Tout le monde était présent lors du don de la Torah – hommes, femmes et enfants. Tout le monde a entendu les dix Commandements et tout le monde a reçu la Torah. Depuis ce grand jour, les hommes ont l’obligation d’étudier journellement la Torah, mais quel héritage les femmes ont-elles reçu ? Que nous reste-t-il de ce moment exceptionnel de l’Histoire ? Quel est notre rôle, chaque année, le jour de Chavou’ot qui commémore le don de la Torah ? À quelle facette de la Torah, la femme se rattache-t-elle ?

Nous savons toutes qu’à la fin de sa vie, le Juif rejoint le Gan Eden. Mais qu’y fait-il ? Les hommes qui ont le privilège d’étudier la Torah sur terre auront le mérite de l’étudier également dans le Gan Eden (et ce, en fonction de leur attachement à l’étude dans ce monde). Mais que font les femmes qui arrivent au Gan Eden ? Quelle est leur place et à quoi s’occupent-elles ?

Si l’on analyse brièvement la Torah, on peut la diviser en deux parties : les histoires (que l’on trouve principalement dans le Séfer Béréchit, le début de Chémot et dans quelques Parachiot de Bamidbar) et les 613 Mitsvot (présentes dans les autres parties du ’Houmach). Pourquoi la Torah nous raconte-t-elle ces histoires ? Nous le savons, c’est pour nous enseigner des leçons de morale et de bonne conduite. Nous y découvrons les bonnes actions de nos Patriarches et de nos Matriarches, etc. Or, dans le traité de la Guémara qui s’intitule « Gan Eden », la femme qui y est mentionnée est Myriam la prophétesse, qui n’est autre que la sœur de Moché Rabbénou. Que font les vertueuses femmes dans le Gan Eden ? Elles continuent le chant que Myriam avait entonné lors du passage de la Mer des Joncs. Mais pendant combien de temps peut-on chanter le même chant ? En réalité, le chant de Myriam a une suite (et il n’a pas de fin). Chaque chant de remerciement pour les bienfaits et les miracles accomplis par Hachem en notre faveur, s’ajoute au chant de Myriam. Ainsi, tous les miracles qui survinrent au fil des générations se transforment en une très longue chaîne de chants.

L’un des noms de la Torah est « Chira » – chant. Cet aspect de la Torah appartient aux femmes. C’est par le biais du chant qu’elles se lient au don de la Torah et à la fête de Chavou’ot, d’année en année.

Un chant se compose de plusieurs idées assemblées pour former un bel ensemble, harmonieux, mélodieux. D’ailleurs, le mot « Chira – chant » et le mot « Charchéret – chaîne » ont la même racine. En effet, quand on assemble des événements qui ne semblaient pas liés, et que l’on voit leur objectif final, cela nous comble d’un sentiment de joie et de reconnaissance, duquel émane un chant sincère.

Prenons l’exemple de Yossef qui fut emmené en Égypte, vendu, prisonnier pour finalement se retrouver à la tête du royaume. Chacun des événements semble triste, mais quand on les relie et que l’on voit leur but final, on en vient à chanter les louanges d’Hachem.

Cette capacité fut léguée aux femmes. Toute mère juive transmet à ses descendants cette perspective de la vie, cette aptitude à prendre plusieurs événements apparemment non liés et à les rassembler pour dévoiler l’objectif divin. C’est le sens du verset « Écoute, mon fils, la morale de ton père et ne délaisse pas la Torah de ta mère » (Michlé 1,8). A priori, la Torah devrait être annexée au père qui étudie la Michna et la Guémara avec son fils, tandis que la mère se penche davantage sur la morale.

Mais l’idée avancée nous aide à résoudre ce problème. Les femmes ont leur part dans la Torah – la partie « chant ». La Torah que la mère enseigne à ses enfants, c’est la bonne façon de voir les événements de la vie, la bonne compréhension des choses, le principe que tout a un objectif et représente un maillon de la chaîne – un maillon de la vie.

Pour en arriver à ce niveau de perception, il faut procéder à une analyse approfondie sur la vie. Or, c’est exactement la vertu de la femme. C’est à elle que revient le chant, parce qu’elle sait examiner les choses, y réfléchir et renforcer sa Émouna. Étant dispensées de l’étude de la Torah (contrairement aux hommes), les femmes ont plus de temps et de disponibilité pour méditer et affermir leur foi.

Méditer et renforcer sa foi signifie voir la Providence divine dans chaque événement de la vie, prendre en considération la chaîne qui se dessine grâce à chaque maillon. Le chant de gratitude peut alors émaner du cœur.

Nos Sages enseignent que le mérite de la naissance de Moché Rabbénou est attribué à Myriam. En effet, elle convainquit ses parents de se remarier et d’avoir d’autres enfants, malgré le décret cruel de Pharaon. Par la suite, c’est elle qui surveilla son petit frère déposé sur le Nil et c’est elle qui proposa à Bitya (la fille de Pharaon) de trouver une nourrice juive (qui ne fut autre que Yokhévèd, sa propre mère) pour allaiter le bébé qui refusait de boire du lait d’une non-juive. Ainsi, toute la sortie d’Égypte que l’on crédite à Moché fut en réalité le résultat du dévouement de la prophétesse Myriam.

Le nom « Myriam » vient du mot « Mar » qui signifie « amer ». Le chant de Myriam portait sur les divers événements amers qui s’avérèrent par la suite bénéfiques. C’est ce qui transforma ces péripéties et cette amertume en chant.

Ainsi, Moché dirigea les Bné Israël vers le don de la Torah et Myriam dirigea les femmes vers le don de la Chira. Notons que la Chira de Moché commence par les mots « Az Yachir », au futur, tandis que pour Myriam, le terme employé est « Vatachar » – elle chanta. Cela prouve que son chant n’était pas uniquement tourné vers le monde futur, mais qu’il visait aussi le moment présent.

Notre mission, en tant que femmes juives qui avons reçu la Torah – la Chira, consiste à examiner les différents événements de notre quotidien et à découvrir un « enchaînement » qui peut former une magnifique chaîne – censée, à son tour, nous faire chanter les louanges d’Hachem, du fond du cœur. Il convient, au début, d’essayer de former de « petites chaînes », composées d’un petit nombre d’événements. Finalement, nous arriverons à composer un chant gigantesque, reliant d’innombrables événements, qui s’étalent sur plusieurs générations ; ce sera le chant de la venue du Machia’h, que nous espérons proche !

Telle est la « Torat Imékha, la Torah de ta mère » qu’il nous convient d’inculquer à nos enfants ; leur enseigner à imbriquer les événements de la vie et à les assembler jusqu’à voir l’objectif final et entonner un chant – le chant de la reconnaissance, le chant de Myriam, le chant des femmes !

Pour recevoir cette « Torah » qui s’avère purement féminine, nous devons prendre quelques minutes, chaque jour, pour analyser les événements de la vie, les interpréter correctement et composer un chant unique, que personne d’autre ne pourra imiter. En effet, dans le monde futur, chaque femme aura un chant qui lui sera propre, qui s’associera à ceux des autres femmes et qui formera un magnifique puzzle de chants, la « Chira ’Hadacha » du Machia’h.

Extrait traduit et résumé du livre "Bilvavi Michkan Evne"