Il y a quelque temps, je suis tombée par hasard sur la conférence de Madame S. qui dirige l'une des plus grandes entreprises au monde. Elle avait été invitée pour répondre à la question : “Pourquoi les femmes dirigeantes sont si peu nombreuses ?”. Selon Madame S., la raison principale est que les femmes ne se vantent pas assez de leur succès et ne mettent pas assez en avant leurs grandes et uniques qualités ! Et si, au contraire, l’humilité était le réel secret de la vraie réussite ?
Une conférence qui fait réfléchir
A l’entendre, dans le monde du travail, “contrairement aux hommes qui se félicitent de leur intelligence, de leur efficacité et de leur mérite quand ils réussissent, les femmes, elles, sous-évaluent systématiquement leurs capacités”. Pire ! D’après elle, quand celles-ci performent, elles attribuent leur réussite à des facteurs externes comme : le travail en équipe, la chance qu’elles ont eue pour mener à bien tel ou tel projet, ou alors elles vont détourner l’attention reçue sur la difficulté de la tâche accomplie.
Et la fameuse Madame S., micro à la main, d’interroger le public : “Alors que les hommes, eux, osent crier haut et fort que ce sont eux les meilleurs et les plus aptes à réussir ! En quoi cela est-il important ? Et bien, personne ne peut obtenir de promotion, si on n’agit pas comme eux”. En d'autres termes, tout ce que nous avons accompli est lié à nos grandes et uniques capacités dont le mérite nous revient, à nous et à nul autre !
Désolée, Madame S., mais ce que vous affirmez du haut de votre estrade ne pourrait pas être plus éloigné de la vérité ! Comment je le sais ? Parce que la Torah est Emet : elle est vérité. Et justement, quand il s’agit de mérite, la Torah nous donne un enseignement complètement différent.
La base de la pensée Juive
Toute la Hachkafa, la pensée du Judaïsme, est basée sur l’humilité. Et les écrits de la Torah l’illustrent de plusieurs façons : c’est depuis le mont Sinaï qu’a été donnée la Torah aux enfants d’Israël. Et le mont Sinaï était la plus petite des collines de la région.
Et qui était le guide du peuple dans le désert ? Moché Rabbénou, l’homme le plus humble de toute sa génération.
Nous avons donc la preuve éclatante qu’il ne suffit pas de s’attribuer tous les mérites pour réussir. Au contraire, c’est l’humilité qui est la clé du succès, quel que soit le domaine… et oui, même dans le milieu professionnel, où règne parfois un esprit de compétition ! Car le vrai “Boss”, qui décidera ou non de notre promotion… c’est Hachem, et personne d’autre (Ein ‘Od Milevado, il n’y a rien d’autre à part Lui).
Et notre Hichtadlout (effort personnel que l’on doit fournir) consiste à se comporter comme la Torah nous le demande, c’est-à-dire avec humilité ! Une des vertus les plus admirées dans le judaïsme. En quoi consiste-t-elle ? A nous considérer à notre juste valeur.
Ni en faire trop, ce qui serait orgueilleux, ni pas assez, ce qui serait de la fausse modestie.
Etre Juif, c’est refléter la présence Divine, c’est-à-dire s’annuler devant Hachem, accomplir entièrement Sa volonté. S’annuler ne veut pas dire renoncer, mais accepter : accepter de ne pas crier sur nos enfants qui nous rendent chèvre. Accepter de ne pas garder rancune contre cette amie, même si on a le sentiment qu’elle nous a blessée. Cela signifie aussi qu’on accepte de ne pas tout comprendre à ce qui nous arrive, au moment où ça nous arrive. Toute cette acceptation conduit à devenir ‘Anav (humble). Et quand on devient humble, c’est à ce moment qu’on génère du mérite !
Un jeu d’enfant
Imaginez ce petit jeu ludique si vous deviez expliquer ce qu’est le mérite à vos enfants : créez deux équipes. Vous donnez à chaque équipe une boîte. Fabriquez une troisième boîte sur laquelle vous marquerez “Hachem”.
Chaque équipe répondra à des questions pour gagner différentes qualités qu’ils placeront ensuite dans leurs boites.
Montrez ensuite aux enfants que toutes les qualités que les 2 équipes ont rassemblées peuvent être regroupées dans une seule et même boîte, celle marquée Hachem, et que la boîte ne pourrait pas contenir toutes les qualités de D.ieu, qui sont en réalité infinies.
Alors, après tout ça, comment ne pas comprendre que toutes ces qualités, dont certains se vantent, sont en réalité des outils qu’Hachem nous a transmis… et qui Lui appartiennent ? Et que tous les résultats que nous obtenons "grâce à eux" ne sont issus QUE de la volonté Divine ! Et nous n'avons, finalement, aucun mérite "personnel" pour cela… Alors oui ! Il faut être conscient des capacités qu’Hachem nous a données (c'est même indispensable pour avancer et réussir, comme l'enseigne le Rav Moché Feinstein), mais attention, sans s'en enorgueillir...
Mesure pour mesure
Alors le mérite, comment ça marche ? Il suffit déjà d’avoir les bonnes mesures. En hébreu, mesures se dit Middot, mot qui désigne aussi les traits de caractère. Quel lien entre les deux notions ?
Tout simplement, chaque personne, quand elle vient au monde, reçoit des traits de caractère. Et ce qui nous différencie de la voisine, c’est le niveau de chacun de ces traits, qui est plus ou moins élevé, selon ce qu’Hachem attend de nous sur terre.
Le véritable mérite vient donc de notre réel travail qui consiste à équilibrer ces traits à la juste mesure (la colérique va baisser son énervement en augmentant sa patience, la timide va augmenter son audace en baissant son niveau de peur, etc.). Ne dit-on pas d’ailleurs pour décrire une personne stable, qu’elle est “équilibrée” ? Ainsi, on aura entre les mains de “bons outils” pour réussir.
Et Rav Dessler de nous enseigner : celui qui a de bonnes Middot (un comportement louable d’après la Torah et la société) sera Davouk (collé à) Hachem. Et de la même façon qu’on se “colle” à Hachem, Hakadoch Baroukh Hou Se “colle” à nous. Et c’est comme ça que l’on reçoit le flux de bénédictions...
Rabbi Méïr disait : “Celui qui ne se vante pas, sera vanté par les autres”. Hachem voit tout, vous pensez bien que si nous accomplissons une tâche, même professionnelle, qui nous a demandé de travailler nos Middot, le Maître du monde se chargera de nous bénir et de nous mettre dans la lumière !
Alors Madame S., votre discours peut faire illusion pour justifier votre position élevée dans cette grande entreprise, mais vos théories ne tiennent pas la route. Parce que, comme le Talmud nous l’enseigne, “la Brakha réside dans ce qui est caché de l’œil”.
Vous ne lirez sûrement pas ces quelques lignes, mais ce n’est pas grave. Elles sont écrites en réalité pour toutes les femmes en général qui vivent dans la discrétion, sans chercher à se vanter, et pour toutes celles qui reçoivent du mérite au quotidien, parce qu’elles connaissent leur véritable valeur : celle d’être des filles d’Hachem.
Béhatsla’ha à toutes !