Question d'une internaute : Dans la famille de mon mari, une des sœurs a rejeté toutes les traditions familiales et vit avec un non-juif, avec qui elle a aujourd'hui un enfant. J'ai l'impression que mes beaux-parents ont été trop tolérants. C’est vrai qu’au début, ils ont pleuré de voir que leur fille n’emprunte pas le chemin qu’ils lui avaient inculqué, mais finalement, ils ont tout accepté en annonçant la naissance de leur petit-fils à tous leurs amis. Je ne veux pas les juger ni être à leur place, mais il y a des choses qui me dérangent et que je ne comprends pas. Par exemple, récemment, durant une conversation téléphonique, ma belle-mère m'a dit qu'elle était fière de “chacun” de ses enfants. Pour moi, c'est comme si elle mettait une claque à la figure à ses autres enfants qui, eux, ont suivi l'éducation et le chemin qu'elle leur a transmis. C'est vrai que c'est la seule fille qui est restée dans la même ville que ses parents et qu'ils peuvent donc se voir plus souvent et profiter du petit-fils. Mais quand même, comment peuvent-ils être aussi passifs ?
Merci pour votre réponse.
Réponse de Mme Nathalie Seyman
De la banale bêtise à la déception totale, les blessures que peuvent infliger les enfants à leurs parents ne manquent pas et cela ne s’arrête pas à l’âge adulte, bien au contraire, pour la plupart du temps. Alors, quel choix adopter pour le parent ? Tourner le dos à l’enfant qui n’a pas suivi le chemin qu’on lui destinait ou l’accepter et faire ainsi le deuil de l’enfant parfait ? Réfléchissons à la situation que vivent vos beaux-parents.
Un fantasme parental
En tant que parent, on est responsable de son enfant. On joue un rôle dans son passé, on fait partie de son présent, et on porte le poids de son futur. Dès leur naissance, nous les imaginons parfaits et rêvons pour eux un avenir idéal. Puis, par la suite, nous voudrions que nos enfants reflètent automatiquement l’éducation qu’on leur a transmise. Hélas, la vie n’est pas un long fleuve tranquille et nous vivons à une époque où 1+1 n’est pas forcément égal à 2. Nos enfants n’étant pas parfaits et idéaux, nous avons, dès leur naissance, mille picotements d’amertume que nous vivons tout au long de notre parentalité. Il est très difficile d’accepter qu’ils ne correspondent pas à notre imaginaire de perfection. On voudrait qu’ils soient beaux, intelligents, heureux… Et qu’ils deviennent ce qu’on avait prévu pour eux. Parce que c’est ce qui nous fait nous sentir de bons parents.
Une blessure parentale
Du coup, lorsque l’enfant prend un chemin opposé à celui des parents, il provoque chez eux une véritable blessure : l’impression d’avoir échoué, de ne pas avoir su s’y prendre. C’est terrible pour un parent de regarder en arrière et de se demander où il a échoué. En particulier lorsqu’il ne trouve pas la réponse, tout simplement parce qu’il a fait de son mieux. Par conséquent, certains parents ne pardonnent pas cette blessure que leur a infligée leur enfant. Parce que leur idéal est trop fort, parce qu’ils se sentent trop responsables, ou parce qu’ils n’ont pas en eux les ressources pour le faire… Alors, ils souffrent chaque jour de la séparation ou du conflit. Ils attendent un changement de leur enfant, mais ne peuvent plus en être acteurs, car ils se sont effacés de sa vie physiquement et/ou psychologiquement.
Le pardon parental
Certains parents trouvent en eux la force de pardonner à leurs enfants. Peut-être par mécanisme de défense d’une culpabilité trop lourde à supporter, ou bien par stratégie pour garder un œil sur son enfant qui s’est égaré, ou encore par sagesse, parce que la colère ne mène finalement à rien…
En fait, quand le parent pardonne, ce n’est pas qu’il passe à autre chose, mais qu’il pardonne la blessure que lui a faite son enfant. Parce que, parfois, il ne reste plus que cela, et qu’ils n’imaginent pas leur vie sans leur enfant. Parce que c’est ou accepter ou le perdre.
Je comprends que vous vous posiez des questions et que vous ne compreniez pas la démarche de vos beaux-parents. Il serait tellement plus facile d’être envahi par la colère dans la situation dans laquelle ils se trouvent avec leur fille. Mais posez-vous la question des conséquences s’ils lui tournaient définitivement le dos. Quels en seraient les bénéfices ? Est-ce que se sentir rejetée par ses parents l’atteindrait de la meilleure façon pour qu’elle revienne sur le chemin de la Torah ? Est-ce que vos beaux-parents pourraient vivre sereinement les évènements familiaux sans leur fille ? Ou est-ce qu’une relation parents-enfants basée sur des reproches serait vivable ?
Parce que, d’un autre côté, s’ils lui montrent de l’amour, de la fierté, s’ils ne font aucune différence de traitements avec ses frères et sœurs, alors ils gardent une chance de l’atteindre. Notre propre Tsaddik, Its’hak, n’a jamais tourné le dos à son fils, ‘Essav, pourtant complètement égaré du droit chemin.
Grâce à vos beaux-parents, votre belle-sœur continue à avoir un pied dans la Torah avec les fêtes, le Chabbath, les prières, les coutumes. Son fils, qui est juif, car de mère juive, a la possibilité de grandir proche de cette culture grâce à ses grands-parents qui l’acceptent avec amour et sans condition. Dans la Néchama (âme) de chaque enfant juif se trouve une étincelle, et même si celle-ci s’endort, elle peut toujours se réveiller et devenir un feu puissant. Votre neveu sera peut-être un jour un grand Tsaddik, Bé’ézrat Hachem.
Il ne faut jamais comparer les chemins pris, car ce n’est pas un concours à qui rendra ses parents les plus fiers, mais plutôt une question de ce qu’Hachem attend de nous et selon ce qu’Il met sur notre chemin : celui qui a suivi l’éducation de ses parents se doit donc d’aider celui qui s’est écarté.
On n’obtient aucun résultat avec de la colère ou du mépris, mais on peut tout obtenir avec l’amour et la bonté.
Kol Touv.
Si vous avez une question à poser à la psy, envoyez un mail sur l'adresse suivante [email protected]. Mme Seyman essaiera d’y répondre et la réponse sera diffusée de façon totalement anonyme.