Question d'une internaute : "Depuis l'enfance, je fais ce que les autres attendent de moi. Je n'ai jamais réussi à prendre vraiment des décisions par moi-même. C'est vrai que mon père autoritaire et ma mère passive ont certainement contribué à cela... Avec mon mari, je suis aussi soumise et j'ai du mal à faire accepter mes prises de position. Mais je suis en colère, car il y a au fond de moi une envie d'être acceptée pour ce que je suis, d'exprimer mes idées, de savoir dire "non"... Mais j'ai peur que cela nous mène à des disputes, voire au divorce, donc je continue de me taire. Aidez-moi."
La réponse de Mme Nathalie Seyman
Faire en sorte de maintenir une bonne entente en fuyant les conflits est une très grande qualité. Pourtant, conserver une paix qui n’est finalement pas sereine, est-ce vraiment ça le bonheur ? Faut-il considérer tous les conflits dans la même catégorie, c’est-à-dire improductifs, négatifs, un manque de sagesse ? Et si, finalement, la véritable paix s’obtenait par un passage obligatoire par la case conflit constructif, permettant un réajustement de situation, et surtout une juste affirmation de soi ?
Oser s’affirmer
Évidemment, entrer en conflit à la moindre opposition n’est pas constructif. Mais, à l’inverse, fuir automatiquement chaque tentative de débat peut cacher une faille et surtout empêcher de progresser dans sa relation avec les autres, voire d’envenimer la situation. Cette conduite d’évitement vient en général d’un manque d’estime de soi. Fuir la discussion, c’est éviter de se sentir infériorisé par l’autorité de l’autre et maintenir, de façon illusoire et à court terme, qu’il n’existe aucun conflit et que l’entente est parfaite. Le fait d’avoir eu l’image d’un couple parental avec un père très autoritaire et d’une mère évitant de s’opposer vous a très certainement fait intégrer un mode d’éducation où affronter une situation s’apparente à un conflit violent et donc mal perçu. Vous n’avez ainsi pas construit une assurance intérieure suffisamment solide pour différencier lorsqu’il est nécessaire de vous affirmer. Pour vous, un conflit est quoi qu’il arrive trop risqué : il met en danger votre équilibre intérieur, il vous ferait sortir de votre zone de confort, et vous vous l’assurez en imaginant une issue négative du désaccord : disputes violentes, cris, et même divorce…
S’affirmer pour vous-même : Le problème lorsque l’on ne laisse pas sortir son être intérieur, lorsque l’on essaie de l’effacer, c’est qu’il finit par ressortir d’une manière à laquelle on ne s’attend pas, et pire, d’une manière qu’on ne peut plus gérer : angoisses, stress, dépression, douleurs psychosomatiques, colère grandissante qui peut finir par sortir d’un coup d’une manière incontrôlée et arriver au stade que l’on voulait à tout prix éviter.
S’affirmer pour les autres : En évitant d’être soi-même et donc de s’opposer lorsque l’on n’est pas d’accord, on détourne finalement la communication au sein de la relation, et surtout on empêche la recherche de compromis, activité qui participe à la construction d’un couple. On n’est du coup jamais vraiment honnête avec l’autre, on ne lui laisse pas la chance de pouvoir nous connaître réellement et pouvoir nous accepter tel que l’on est. On empêche le problème de se résoudre et l’autre de peut-être pouvoir s’améliorer.
Finalement, c’est en évitant de faire passer votre message que vous pourriez arriver à ce que vous craignez le plus.
Gestion du conflit
La paix ne résulte donc pas de l’évitement des conflits mais de leur gestion. C’est parce que nous avons tendance à confondre le conflit et la violence que nous n’osons pas entrer en opposition par peur que ça ne dégénère.
- Vous devez choisir vos combats. Il ne s’agit pas de vous opposer à tout et n’importe quoi, mais choisir vraiment ce qui va être constructif pour votre vie. Demandez-vous quel est le message que je veux faire passer ? Est-il important pour moi ou n’est-ce qu’une exigence futile ? Que va-t-il m’apporter ? Il faut que le désaccord ait un véritable intérêt pour vous.
- Utilisez la communication non violente : Ne cherchez jamais à dominer l’autre. Le meilleur moyen de faire passer correctement un message est de le faire d’égal à égal. Ne parlez pas sous la colère, elle desservira votre cause. De même, ne vous servez jamais du mépris, de l’humiliation ou de la dévalorisation. Gardez à l’esprit que votre but reste la paix. La gestion des conflits repose sur votre capacité à préciser vos objectifs et par la façon dont vous négocierez leur satisfaction dans une relation équilibrée où chacun peut s’épanouir.
- Gardez toujours le respect envers votre interlocuteur : il est important de savoir créer un climat de confiance dans lequel l’autre sent qu’il pourra dire ce qu’il pense sans crainte, que vous le respectez, à défaut d’être d’accord avec lui. Il faut parvenir à ce qu’aucun d’entre vous ne finisse par penser qu’il a perdu la partie, mais, au contraire, que tout le monde est gagnant.
Maintenir une paix sereine
Nos Rabbanim s’entendent sur ce point, tels le Rabbi de Kotsk : « Une paix sans vérité est une fausse paix » et Rabbi Na’hman de Breslev : « La paix, c'est concilier deux contraires ».
Forcez-vous à vous affirmer un peu chaque jour. Au début cela ne sera pas évident, votre voix ne sera pas assurée, vous aurez peur de la réaction de celui à qui vous vous opposez. Mais chaque opposition que vous émettrez sera votre petite victoire.
Apprenez à dire “non”. Ne vous obligez plus à faire quelque chose à contrecœur. C’est une question de respect de vous-même. Si vous voulez que les autres vous écoutent et vous respectent, il vous faut apprendre à vous écouter vous-même et respecter vos envies.
N’essayez pas de plaire à tout le monde, personne n’a ce pouvoir ! Savoir faire plaisir en se faisant plaisir, c’est le véritable secret du bonheur.
Et une fois que vous aurez trouvé enfin votre place, que ce soit avec vos parents, votre couple, votre travail, ou même vos amis, ne laissez plus s’installer de non-dits entre vous. Les meilleures relations ne sont pas celles qui sont parfaites, mais celles où l’on se sent aimé en dépit de nos différences et nos oppositions.
Béatsla'ha !