J’ai eu le privilège de prendre la parole dans le cadre du programme de Pessa’h Prime à Aspen (Colorado), et, sur place, j’ai eu l’occasion de rencontrer un beau contingent de communautés juives issues du Panama et du Mexique.
Lors de mes nombreux voyages et prises de parole publiques, j’ai découvert que chaque communauté a sa propre « saveur », ses propres qualités qui lui appartiennent exclusivement. Nos frères que j’ai rencontrés du Panama et du Mexique ont tous un immense Kavod Hatorah, ils vouent un immense respect à la Torah.
Des familles m’abordaient avec leurs jeunes enfants pour obtenir des bénédictions, et je me sentais très privilégiée de leur en donner.
Une après-midi, assise dans la cour de l’hôtel, une adorable petite fille aux cheveux bouclés, aux yeux brillants, et au large sourire s’approcha de moi. Elle avait sans doute 3 ou 4 ans. Je la reconnus immédiatement, c’était une enfant issue d’une bonne famille du Panama.
Elle me dit quelque chose en espagnol que je ne compris pas. Elle me montra sa tête. Je n’étais toujours pas sûre de ce qu’elle voulait. Puis elle prit ma main, la posa sur sa tête et dit : « Amen ! », je compris enfin. Elle voulait une Brakha ! Dès que je lui eus donné une bénédiction, et l’eus serrée dans mes bras et embrassée, d’autres enfants s’approchèrent également de moi.
Ok, j’ai l’habitude que des enfants s’approchent de moi pour me demander un bonbon ou un jouet, mais des Brakhot ? C’était une expérience inhabituelle. J’aurais souhaité prendre une photo pour la montrer à mes lecteurs, mais tout se déroula très vite.
Je levai les yeux au Ciel et m’adressai à D.ieu : « Regarde Tes enfants, ils ne demandent pas d’objets matériels, comme la plupart des enfants, mais une Brakha ! »
J’ai de nombreux souvenirs qui m’accompagnent de ce séjour de Pessa’h à Aspen, mais la scène de cette petite fille réclamant une bénédiction sera pour toujours gravée dans mon cœur. Elle incarne tout ce que le peuple juif devrait représenter.
Dans notre société matérialiste, les Brakhot ont peu ou pas de sens pour nos enfants. De nombreux parents souhaitant faire bénir leurs enfants trouvent cette expérience très frustrante. Trop souvent, leur tentative se solde par des gémissements et des pleurs.
Quel est le secret de nos cousins du Panama ? Avons-nous manqué quelque chose ? Se peut-il qu’ils élèvent leurs enfants différemment ? Enseignent-ils à leurs jeunes enfants l’importance de donner plutôt que de prendre ? Leur enseignent-ils la déférence due à leurs rabbins et enseignants en Torah, à leurs mères et pères, grands-pères et grands-mères ?
J’ai employé le terme « déférence » plutôt que respect, car la déférence va plus loin. Nos enfants ont reçu le droit d’être exigeants et, parfois, même odieux. Nous avons créé une société centrée sur l’enfant, et si nos jeunes enfants deviennent des adultes hautains et arrogants, regardant leurs aînés avec dédain et condescendance, nous ne devons accuser personne d’autre que nous-mêmes.
Le Rav, Gaon et Tsaddik Rav Yaakov Kaminetsky zatsal était un jour dans l’avion pour Erets Israël. Toutes les quelques minutes, son fils venait voir comment se portait son père. Il se penchait sur lui avec bienveillance, désireux de rendre son voyage aussi agréable que possible.
Un homme assis dans un siège adjacent interrogea le fils du Rav Yaakov : « Quel est votre secret ? Mes enfants ne prendraient jamais soin de moi comme vous le faites de votre père. »
« Il n’y a pas de secret, répondit simplement le fils du Rav Kaminetsky. C’est dans notre Torah, notre système de valeurs - c’est notre héritage. »
La réponse offerte par le fils du Rav Yaakov devrait tous nous faire réfléchir.
