Au fil des ans, Hachem m’a accordé le privilège de prendre la parole devant diverses communautés juives de par le monde. Il y a néanmoins quelques lieux où je ne m’étais pas rendue, dont le Panama. En effet, je ne parle pas espagnol et la grande communauté juive hispanophone de l’Amérique centrale et du Sud était restée un territoire inexploré pour moi. Mais l’année dernière, mes ouvrages ont été traduits en espagnol, et soudain, à travers ces livres, des ponts ont été construits et je me suis retrouvée en route pour le Panama, une belle communauté juive dirigée depuis de longues années par le grand-rabbin Lévy et son épouse dévouée.
Je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre. La barrière de la langue ne m’inquiétait pas, car j’avais jusque-là accumulé suffisamment d’expérience en prenant la parole dans des pays comme la Russie, l’Allemagne, la Hollande, la Belgique, la Tchécoslovaquie, où existait le même problème, mais où, grâce à D.ieu, cela n’avait jamais présenté de difficultés. Tout d’abord, j’ai remarqué qu’un grand nombre de Juifs parlent anglais et les traductions simultanées sont toujours possibles pour ceux qui le souhaitent. Mais surtout, lorsqu’on s’adresse au peuple juif, il y a un langage qui transcende toutes les frontières : c’est le langage du cœur. Comme il est dit : « Les propos qui émanent du cœur entrent dans le cœur d’autrui. » Je m’exprime avec le cœur et les cœurs du peuple juif sont réceptifs, ce qui était particulièrement vrai au Panama.
En réalité, j’aurais pu me heurter à d’autres barrières, car l’obstacle de la langue aurait pu ne pas être le seul. Comme je suis ashkénaze d’origine hongroise, que je me suis installée en Amérique en passant par le camp de concentration de Bergen Belsen, et que la majorité des membres de la communauté du Panama sont séfarades - des Juifs originaires de Syrie, du Liban d’Irak, d’Egypte et du Maroc, des mondes séparent nos cultures, mais lorsqu’il y a la Torah et la crainte du Ciel, les différences s’effacent…les différences d’ordre géographique, linguistique et culturelle se dissolvent. La Torah nous unit et être témoin de cette relation magique est réellement miraculeux.
Mon premier aperçu de la communauté juive du Panama a été mon accueil à l’aéroport par un comité de femmes adorables. L’hospitalité qu’elles m’ont offerte était réellement dans l’esprit de notre ancêtre Avraham, et instantanément, nous devînmes une famille.
Ma première conférence du matin était destinée aux femmes. En quittant notre hôtel, nous rencontrâmes une pluie torrentielle qui inonda les rues et créa un embouteillage monstre. Notre hôte, venue nous chercher, nous expliqua que l’enthousiasme était à son comble dans la communauté, tout le monde attendait avec impatience le programme, mais au vu des conditions météorologiques, elle ne savait pas vraiment combien de personnes viendraient. Mais l’auditorium était bondé, il n’y avait plus une seule place de libre et les femmes étaient même debout le long des murs. Des femmes de tout âge et tous backgrounds, malgré le mauvais temps, s’étaient rassemblées pour étudier. J’étais persuadée qu’au bout d’une bonne heure, mon public aurait atteint ses limites, mais elles en voulaient encore et encore. Elles posèrent une question après l’autre sur la manière d’appliquer la sagesse de la Torah dans leur vie de tous les jours et sur la manière d’inspirer leur famille avec la Parole de Hachem. Ce schéma se poursuivit pendant la durée de mon séjour au Panama. A chaque programme, que ce soit en journée ou en soirée, des hommes et femmes de toutes les origines et de tout âge venaient, désireux d’apprendre les enseignements de notre Torah.
Je découvris rapidement que ce n’était pas leur seul désir d’étudier la Torah qui conférait à cette communauté juive du Panama son caractère si unique - c’était également leur incroyable A’hdout : leur unité, leur sens de la responsabilité mutuelle, leur amour exhaustif manifesté par leurs actes de ‘Hessed.
