En Russie, le sifflement du train qui se rendait à Moscou, résonnait au loin. Le voyage dans ces trains, qui grinçaient et vrombissaient, était long et exténuant. Douze heures de route éreintantes étaient le lot des passagers pour atteindre leur destination.
Voici que le voyage touchait à sa fin. Les passagers, soulagés, se levèrent de leurs sièges pour descendre du train et parmi eux, une femme juive. Elle quitta le quai de la gare et se dirigea vers un bâtiment. Elle en sortit et retourna directement sur le quai, afin de rejoindre sa ville.
Encore douze heures de voyage ! Pour cet aller-retour, loin d’être une partie de plaisir, elle devait débourser une somme qui correspondait à la moitié du salaire mensuel de la famille !
« Qu'avait-elle donc de si urgent à régler à Moscou ? Qu'est ce qui valait tellement la peine pour voyager vingt quatre heures et payer, dans ce but, une si grande somme d'argent ? »
Si on la questionnait, elle nous répondrait, sans l’ombre d’un doute, emplie d'allégresse : « Afin d'accomplir le commandement de la "Pureté Familiale" ! »
La Pureté familiale est la pierre angulaire du judaïsme. Son respect conditionne la "pureté" des âmes juives à tel point qu'il est interdit d'habiter un endroit où aucun "bain rituel" n'est accessible. Nos Sages rapportent que la construction d'un Mikvé est prioritaire à celle d'une synagogue.
L'histoire suivante est édifiante à cet égard :
Le saint "Baba Salé", Rabbi Israël Abi'hssira, avait l'habitude d'aller de village en village, afin d’encourager les juifs à se renforcer dans l'accomplissement des commandements.
Il arriva une fois, en soirée, dans une ville éloignée au fin fond du Maroc. Tous les habitants se regroupèrent aussitôt dans la synagogue afin de l'accueillir et d’entendre les saintes paroles de ce grand sage. A la fin de son homélie, tous s'apprêtèrent à l'accompagner vers la maison de son hôte. Cependant, avant d'aller se reposer, "Baba Salé" demanda tout d'abord à visiter le Mikvé de la ville.
Les habitants furent très embarrassés car, comme les responsables de la communauté le lui expliquèrent, cela faisait déjà plusieurs années que le Mikvé n'était pas utilisé. L'endroit avait été tellement délaissé, les murs menaçaient de s'effondrer et les débris de plâtre du plafond tombaient dans les eaux du Mikvé. "Baba Salé" leur demanda ce qu'ils faisaient lorsque les femmes de la communauté devaient aller au Mikvé. On lui expliqua qu'elles avaient l'habitude de se rendre dans la ville d'à côté.
Il rétorqua qu'une telle situation n'était pas en accord avec la loi, puisque la construction d'un Mikvé a préséance sur celle d'une synagogue.
Il exigea aussitôt de le visiter, afin de faire le nécessaire pour le rendre apte à l'immersion. Les habitants de la ville se demandèrent réellement comment, à une heure aussi tardive de la nuit, ils réussiraient cette entreprise.
Le Mikvé avait été déserté depuis tant d'années. Toutefois, face à l'insistance du Rav, tous les habitants n’eurent d’autre choix que de le suivre, en direction du bâtiment délabré de l'ancien Mikvé.
Lorsque le Rav désira y pénétrer, les habitants essayèrent à nouveau de l'en dissuader, de peur qu'il ne se blesse ou qu'il soit incommodé par l'odeur et les animaux qui s'y trouveraient. Il ne changea cependant pas d'avis et affirma qu'il ne quitterait pas l'endroit, avant de l’avoir remis en état.
On lui donna donc les clés et il rentra dans le bâtiment du Mikvé. Il retira aussitôt ses chaussures, retroussa les pans de sa tunique, prit un seau et pénétra dans les eaux du Mikvé. Il encouragea tous les habitants de la communauté à se joindre à lui et à l'aider à vider entièrement le Mikvé.
Une fois qu'ils eurent terminé ce travail, le Rav remit ses chaussures et sortit du bâtiment. Les habitants lui demandèrent comment, en l'absence d'eaux de pluie, ils allaient pouvoir le remplir, mais le Rav, sans attendre, éleva tout simplement ses yeux vers les cieux et s'exclama : « Maître du monde, nous avons fait ce qui était en notre pouvoir, fais, je T'en prie, maintenant ce qui est en Ton pouvoir. »
D'épais nuages obscurcirent aussitôt les cieux et une forte pluie commença à tomber. Tandis que les habitants cherchaient refuge, le Rav resta sur place, afin de s'assurer que les eaux de pluie remplissaient bien le Mikvé. Lorsque la pluie cessa, les habitants se réunirent autour du Mikvé et commencèrent à chanter, profondément émus par le miracle auquel ils venaient d'assister.