J’ai récemment reçu la lettre d’un professionnel du high-tech qui a fait son Aliya en Israël il y a quelques années. Elevé dans un foyer laïc, il a épousé une jeune fille au parcours similaire et ils ont élevé leurs enfants (adolescents à ce stade) dans ce même esprit. Ces derniers temps, il a perçu des mouvements dans son âme, un désir profond de se tourner vers D.ieu et de vivre une vie de Torah et de Mitsvot. Son épouse et ses enfants ne sont néanmoins pas d’accord et c’est devenu une source de dissension dans la famille. Il écrit que mis à part les considérations religieuses, il est très préoccupé par le mode de vie matériel, vulgaire, style MTV, dans lequel vivent ses enfants. Il déplore également la polarisation entre Juifs religieux et non-religieux dans la société israélienne, et le stigma social qui en résulte pour lui, en tant que Juif pratiquant. Tout ceci le plaçait dans une situation intenable, sur le plan personnel, professionnel et social. Comment réagir ?
Mon cher ami,
Votre lettre est une réflexion sur la période incroyable que nous vivons. C’est véritablement la période des Ikvé DéMachia’h - la période précédant la venue du Messie décrite par les prophètes où les Juifs retrouvent leur chemin vers la Torah et Hachem. Ce chemin de retour est néanmoins parfois parsemé d’embûches et résister à la société, aux amis et même à la famille n’est pas une tâche aisée. C’est une chose lorsque D.ieu nous rassemble des quatre coins de la terre et nous fait revenir sur notre terre ancestrale, mais c’est autre chose pour nous de retourner à nos racines, à notre héritage.
Hachem, dans Son infinie bonté, a envoyé un catalyseur à chaque tribu et chaque famille pour éveiller les âmes, les cœurs et les esprits dormants. Apparemment, dans votre famille, vous avez été désigné pour cette tâche imposante. Mais comment mener une bataille spirituelle et triompher sans faire de victimes au passage ? C’est votre dilemme et celui d’innombrables Ba’alé Téchouva qui ont fait ce chemin.
Tout d’abord, vous devez vous tenir sur vos gardes pour être sensible aux tendances naturelles des êtres humains. S’ils sont fiers d’une chose, c’est de leur libre-arbitre, de leur individualité, de leur identité. S’ils ont le sentiment que quelqu’un tente de les menacer ou de manipuler ce qu’ils considèrent comme leur « indépendance », ils risquent non seulement d’en concevoir du ressentiment, mais ils se battront bec et ongles pour protéger leur « esprit libre. » C’est valable pour la majorité des gens, non désireux de se voir imposer une conduite ; ils ne veulent pas qu’on leur dise de faire telle ou telle chose : ils souhaitent découvrir leur propre vérité et prendre leurs propres décisions, voire même commettre leurs propres erreurs sans subir aucune pression. C’est là le dilemme de tout Ba’al Téchouva qui tente d’influencer sa famille et ses amis laïcs et à se rapprocher de Hachem.
De plus, en tant que conjointe, votre épouse peut faire valoir l’argument suivant : « Nous sommes tombés amoureux et nous sommes mariés avec un système de valeurs commun, et soudain, je ne suis plus assez bien ? Mon mari me rejette-t-il ? Dit-il que si je ne me plie pas aux critères qu’il fixe, il ne peut plus m’aimer ? Je veux qu’il m’aime pour moi-même et pour rien d’autre. »
Vos enfants peuvent également arguer que l’amour parental doit être inconditionnel. J’ai souvent rencontré des jeunes gens, qui, uniquement pour tester leurs parents pratiquants, se sont intentionnellement habillés et conduits de la manière la plus excentrique et provocatrice possible. Comment pouvez-vous devenir le catalyseur qui instille une vie nouvelle dans sa famille ?
