de cellule familiale, de décider envers et contre tout de fonder un foyer stable avec des valeurs saines, était le signe d’un courage marginal. Si Na'ama n’avait pas eu ce courage, nous, ses descendants, nous n’aurions pas été là aujourd’hui.

Cependant, après le déluge, et contrairement aux instructions de D.ieu, Noa’h a préféré resté séparé de son épouse. D.ieu lui avait pourtant ordonné : « Sors de l'arche, toi et ta femme, et tes fils et leurs femmes avec toi », ce que Rachi commente par : D.ieu leur enjoint ici de reprendre la vie commune [3]. Et pourtant, Noa’h est resté séparé de son épouse et s’est mis à cultiver de la vigne, à partir de laquelle il s’est enivré et il a alors sombré en passant de « Ich Tsadik » (un homme pieux) à « Ich Adama » (un homme de la terre). Il est écrit dans le Talmud : “Un homme sans femme est un homme sans joie, sans bénédiction, sans bien-être, sans Torah, sans protection et sans sérénité.” [5]

La vraie vertu de Na'ama a été une ‘Ezèr Kénégdo, une partenaire sans faille vis-à-vis de son mari et de l’avoir aidé à s’accomplir en tant que Tsadik. C’est la raison pour laquelle tous ces actes étaient plaisants, car ils étaient tous animés par la volonté que son mari accomplisse son potentiel, et ensemble ils ont survécu à la destruction et ils ont reconstruit l'humanité à eux deux. Pourtant, quand il a décidé de se séparer de son épouse, il est redescendu au statut de « Ich Adama ». 

À notre époque où l’on tente de faire passer la famille comme un concept rétrograde, et où l'on essaie à tout prix de faire voler en éclat la nécessité pour un enfant de naître au sein d'un foyer familial, Na'ama nous apporte une leçon éternelle : d’avoir le courage de perdurer dans nos valeurs de fonder des foyers sains, stables, et pleins d’amour et de faire tout notre possible pour faire grandir nos enfants dans une cellule familiale protectrice, qui sera leur arche de Noé, dans notre époque contemporaine si tumultueuse.

 

[1] Midrach Rabba (23,3)

[2] Rachi sur Béréchit (4,19)

[3] Béréchit (8,16) 

[4] Yalkout Chimoni Béréchit Chap. 4, Siman 29

[5] Yébamot