“Nous sommes si près du but, ça serait tellement dommage de tout rater !” : voici ce que les Bné Israël sont en train de vivre dans notre Paracha.
En effet, après avoir voyagé près de 40 ans à travers le désert du Sinaï, le peuple juif se trouve à quelques jours de marche de la Terre d'Israël. Mais les deux pays frontaliers, Émor et Moav, ont bloqué chacun leur frontière, refusant ainsi au peuple juif le droit de passage et en précisant bien que toute intrusion serait confrontée à la violence ! Face à cette situation inextricable, heureusement qu’il reste encore une dernière solution. En effet, les Bné Israël trouvent un stratagème : il existe un tout petit passage étroit et profond entre les terres des Émorites et de Moav : la Vallée de l’Arnon. Il suffit de traverser cette vallée pour enfin pouvoir entrer en Erets Israël d’une façon sûre et protégée. C’est ce qu’ils font, et, une fois le danger passé, alors qu’ils se trouvent vraiment aux portes d'Israël, il est écrit que quand ils arrivèrent à un puits d’eau, les Bné Israël chantèrent un chant : le “cantique du puits”, en l’honneur de l’eau qui en jaillit.
Mais enfin, n’y a-t-il pas quelque chose qui vous paraît bizarre ?! N’y a-t-il pas quelque chose qui semble leur avoir échappé ? Les Bné Israël échappent à un danger menaçant, et ils ne remercient pas pour ça ? Puis, ils se mettent à remercier Hachem juste lorsqu’ils trouvent une source d’eau ?
Comme si un homme essaye d’agresser un passant, et que, par miracle, ce passant parvient à échapper à l’assaillant. Puis, il passe son chemin et là, miracle, il trouve une canette de Coca-Cola et, seulement là, il se met à remercier Hachem !
Voici comment le Midrach Tan’houma nous éclaire sur cet étrange épisode de notre histoire : en fait, les Émorites se cachèrent dans les grottes de la falaise au-dessus de la vallée de l'Arnon, projetant d'embusquer et de tuer les Juifs quand ils passeraient. Mais, par miracle, il y eut un tremblement de terre. Il est écrit que : “D.ieu fit tourner la montagne des Émorites comme des pièces de puzzle qui s'emboîtaient, écrasant les Émorites qui se cachaient dans les grottes. Puis, les montagnes revinrent à leur place, et les Juifs traversèrent paisiblement la vallée de l'Arnon, ignorant le danger qu'ils avaient ainsi miraculeusement évité”[1].
Plus tard, lorsque les Juifs ont aperçu le puits d’eau, qu’ont-ils vu ? Du sang ! C’est à ce moment-là qu’ils comprirent rétroactivement qu’il s’agissait du sang de leurs ennemis qui prévoyaient de les tuer. Ils comprirent que, pendant qu’ils traversaient tranquillement la vallée d’Arnon, en fait, D.ieu était en train de réaliser pour eux un miracle surnaturel, les sauvant ainsi d’un terrible danger.
Ainsi, nous découvrons, grâce au Midrach, l'un des miracles les plus extraordinaires que les Juifs aient connus dans le désert. Mais pourquoi précisément cet épisode mérite que le peuple entonne un cantique tous ensemble ? En effet, les Juifs avaient combattu et gagné de multiples guerres. Mais là, ce n’est pas qu’ils ont eu besoin de combattre qui que ce soit : D.ieu a livré cette bataille pour eux, tandis qu’ils sont restés passifs et mêmes totalement inconscients du danger. Ainsi, dans ce cas précisément, les chants de gratitude ont naturellement fusé de leur bouche ! Et on peut les comprendre !
