Dans la cour carrée, remplie sur trois côtés de maisons alignées en rangées, les enfants ne s’amusaient plus ensemble comme tous les après-midi, sous les yeux attentifs de leurs mamans. Chaque mère préférait occuper ses enfants à l’intérieur de chez elle, le but étant qu’ils n’aillent pas jouer avec les enfants des voisines.
Les enfants avaient de la peine, ils voulaient poursuivre leurs jeux habituels avec leurs amis et amies avec lesquels ils avaient grandi depuis leur petite enfance, et qu’ils fréquentaient régulièrement.
Cette cour était située dans la ville sainte de Tsfat, une ville à l’atmosphère mystérieuse, dominée par la kabbale depuis cinq cents ans, depuis qu’y a séjourné le Ari zal (le Rav Its’hak Louria Achkénazi, décédé le 5 Av), considéré comme le plus grand kabbaliste de tous les temps. D’autres grandes figures y ont vécu, comme Marane Rabbi Yossef Karo (Beth Yossef et Choul’han Aroukh), Rabbi Moché Cordovéro (le Ramak), Rabbi Chlomo Elkabets (auteur du cantique Lékha Dodi), et le célèbre orateur Rabbi Moché Alchikh (l’Alchikh Hakadoch).
Il est aisé de concevoir que dans une ville dont la majorité de ses habitants sont juifs et où vivaient des géants spirituels de cette ampleur - l’atmosphère de sainteté atteignit des sommets. Le Ari lui-même se consacra à l’étude de la kabbale avec son élève Rabbi ‘Haïm Vital. Un jour, le Ari annonça à un groupe sélectionné de son cercle d’élèves qu’ils devaient hâter la Guéoula et mettre fin à l’exil.
Tous s’installèrent dans une cour réservée à cet effet, avec des trois côtés des maisons d’habitation, et du côté oriental, un Beth Hamidrach pour l’étude de la Torah et la prière. Les « amis » (les disciples du Ari à cette époque, surnommés après son décès « Gouré, lionceaux » du Ari) y résidaient avec leurs familles : les femmes étaient chargées de subvenir aux besoins de la famille, et les hommes consacraient tout leur temps à la Torah et au service divin.
Ils se consacraient à une étude suivant un ordre particulier mis en place par le Ari d’après la sagesse cachée, et il espérait pouvoir faire venir le Machia’h à son époque.
Intervention du Satan
Le Satan ne voulut bien entendu pas qu’un tel événement se produise, et il usa de tout son pouvoir dans cette petite cour. Il réussit dans son entreprise de destruction systématique en usant d’une arme fatale : la controverse.
Une femme se querella avec l’une de ses amies, d’autres femmes prirent parti dans cette dispute qui créa des hostilités. La situation en arriva au point où chaque femme s’enferma chez elle et préféra ne pas rencontrer ses voisines. Mais les enfants qui voulaient jouer ensemble transmettaient les saluts des enfants des voisins…
Les femmes occupèrent leurs enfants à la maison, dans le but d’éviter le moindre contact avec les voisines - même pas par le biais de leurs enfants.
La nature de la querelle est d’entraîner les autres dans son sillage, de détruire toute part de bonté, même si personne ne sait comment et pourquoi elle a éclaté. Même les hommes, lorsqu’ils virent que leurs épouses étaient en colère, se mirent également en colère contre leurs amis, en se reposant sur les arguments de leurs épouses…
Un jour, le Ari, au milieu de son étude, baissa la tête jusqu’au niveau de la table, et poussa un triste soupir : « J’avais l’espoir, annonça-t-il à ses élèves, que la fin de l’exil était là et que le Sauveur était arrivé à Sion. On m’a pourtant dévoilé dans le Ciel qu’en raison de nos fautes qui ont conduit à la controverse, ce moment de faveur divine dans le monde et la venue du Machia’h ont été reportés pour une longue période ». Et de poursuivre : « Tout est dû à cette querelle qui vous opposait. »
« De plus, il a été décrété que je devais quitter ce monde pour cette raison… »
Ses disciples furent ébranlés, car leur Rav était jeune (36 ou 38 ans d’après la majorité des avis à son décès). Immédiatement, chacun rentra chez soi et n’en bougea pas avant d’avoir établi la paix entre tout le monde et multiplié les signes d’affection et d’unité. Mais le décret ne fut pas annulé pour autant, et à la fin de cette année-là, le Ari zal décéda malheureusement.