Ma visite coïncidait avec une Brit Mila. Les circoncisions sépharades sont toujours plus élaborées et cérémonieuses que celles de la communauté ashkénaze. Si vous avez déjà eu le privilège de participer à l’une d’entre elles, vous comprendrez ce que je veux dire. Mais cette Brit l’était encore plus, car le père de l’enfant était un membre très éminent de la communauté et rien ne fut épargné pour faire de cette occasion une célébration royale.
Ce que je vis lors de cette Brit nous donne un aperçu de l’immense ‘Hessed qui caractérise cette communauté. Le même matin, il y avait une autre Brit Mila. Un jeune couple récemment installé au Panama fêtait également cette occasion, mais n’avait pas les moyens d’organiser une fête luxueuse. Mais peu importe, ils furent inclus dans la première Brit Mila : le jeune couple et leurs invités participèrent également à la Sim’ha grandiose.
Le même jour, j’eus également l’occasion de faire une visite de condoléances, et une fois de plus, je vis quelque chose de remarquable. La communauté dans son ensemble était présente en force pour exprimer ses condoléances, et je devais me battre pour me frayer un passage parmi la foule de gens afin de parler aux endeuillés. « Est-ce exceptionnel ? » demandai-je. « Non », me répondit-on. Il est vrai que cette dame qui venait de décéder était une exceptionnelle femme vertueuse, et tout le monde voulait rendre honneur à sa mémoire, mais à chaque deuil dans la communauté, tout le monde se mobilise pour exprimer sa sympathie. »
« Et que faites-vous lorsqu’il y a un mariage ? » demandai-je.
« Tout le monde est invité…personne n’est oublié », me répondit-on. « Nous veillons à ne blesser les sentiments de personne. »
Et voici, d’après moi, le pouvoir secret de la bénédiction dont jouit la communauté juive du Panama.
Les deux jours de mon séjour au Panama passèrent comme un tourbillon. A la fin de chaque programme, je parlai aux participants un à un, prodiguant des conseils. Il était exaltant de voir des hommes et femmes, jeunes et âgés, prendre l’engagement de respecter la Torah et les Mitsvot. Le feu qui brûle dans l’âme juive est extraordinaire. Ces Juifs du Panama m’ont beaucoup apporté. Leurs innombrables lettres, leurs expressions d’affection, leur détermination à vivre une vie de Torah m’ont donné des forces pour poursuivre.
Y a-t-il un pouvoir magique ? Absolument pas ! C’est naturel pour notre peuple juif, c’est dans nos gènes, notre ADN spirituel. Comme il est écrit : « Torah Makhzéret Léakhssania Chélo… » La Torah retourne toujours à son habitat naturel, qui est l’âme juive. La voix de D.ieu que nous avons tous entendue au Sinaï est éternellement gravée dans nos âmes. Au final, que nous soyons ashkénazes ou séfarades ne fait aucune différence, car par la Torah, nous somme un : tout comme au Sinaï, nous étions « comme un seul homme, avec un seul cœur. »
Il était triste de dire au revoir à ma nouvelle famille, mais une fois de plus, je ne dis pas au revoir, car je les emmène avec moi dans mon cœur. Ils rejoignent cette magnifique mosaïque du peuple juif à travers le monde avec laquelle Hachem m’a accordé le privilège de tisser un lien par la Torah.
Toi, le Tout-Puissant, Tu nous as dispersés aux quatre coins de la terre…Nous sommes passés par le feu et les flammes pour Ton Saint Nom ; nous avons lutté contre les tentations de l’assimilation, et nous ne T’avons jamais oublié tout le long. De grâce, ne nous oublie pas, et envoie-nous notre Délivrance, rapidement et de nos jours, envoie-nous le Machia’h !