Dans notre monde contemporain, tout appartient à l’avenir. La nouvelle génération est toujours plus intelligente et meilleure, et tout le monde doit posséder le iPad le plus récent, le dernier modèle de Smartphone, l’ordinateur le plus performant.
Mais nous, les Juifs, adoptons l’approche opposée. Nous considérons nos ancêtres comme plus saints et plus élevés que nous. Nous retraçons notre chemin au Sinaï, et avant, aux Patriarches et Matriarches.
Nous commençons nos prières en invoquant le D.ieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, et aspirons à voir le jour où nous verrons les pères de notre peuple. Nous prions pour le Machia’h, qui sera issu de la maison de David et dont l’avènement sera annoncé par le prophète Elie - ni par la star du moment, ni même par un Président ou un Premier ministre.
Si nous élevons nos enfants avec déférence pour le passé plutôt qu’adulation pour le présent et l’avenir, si nous les éduquons à donner plutôt qu’à recevoir, à honorer plutôt qu’à être honoré, si nous les habituons à placer les autres en premier - en particulier les parents et grands-parents, rabbins, enseignants, et anciens de la communauté - nous pourrons alors espérer un présent et avenir meilleurs.
Certains se demandent certainement si le fait de demander une Brakha est un acte égoïste. Ne demandons-nous pas : « Donne-moi » ?
Oui et non. Oui, nous sommes demandeurs, mais que demandons-nous ? Une Brakha. Le terme en soi indique une dimension supérieure aux présents de la vie, et ces présents sont octroyés par D.ieu Lui-même. Le don des Brakhot exige de nous montrer dignes de la bonté de D.ieu, reconnaître qu’il n’y a ni droits, ni cadeaux.
Tandis que j’écris ces lignes, je suis occupée à rédiger mon nouveau livre, Your life mission - Be a Blessing. Notre patriarche Abraham a été le premier chargé de cette mission : Véhéyé Brakha - et sois une bénédiction. Ce n’est pas « sois béni », mais « sois une bénédiction. »
Il s’ensuit que lorsque nous demandons une bénédiction, nous demandons le privilège d’être une bénédiction - pour nos familles, notre peuple, le monde, et nous-mêmes. Peut-il y avoir de mission plus formidable que celle-là ?
D.ieu nous a accordé le privilège d’être une bénédiction. Si nous réussissons, nous aurons rempli le but de notre existence, sachant que nous avons fait une différence et que le monde, au moins dans une certaine mesure, est devenu meilleur grâce à notre contribution.
« Donnez-moi une bénédiction » est notre appel au clairon. Donnez-moi une Brakha pour que je devienne une bénédiction - une bénédiction pour connaitre et diffuser la Torah, une bénédiction pour donner plutôt que de recevoir, une bénédiction pour apporter la guérison plutôt que d’acquérir la célébrité - la bénédiction d’être un Juif et d’illuminer le monde par la lumière sacrée de D.ieu.
La petite fille du Panama savait quelque chose qu’un grand nombre de nos enfants doivent encore apprendre. Délicatement et respectueusement, sans même connaître ma langue, elle a demandé une Brakha.
Elle n’a pas été la seule. Je pourrais vous raconter beaucoup d’histoires sur ces merveilleux enfants. Un groupe de petits garçons, des cousins de 4 à 12 ans, s’approchèrent de moi. Ils firent la queue et me demandèrent chacun une Brakha. Le plus âgé d’entre eux les appela un par un et s’assura que leurs Kipot étaient bien disposées sur leur tête. Ils savaient que je demandais toujours les noms juifs des enfants. En s’approchant, chacun me déclina son nom.
Ces garçons jouaient au ballon lorsqu’ils m’aperçurent dans la cour. Ils cessèrent leur jeu et s’approchèrent de moi pour obtenir des Brakhot !
Et puis, la nourrice non-juive qui les surveillait s’approcha également. Ne sachant pas l’anglais, elle montra sa tête et s’inclina profondément. Bien sûr, je la bénis. Elle pleura abondamment, et la gratitude était perceptible dans ses yeux humides.
J’invite tous mes lecteurs à intégrer ces histoires et à se poser cette question : « Mes enfants demanderont-ils une Brakha ? »