Où allons-nous ? Comment réagir ? J’ai reçu récemment des lettres qui se concentrent sur des problèmes d’adolescents qui, en dépit du fait qu’ils sont des élèves de Yéchiva et issus de bons foyers de Torah, sont néanmoins défaillants. L’une de mes correspondantes a décrit la triste scène d’adolescents de Yéchiva qui boivent, font la fête et se conduisent de manière antithétique à un mode de vie conforme à la Torah. Elle écrit que ces activités ont lieu sans que les parents en soient informés. Elle finit ainsi : « Où allons-nous ? Que peut-on faire ? »
Ma chère amie,
Permettez-moi tout d’abord d’exprimer ma Hakarat Hatov, ma reconnaissance pour votre préoccupation, votre Ahavat Israël et le courage qui vous a poussé à écrire et exposer cette douloureuse situation à l’attention des parents et éducateurs. Vous avez raison ! Nous devons agir. Nous devons cesser ce fléau avant que davantage de jeunes en soient affectés.
Il n’y a certes pas de solution facile, mais je pense qu’il est critique de tenter de comprendre l’origine de cette crise des valeurs, car à défaut de prendre le problème à sa racine, il ne cessera de revenir.
On relate que le Rav Schmelke de Nikolsburg a un jour rencontré un Juif qui réussi à communiquer avec le prophète Eliyahou. Bien entendu, Reb Schmelke s’enflamma. « S’il en est ainsi, dit-il à l’homme, demande à Eliyahou pourquoi le Messie n’est pas encore venu ? »
« Bien entendu, répondit l’homme. Et y a-t-il de meilleur moment que lors de sa venue le soir du Séder ? »
Après Pessa’h, Reb Schmelke rencontra ce Juif à nouveau et lui demanda s’il avait parlé à Eliyahou.
« Bien entendu ! » répondit le Juif.
« Eh bien, qu’a-t-il dit ? »
« Il a répondu que la réponse se trouve dans la Hagada - dans le Ma Nichatana, où il est écrit : pourquoi cette soirée est-elle différente des autres soirées ? Tous les autres soirs, nous mangeons soit assis, soit inclinés, mais ce soir-là, nous mangeons tous inclinés, à savoir que (au courant d’autres soirées durant nos autres exils), certains étaient vifs et nous ont éveillé à notre mission, ils ont senti notre douleur, la souffrance du Am Israël ; ils ont bougé ciel et terre pour faire venir notre Délivrance. Mais dans notre présent exil, nous sommes tous inclinés…nous sommes devenus bien trop complaisants et satisfaits de nous. »
Je pense que cette histoire a beaucoup à dire sur notre génération et les difficultés que nous rencontrons avec nos adolescents. Oui, ils vont à la Yéchiva ; oui, ils étudient la Torah, oui, ils viennent de foyers pratiquants ; oui, ils respectent les Mitsvot, mais ils sont complaisants et font preuve d’arrogance. Il n’y a pas de vision, pas d’enthousiasme, pas de passion, pas de flamme qui vibre dans leur cœur. La jeunesse doit être chargée d’une mission et d’une détermination. La Torah ne doit pas ressembler à une matière à étudier - Ki Hem ‘Hayénou, elle doit devenir notre vie même, le but de notre existence. Mais tout ceci manque chez ces adolescents. Ils ne ressentent pas la fierté, la gloire, la majesté d’appartenir à la Mamlékhet Cohanim, le royaume de prêtres, un peuple saint. Ils ne sont ni motivés, ni inspirés à se sacrifier. En conséquence, dans le but d’insuffler un enthousiasme dans leur vie vide de sens, ils cherchent à s’amuser au travers du matérialisme vide de notre société. Ces jeunes gens réussissent peut-être dans leurs études, mais cela ne les empêche pas de s’embarquer dans un cours suicidaire. Plus que des connaissances intellectuelles, ils ont besoin de sagesse du cœur. Le savoir en soi n’est pas une solution aux problèmes de la vie. Par exemple, les gens savent que fumer est dangereux pour leur santé, mais ils continuent à fumer. Et cette dichotomie est valable dans tous les domaines. Qui n’a pas rencontré des individus brillants, mais à la fois, brouillons ? Ils comprennent intellectuellement que ce qu’ils font est catastrophique, mais sur le plan émotionnel, ils sont incapables de gérer. Notre Torah nous met en garde sur ce danger. Il est en effet écrit : « Reconnais à présent, et imprime-le dans ton cœur,» à savoir qu’il n’est pas suffisant de savoir, mais nous devons également intégrer ce savoir dans notre cœur. C’est dans ce domaine que nos jeunes gens font tristement défaut. L’étincelle, la passion n’y est pas - la Torah n’illumine pas leur visage ou leurs yeux. Ils ont peut-être accumulé des connaissances, mais hélas, ces connaissances n’ont pas pénétré dans leur cœur.
