רַבּוֹת בָּנוֹת עָשׂוּ חָיִל וְאַתְּ עָלִית עַל כֻּלָּנָה
"Beaucoup de femmes se sont montrées vertueuses, mais toi tu les surpasses toutes !"
Quelle magnifique déclaration d’amour la Echet ‘Hayil reçoit de la part de ses proches : « Bien des femmes se sont montrées vaillantes... Mais toi tu leur es supérieure à toutes ! ».
Toutefois, quand on y réfléchit bien, cette comparaison semble légèrement déplacée. En effet, la Echet ‘Hayil serait-elle en concurrence avec les autres femmes ? La question est d’autant plus pertinente que le poème décrit les vertus morales et spirituelles de la Echet ‘Hayil. Or dans le domaine spirituel, on ne peut être en compétition avec personne d’autre que… soi-même ! Au lieu d’être valorisante, cette déclaration semble mettre la Echet ‘Hayil en rivalité avec les femmes du voisinage…
Essayons donc de comprendre la profondeur de cet éloge.
La Echet ‘Hayil réunit toutes les qualités existantes, grâce à son dévouement quotidien
En fait, la plupart des femmes sur Terre possèdent une ou deux qualités exceptionnelles. Une certaine femme va se montrer généreuse, une autre va faire preuve d’une grande patience, et une autre va exceller dans le domaine de l’organisation. Mais la Echet ‘Hayil recouvre toutes les qualités chez elle [1] ! Comment une telle chose est possible ?
En fait, nous avons effectivement toutes à la base un ou deux domaines d’excellence, mais la Echet ‘Hayil est tellement dévouée à s’impliquer autour d’elle, dans sa famille, ses proches et sa communauté que, par la force des choses, elle va acquérir au cours de sa vie une multitude de qualités morales, spirituelles et intellectuelles. Son interaction constante avec les autres multiplient les opportunités d’être mise face à des défis... ce qui va lui permettre de raffiner son caractère ! En effet, il est facile d’être “zen” et sereine lorsqu’on est détaché du monde et centré sur soi. Mais ce n’est pas le choix qu’a fait la Echet ‘Hayil. Elle est constamment en interaction avec ceux qui ont besoin de sa présence, ses conseils et son aide. En résultat de son dévouement quotidien, elle est la première bénéficiaire et développe toutes les qualités morales possibles chez une personne [2] !
Se concentrer sur les actions à l’intérieur de la maison
Voici comment Rav Yaakovson explique ce verset : bien des femmes sont capables de s’impliquer avec engouement dans ce qui a attrait à l’extérieur de la maison mais rares sont celles qui s’impliquent avec autant d’exaltation dans l’enceinte de leur maison. En effet, on est toujours plus exalté par ce qui fait impression chez les autres, mais au sein de la maison on est souvent pris par une routine et un manque de satisfaction. Pourquoi ? Parce qu’à la maison il n’y a pas de reconnaissance sociale !
Or la Echet ‘Hayil c’est celle qui prend conscience de la grandeur de ce qu’elle fait chez elle au sein de la maison. Elle ne vit pas du tout les tâches quotidiennes comme un fardeau, mais comme la chose ayant le plus de sens et de valeur à ses yeux. Voilà quel est son ordre de priorité. En effet, ce qui est fait en discrétion chez soi c’est en fait ce qui produit les plus grandes choses.
Nos sages nous disent que « C’est par le mérite des femmes pieuses qu’Israël fut délivré d’Egypte ». Et pourtant, quel a été leur mérite ? Elles redonnaient du courage et de la emouna à leur mari en les apaisant, en leur donnant à boire et à manger (des poissons frits !) et en leur frictionnant le corps [3] ! Ce qui semble être des gestes complètement banals sont en fait des actes qui ont fait mériter à toute la génération de vivre la miraculeuse délivrance d’Egypte ! Et tout cela dans la plus grande discrétion...
Qui est la femme qui se cache derrière ce verset ?
Selon le Midrach, derrière chaque verset se cache une femme de la Bible. Dans ce verset, il s’agit de Ruth !
Les trois derniers versets décrivent Ruth, l’ancêtre du Roi David et du Roi Salomon, qui est l’auteur du poème de Echet ‘Hayil. En fait, le Roi Salomon s’adresse directement à son aïeul et lui fait son éloge publiquement.
Ruth était une princesse de Moav, qui a abandonné sa vie de luxe au palais royal et son titre de princesse pour rejoindre le peuple juif, dont elle admirait les valeurs. Ce choix était fortement risqué car les gens de sa génération pensaient que sa conversion ne pouvait pas être valable au regard de la loi juive. Et pourtant, elle a pris le risque de devenir une femme recluse et vagabonde par emouna en Hachem et amour de sa Torah. Par ce mérite, le Midrach dit qu’elle a mérité de « rentrer sous les ailes de la protection divine ».
C’est à ce moment-là que Boaz a rencontré Ruth dans les champs agricoles et a été impressionné par sa grandeur d’âme et se mit à la bénir : « Que l'Eternel te donne le prix de ton œuvre de dévouement ! Puisses-tu recevoir une récompense complète du Dieu d'Israël ». Celle qui jusqu’à présent avait été dédaignée par les siens obtint enfin de la reconnaissance… et pas de n’importe qui : de Boaz, le chef spirituel de la génération ! Quelques jours plus tard, il lui dira : « Tout ce que tu me demanderas, je le ferai pour toi, car tous les habitants de notre ville savent que tu es une femme vaillante (ECHET ‘HAYIL) » [4]
En fait, la grandeur d’âme et les qualités morales s’acquièrent lorsque l’on relève les défis qu’Hachem nous présente dans la vie. Si l’on fait les choses par automatisme, par conformisme ou en fonction de notre confort, on ne sera jamais capable de réaliser ce que Ruth a accompli. Pourtant, nous sommes capables de nous surpasser et de devenir, à l’instar de Ruth, la meilleure version de nous-mêmes. Pour cela, il ne faut pas avoir froid aux yeux, mais il faut s’armer de courage et de patience pour relever les challenges de la vie, en ayant confiance que Hachem a les yeux rivés sur nous, qu’Il est fier de nous, et ainsi nous aurons la joie de développer l’intégralité de notre magnifique potentiel.
[1] Meam Loez sur Michlei (31,29)
[2] Rebbetzin Shira Hochheimer
[3] Sota (11b)
[4] Ruth (2,12) et (3,11)