Commencez par rassurer votre femme et vos enfants de votre amour sans réserve et de votre engagement total envers eux. Faites le maximum pour accentuer les points positifs, ces domaines où vous êtes sur la même longueur d’ondes et qui ne menacent pas votre pratique de la Torah. Quant aux Mitsvot, notre beau mode de vie conforme à la Torah doit être perçu, plutôt qu’enseigné ; inspiré, plutôt qu’imposé. C’est à travers votre exemple personnel que votre épouse et vos enfants en viendront à apprécier et à respecter la beauté et la sainteté inhérente à notre mode de vie conforme à la Torah.
C’est bien entendu une tâche imposante et vous devrez réunir toutes vos forces affectives, spirituelles et intellectuelles pour la réaliser. Vos nerfs, votre énergie, votre sagesse seront mis à l’épreuve. Vous vivrez des moments douloureux et difficiles, et même certains jours, vous vous demanderez : comment puis-je continuer ? Mais si vous avez à l’esprit que votre lutte concerne la vie juive de votre famille, leur survie, que vous êtes le catalyseur envoyé pour sauver leur vie juive, vous trouverez l’énergie et la patience de persévérer. Vous aurez toutefois besoin de renforcement de l’extérieur, car aucune bataille ne peut être menée seul, et à cet effet, tournons-nous vers nos Sages. Rabbi Yéhochoua a prescrit une formule en trois points qui garantit le succès. 1. Trouvez-vous un Rav/enseignant. 2. Acquérez un ami et 3. Jugez chacun favorablement. Il est impératif pour vous de trouver un Rav avec lequel vous pouvez étudier, un Rav qui sera non seulement votre mentor, mais aussi, dans un sens, une figure paternelle vers laquelle vous pouvez vous tourner et qui peut vous fournir des conseils et des éclaircissements. Si vous avez des difficultés à trouver un Rav où vous résidez, vous pouvez contacter Hinéni à Jérusalem, qui vous dirigera vers un Rav.
Seconde étape : acquérir un ami avec lequel vous pouvez partager des enseignements de Torah est tout aussi important. Dans notre système d’étude de la Torah, nous n’étudions pas seuls, mais avec une ‘Havrouta, un compagnon d’étude avec lequel vous pouvez réviser vos leçons, quelqu’un qui peut nous corriger lorsque nous errons…quelqu’un en qui nous avons confiance. Relevons avec intérêt que le terme hébraïque pour « acquérir » est « Kné », qui, traduit littéralement, signifie : acheter. Même s’il vous faut payer cette personne pour étudier avec vous, il est important de le faire. C’est le meilleur investissement que vous pouvez faire. Enfin, jugez chacun favorablement. Méfiez-vous d’une attitude condescendante ou critique. Très souvent, les Baalé Téchouva, sans le vouloir, sont perçus comme arrogants. Pour être sûrs de ne pas tomber dans ce piège, demandez-vous continuellement : comment ma famille interprète-t-elle mes paroles, mes actions ? Quels messages suis-je en train de leur communiquer ? Jugez chacun favorablement a un double sens. Le terme hébraïque de « Kol » ne signifie pas uniquement « chacun », mais aussi « tout. » Il nous est recommandé de regarder la personne dans sa totalité, pour pouvoir nous concentrer sur les bons points, plutôt que sur les défauts.
Enfin, soyez forts et courageux. Si vous parvenez à garder votre dilemme dans une perspective historique, ce sera plus facile à gérer. Réconfortez-vous par le fait que nous vivons cette époque où nous entendons les pas du Machia’h, et que vous êtes un messager désigné pour votre famille. Tout comme vous entendez ces pas, avec l’aide de D.ieu, un jour votre femme et vos enfants les entendront également. Après tout, ils possèdent également ce même ADN juif, ils ont été aussi au Sinaï, ils ont également entendu la voix de D.ieu, donc on peut raisonnablement penser qu’ils entendront à nouveau cette voix. En attendant, cultivez votre patience et votre amour, mais dans le même temps, ne compromettez jamais votre pratique personnelle de la Torah. Puisse Hachem être avec vous, vous indiquer le chemin, et vous accorder les paroles qui ouvriront les cœurs de votre famille.