Nous avons besoin de « cours de motivation » pour ces adolescents - on doit leur enseigner à ressentir et à pleurer pour la douleur de leur peuple. On doit leur enseigner à comprendre qu’ils sont les héritiers de six millions de martyrs, qu’ils sont un maillon dans la chaîne éternelle de l’histoire juive et qu’ils ont une responsabilité dans la pérennité de ce peuple. Ils doivent ressentir dans leur cœur qu’ils ont une mission à réaliser et qu’ils doivent apporter leur propre pierre à l’édifice de rédemption de notre peuple, la reconstruction du Beth Hamikdach.
Ces adolescents sont les « pauvres » enfants riches d’Amérique qui ont grandi avec tout et manquent de tout. Ils sont issus de bonnes familles, et idéalement, ils ne devraient manquer de rien. Mais en dépit de toute leur éducation, leur cœur demeure au loin. Il faut inspirer la jeunesse, leur insuffler de l’idéalisme et leur inculquer des valeurs et des rêves. Ironiquement, nous avons disposons de ces présents magnifiques dans notre trésor, mais nous ne le leur avons pas transmis.
A l’époque du Beth Hamikdach, le soir de Yom Kippour, le Cohen Gadol organisait une veillée de prière toute la nuit pour le peuple. Pour éviter qu’il ne s’endorme, les Pir’hé Kéhouna, les jeunes Cohanim claquaient des doigts pour le maintenir éveillé. Si on leur confie une mission, notre jeunesse peut éveiller notre génération, nous stimuler et devenir les visionnaires qui nous inspirent. Mais hélas, ces ados n’ont pas de rêve, ils sont tous endormis.
L’éducation, si on veut qu’elle soit efficace, doit être transmissible : du cœur de l’enseignant au cœur de l’élève, du cœur du père et de la mère au cœur de l’enfant : les propos qui émanent du cœur doivent pénétrer dans le cœur. Un ‘Hakham, une personne sage, n’est jamais présentée simplement comme sage. Soit c’est un Talmid ‘Hakham, un érudit ou c’est un ‘Hakham Lev, un homme qui possède la sagesse du cœur. Nos Sages nous enseignent que D.ieu n’accorde pas la sagesse aux hommes, à l’exception de ceux qui possèdent déjà la sagesse - à savoir que leur cœur doit aspirer à la connaissance de D.ieu, mais hélas, cette aspiration est absente chez ces jeunes gens.
Ceci dit, j’aimerais vous donner quelques conseils pratiques.
Les parents doivent réaliser que ces adolescents ne sont pas des adultes. Ce sont des enfants qu’il faut guider. Les parents doivent savoir où se trouvent leurs filles et leurs garçons à tout moment. Avant de leur donner la permission de partir pour Chabbath, ils doivent vérifier s’ils seront sous la supervision d’un adulte. Les meilleurs jeunes gens peuvent dévier du droit chemin lorsqu’ils sont confrontés à la pression de leurs camarades. Ils doivent voir que leurs parents et éducateurs sont des exemples vivants des enseignements qu’ils communiquent. Il y a tant de souffrance dans le monde qui nous affectent sur le plan personnel et national. Il suffit d’écouter les nouvelles en provenance d’Erets Israël. Les jeunes gens doivent voir les adultes s’identifier à cette douleur et apprendre à verser des larmes, non pas pour leurs préoccupations mineures ou leurs petites demandes personnelles, mais pour la douleur de notre peuple. Nous ne pouvons rester complaisants. Il est temps de nous réveiller !