J’ai été invitée à parler à nos frères juifs en Australie. Avant mon arrivée à Sidney, j’ai reçu un appel d’une résidente locale me demandant si je pouvais trouver quelques minutes pendant mon séjour pour rendre visite à son père âgé et malade. Elle m’expliqua que jeune homme, son père avait été incarcéré dans un camp de travail forcé à Szeged, ma ville natale en Hongrie où mon père, le Rav Avraham Halévi Jungreis occupait la fonction de grand-rabbin orthodoxe. Avant notre déportation dans les camps de concentration, les Hongrois avaient réuni tous les jeunes hommes juifs dans un camp de travail forcé et notre ville, Szeged, était l’un des principaux lieux de rassemblement avant qu’ils ne soient expédiés ailleurs.
A titre de Rav de la ville, mon père obtint la permission de rendre chaque jour visite à ces jeunes gens pour leur apporter des messages de la maison et leur communiquer des propos de Torah empreints d’espoir. Mon père introduisait clandestinement des médicaments et des lettres de la famille, mais comme il était fouillé, ce n’était pas une tâche aisée. Ma mère eut une idée audacieuse : elle nous envoya, mon frère et moi et glissa secrètement ces objets dans les doublures de nos manteaux. Ainsi, dès le plus jeune âge, nous fûmes initiés au message d’Ahavat Israël, d’amour pour chaque Juif. Nous vîmes de nos propres yeux la Méssirout Néfech, le dévouement total de nos parents pour chaque Juif, et cette expérience laissa une impression indélébile en nous. Mon père non seulement rendit visite à ces jeunes hommes, mais il réussit également à obtenir de courtes permissions pour eux afin qu’ils viennent chez nous. Ma mère cuisinait pour eux, tandis que mon père étudiait la Torah avec eux, les enveloppait de son amour et les bénissait.
De temps en temps, dans le cadre de mes voyages de par le monde, je rencontre un Juif âgé qui fut l’un de ces garçons soutenus avec tant de bienveillance par mes parents à cette sombre époque. Je découvris alors que Sidney, en Australie, ne faisait pas exception à la règle. Mon interlocutrice poursuivit en décrivant que son père se souvenait de ses visites régulières chez nous où il pouvait mettre ses Téfilines. Il se souvenait que j’ouvrais la porte pour lui et courais avec enthousiasme vers mon père en m’exclamant : « Le soldat est venu pour mettre les Téfilines ! » Des souvenirs affluèrent. C’était il y a si longtemps, mais c’aurait pu être aujourd’hui. Ces années douloureuses étaient restées profondément gravées dans mon cœur. « Avec l’aide de D.ieu », lui répondis-je, « bien sûr je viendrai lui rendre visite. C’est un privilège pour moi. »
Le premier jour de ma visite à Sydney, je rendis visite à Mordékhaï Weiss. Il me relata une histoire après l’autre sur le fantastique ‘Hessed, la bonté de mes parents. Mes yeux étaient remplis de larmes. Entendre des histoires sur ma mère et mon père, qui se trouvent maintenant au Gan Eden revenait à recevoir des salutations personnelles et des Brakhot de leur part.
Je vous livre ce récit afin que vous soyez toujours attentifs à l’importance de relater une histoire sur un grand-père ou une grand-mère, un père ou une mère. Si vous avez connu les parents ou grands-parents de quelqu’un, si vous avez été les bénéficiaires de leur bonté et de leur Torah, ne le gardez pas pour vous. Cherchez leurs enfants et racontez-leur ces histoires. Cela leur donnera une nouvelle ‘Hiyout, une nouvelle vie.
Les histoires de mes parents et grands-parents font légion. Elles me donnent de l’énergie et m’inspirent à continuer à parler, à enseigner et à tendre la main. Mais ce n’est pas seulement le passé qui me stimule. Les Juifs extraordinaires que je rencontre dans chaque communauté me donnent la motivation de poursuivre. J’ai visité Sidney à l’invitation du centre d’étude juive, fondé et dirigé par Rav David Blackman, un jeune et dynamique enseignant en Torah. A Melbourne, ce programme est dirigé par un groupe d’hommes et supervisé par Merv Adler. Ce sont des hommes d’affaires qui se donnent d’eux-mêmes bénévolement pour organiser des programmes de Torah pour la communauté juive.
Je m’étais rendue à Sidney 27 ans plus tôt, lorsque Rav Michaël Alony m’avait invitée pour prendre la parole et l’aider à fonder l’organisme Hinéni en Australie. J’étais vraiment transportée de joie d’apprendre que ces 27 dernières années, Hinéni s’était développé non seulement à Sidney, mais aussi à Melbourne. Ce fut du pur Na’hat, de la vraie satisfaction de rencontrer des jeunes gens qui se présentaient comme des membres australiens de Hinéni. J’en rencontrai un certain nombre au repas du vendredi soir célébré à la synagogue centrale, où Rav Lévi Wolff est le dirigeant spirituel bien-aimé. A Melbourne, une femme me confia que son fils, l’un des leaders de Hinéni (qui se trouvait alors à l’étranger) lui avait demandé d’exprimer sa reconnaissance pour le travail effectué par Hinéni. Grâce à cet organisme, lui-même et ses amis respectaient les Mitsvot et grâce à D.ieu, il était sur le point de se marier et de fonder un authentique foyer de Torah.
Hinéni à Melbourne est situé dans la belle synagogue du Rav Heilbrun qui nous a accueillis à bras ouverts. C’est un sentiment de contentement extraordinaire de voir tous ces fruits de notre labeur.
Au cours de ma semaine en Australie, j’ai eu le privilège de m’adresser à des publics de plus en plus nombreux, jeunes et vieux. Mais plus que la taille du public, c’est l’engagement sincère pour la Torah et la Yiddishkeit, le judaïsme authentique, le désir sincère d’étudier et d’appliquer qui ont été le plus fantastiques. Nous vivons une époque extraordinaire. Notre peuple retrouve le chemin de retour.