C’est une grande leçon pour nous. Lorsque nous entendons qu’une personne de notre entourage est malade, ou qu’une autre a eu un accident de voiture, ou bien encore qu’un attentat a été perpétré, en général, nous avons le même type de réaction : “Cela aurait pu m’arriver à moi !”, “Peut-être que je suis la prochaine ?” Puis, juste après, nous nous reprenons et nous nous disons : “Mais non, moi je ne me promène pas dans ces endroits-là”, ou bien : “Mais moi je conduis prudemment”, ou encore : “Ça ne m’arrivera pas, car j’ai un mode de vie sain” etc.
Toutes ces réflexions peuvent effectivement éloigner nos inquiétudes. Mais elles nous font passer à côté de quelque chose d’essentiel : remercier Hachem pour tous les problèmes que l’on n’a pas ! Sachons dire : “Merci de ne pas avoir mis sur mon chemin telle épreuve ou telle maladie”, “Merci pour les problèmes financiers que je ne traverse pas, les disputes de couple que je ne rencontre pas, pour les soucis de santé dont je n’ai même pas idée !”.
On peut aussi remercier pour des choses plus simples encore. Par exemple, si on voit une amie qui est colérique ou désorganisée. On peut dire : “Merci Hachem pour tous les défauts que Tu n’as pas mis en moi ! Contrairement à cette amie, Baroukh Hachem, je n’ai même pas besoin de faire d’efforts pour garder mon calme ou pour être organisée. Je n’ai pas besoin de mener ce genre de combats contre ces mauvais traits de caractère ! Merci Hachem de me faciliter la vie !” Si vous voyez dans la classe de vos enfants des élèves turbulents, vous pourrez dire à Hachem : “C’est vrai que mes enfants sont loin d’être parfaits, mais, au moins, ils ne sont pas dissipés ! Encore un problème que, dans Ta grande bonté, Tu m’as épargnée, merci Hachem.”
Vous constaterez par vous-même que cette liste de remerciements sera sans fin, et, surtout, qu’elle nous permettra de nous rendre compte de la bonté d’Hachem dans notre quotidien. En fait, Hachem nous épargne tous les jours des épreuves qu’il nous serait très difficile de surmonter. Alors sachons, comme les Bné Israël, remercier Hachem pour les tracas qu’Il nous épargne au quotidien.
Enfin, ajoutons quelque chose d’essentiel : nous ne devons pas nous contenter de remercier, nous devons également demander à Hachem que cela perdure. En effet, il est écrit que notre matriarche Léa, après avoir eu 6 enfants sans encombre, tout d’un coup “cessa d’enfanter”[2]. Pourquoi a-t-elle cessé d’enfanter alors qu’elle tombait enceinte facilement année après année ? Le Rav Pinkus explique que Léa a certes su remercier Hachem de ne pas avoir eu de difficultés pour tomber enceinte et enfanter, mais elle a oublié une chose : elle n’a pas prié pour que cela continue. Sans prière, les phénomènes les plus “naturels" (mais qui sont en réalité des bénédictions cachées) finissent par s’arrêter. Il faut donc remercier pour tous les combats qu’Hachem nous épargne au quotidien, mais il faut aussi demander que cela continue pour toujours, car cela ne va pas de soi !
La prochaine fois, si vous entendez (que D.ieu nous en préserve) une nouvelle inquiétante pour quelqu’un de votre entourage, vous saurez ce qu’il faut faire : tout d’abord, prier et implorer le bien-être de toutes les personnes impliquées dans cette difficulté. Puis, n’oubliez pas de remercier et CHANTER une louange à Hachem qui vous a épargnée, vous, ainsi que tous vos proches, de toutes ces épreuves. Après vos remerciements, n’oubliez pas de demander à Hachem qu’Il continue en permanence de vous protéger de tous ces problèmes que vous ne rencontrez pas au quotidien. Ainsi, vous saurez apprécier pleinement la vie, dépourvue - D.ieu merci - de toutes les embûches qui ne se trouvent pas sur votre chemin !
[1] Midrach Tan’houma (‘Houkat, 20)
[2] Béréchit (21,35)