Aya Kremerman, ancienne top-model et présentatrice TV israélienne ayant fait Téchouva, a définitivement renoncé aux strass et aux projecteurs pour revenir d’un cœur entier vers son Créateur. Dans les lignes qui suivent, elle ouvre son cœur et explique avec fierté son choix, malgré les embûches…
Je me souviens vaguement de la seule fois où, avant que je ne fasse Téchouva, j’avais été au Kotel. C’était à l’occasion de la Bar-Mitsva de mon cousin.
De l’office lui-même, je ne me souviens presque de rien. Je me rappelle juste qu’il avait commencé horriblement tôt, qu’il avait duré longtemps et que je n’y avais rien compris. Je me rappelle aussi de mon accoutrement – j’avais mis environ tout ce qui m’était tombé sous la main ce matin-là, car, m’avait prévenue ma mère, « il fait froid à Jérusalem ». Puis, soudain, je me souviens qu’un « religieux », l’un de ces fanatiques que l’on voyait au journal du 20h lancer des pierres contre les voitures le Chabbath, était passé à côté de moi et m’avait lancé un regard hostile – du moins, c’est ce que je croyais – qui semblait dire : « Qu’est-ce qu’une petite comme toi, qui n’a aucun lien avec le Kotel, fait-elle ici, sur notre territoire ? ».
Aujourd’hui, avec le recul, j’en ris. Je sais que les « religieux », et moi la première, ont bien trop d’enfants pour lancer des regards hostiles à ceux des autres. Quoi qu’il en soit, l’interprétation que je fis de ce regard eut pour effet de m’éloigner de longues années durant du périmètre du Kotel.
Des années plus tard, alors que je commençais timidement à amorcer mon processus de Téchouva, je décidai qu’il était grand temps de faire tomber le mur qui s’était dressé entre le Kotel et moi (sans mauvais jeu de mots). Un matin, je m’armai donc de courage et pris toute ma tribu pour une virée à Jérusalem. Et là, je le vis, dressé dans toute sa splendeur. En m’approchant de lui avec mon bébé, je décidai que le moment était venu de faire la paix. Je saisis un livre de Téhilim que je trouvai là et commençai à en réciter des versets. Soudain, je sentis une main sur mon épaule. Je me retournai. C’était l’une de ces femmes pieuses qui ont pour mission de vous couvrir d’un petit châle, au cas où vous n’auriez pas compris le dress-code des lieux. Elle se mit à m’expliquer que je n’étais pas vêtue de manière suffisamment pudique. Quoi ?! Je crus défaillir. Mais enfin, j’avais pourtant mis ce que j’avais de plus Tsanou’a (pudique) dans ma garde-robe (et D.ieu sait qu’elle contenait nombre d’articles qui ne répondaient pas à cette définition) ! Preuve à l’appui, elle me démontra que ma jupe maxi en lin blanc était translucide et qu’il apparaissait donc de manière assez évidente que j’avais des jambes en-dessous.
Abasourdie, j’entendis quatre mots s’échapper de ma bouche : « Si seulement tu savais… ».
Si seulement tu savais ce que j’ai enduré pour me convaincre de ne porter plus que des jupes. Des longues, s’entend.
Si seulement tu savais combien de fois j’ai ouvert le sac dans lequel j’ai entreposé mes anciens jeans pour les caresser avec nostalgie, puis l’ai refermé en soupirant.
Si seulement tu savais ce que c’est de porter des tights et des tops sans manches. Moi je le sais et, malgré tout, je choisis de ne plus les porter.
Si seulement tu savais combien les femmes comme toi me faisaient pitié avant. Et maintenant, c’est moi qui fais pitié…
Si seulement tu savais quel regard je portais sur les femmes comme toi il n’y a pas si longtemps et combien ce regard a changé en quelques mois.
Si seulement tu savais ce qu’on m’a raconté toute ma vie sur les femmes comme toi, répudiée que tu es.
Si seulement tu savais combien j’ai lutté contre mon envie irrésistible de te ressembler, jusqu’à ce que j’ai déposé les armes et ai succombé.
Si seulement tu savais ce que je portais comme vêtements et quelles étaient mes conversations pas plus tard que l’année dernière.
Si seulement tu savais ce que c’est que d’aller à la plage séparée en se souvenant de ce que c’est que d’aller à la plage mixte.
Si seulement tu savais ce que c’est que d’entendre à la radio les tubes des années 80 qui ont bercé ton enfance puis de changer de station pour écouter de la musique ‘hassidique.
Si seulement tu savais ce que c’est que d’être à la table de Chabbath – une pure nouveauté pour toi – et de ne pas connaitre un traitre mot des chants du Chabbath.
Si seulement tu savais ce que c’est que d’entendre ton fils de 7 ans te dire que tu serais plus belle avec les cheveux couverts.
Si seulement tu savais ce que c’est que de découvrir que tu peux parler à D.ieu, dont tu ignorais l’existence il n’y a pas si longtemps.
Si seulement tu savais ce que c’est que de jeter la vidéo de ton mariage. Et toutes les photos qui vont avec.
Si seulement tu savais ce que c’est que de célébrer la Bar-Mitsva de ton fils avec séparation dans une salle de synagogue, alors que, dans une autre vie, vous l’auriez fêtée en voyageant à Barcelone pour assister à la finale de la coupe d’Europe.
Si seulement tu savais ce que c’est que d’avoir trois fois plus d’enfants que ta mère.
Si seulement tu savais ce que c’est que de te taire par respect pour tes parents en les entendant parler devant tes enfants du dernier film qu’ils ont été voir au cinéma en plein Chabbath.
Si seulement tu savais ce que c’est que de recevoir le coup de fil d’un paparazzi à la sortie de Kippour qui te demande : « C’est bien toi qu’on a vue sortir de la synagogue avec un foulard sur la tête ? Je titre que t’as fait Téchouva ? ».
Si seulement tu savais ce que c’est que de sentir ta Néchama s’éveiller peu à peu, alors que tu ignorais que tu en avais une.
Si seulement tu savais ce que c’est que de voir pour la première fois de ta vie ton mari mettre ses Téfilines. Pour ensuite découvrir qu’en fait le Chabbath, on ne les met pas.
Si seulement tu savais ce que c’est que de jeter toute ta vaisselle parce que tu viens de découvrir qu’elle est Taref.
Si seulement tu savais ce que c’est que de jurer à ta mère que tu n’inscriras jamais tes enfants à l’école religieuse et de transgresser ta promesse en cachette…
Si seulement tu savais combien je prie pour effacer mon passé et, en même temps, combien d’efforts je déploie pour l’accepter comme partie intégrante de ma vie.
Si seulement tu savais combien je pleure face aux bougies de Chabbath, dont j’ai repris l’allumage après plusieurs générations d’abandon.
Si seulement tu savais ce que c’est que de découvrir Hachem. Eh bien, je te le souhaite.
Si seulement tu savais quel combat interne c’est de faire Téchouva. Combien d’affronts je dois essuyer. Combien de coups je dois encaisser. Et combien j’ai haï chaque instant que m’a pris d’aller acheter cette jupe en lin blanche, oui, celle-là même que tu viens de qualifier de « transparente ».
Si seulement tu savais…
Aya Kremerman