Question de Jérémie A.
Cher Rav Scemama,
Je m’adresse à vous pour vous demander un conseil.
J’ai fait Téchouva depuis 5 ans. Dans les premières années, c’est avec toute la flamme des débuts que j’ai progressé. Mais aujourd’hui, je ne ressens plus cet engouement et j’ai d’énormes difficultés à relever de nouveaux défis.
Mon vécu à présent a un goût terne, et je languis cette époque où chaque prière, Mitsva, étude me vivifiaient et m'enthousiasmaient.
Est-ce normal de ressentir cela ? Est-ce mon passé éloigné de la Torah qui refait surface pour m’empêcher de progresser ?
J’aimerais tant trouver un deuxième souffle dans ma Téchouva.
Chalom et Kol Touv.
Réponse du Rav Daniel Scemama
Chalom Jérémie,
Tu exprimes un ressenti qui est extrêmement répandu parmi les Ba’alé Téchouva et je tenterai ici d’y répondre au mieux.
1. Il est rapporté au nom du Ba’al Chem Tov que lorsqu’une personne décide de revenir au judaïsme, elle reçoit une aide particulière du Ciel : c’est cette flamme qui va brûler en elle et va lui permettre de se détacher de son passé, de surmonter les épreuves et les obstacles qui surgissent pour empêcher l’accomplissement des Mitsvot.
Sans cet apport, la lourdeur de la matérialité et des habitudes passées aurait freiné et même empêché de réaliser ce changement capital dans la vie.
Ce phénomène est à comparer aux nuées qui accompagnaient les Bné Israël lors de la sortie d’Egypte, qui les éclairaient et écartaient tout ce qui pouvait gêner leur progression.
Mais il faut savoir que cette “lumière” n’est présente que les premières années du retour à la Torah, et qu’à un moment donné, elle s’estompe, pour enfin disparaître. Le Ba’al Téchouva peut se sentir alors dérouté et perdu, comme toi-même tu le ressens, Jérémie, mais ce processus est tout à fait normal. Tu n’as rien à te reprocher.
Car cet engouement presque “magique” qui propulse celui qui recherche le chemin de la Vérité, n’est accordé que dans les débuts afin d’aider le Ba’al Téchouva, mais ne constitue pas un acquis éternel.
A partir de ce moment, commence le vrai travail intérieur, qu’on va forger de nos propres forces, la construction à proprement parler, qui permettra à chacun de se réaliser.
Prenons un exemple pour illustrer ce phénomène :
Lorsqu’on fait un barbecue, dans un premier temps, on dépose sur les charbons des cubes inflammables pour attiser le feu et, en effet, dès qu’on les allume, jaillissent de grandes flammes. Ce feu a très belle apparence, mais n’est qu’un catalyseur afin de permettre aux charbons de “prendre”.
Dans un deuxième temps, ces flammes s’estompent et commence alors tout le travail de ventilation pour que ces charbons deviennent incandescents.
C’est seulement parvenu à ce but, qu’on peut déposer les viandes sur le gril.
De même, le Ba’al Téchouva est « tout feu, tout flamme » au moment de ses premiers pas, plein d’énergie, mais le but est de faire pénétrer cette flamme à l’intérieur de soi, comme ces braises qui n’ont rien de spectaculaire, mais dont l’ardeur est intense et réchauffe tout ce qui s’en approche.
2. Si on ne réalise pas ce “vrai travail” de fond, qui est le principal du Judaïsme (on y reviendra plus tard), on passe à côté de la vraie Téchouva.
Je m’explique :
- Certains, faute de continuer à ressentir cet engouement des débuts, refusent de continuer à avancer, et forcément, reculent.
- D’autres vont chercher à maintenir cette flamme en se réfugiant dans l’extrémisme religieux. Soit dans l’aspect extérieur et le vêtement, soit dans des doctrines extrêmes, ou encore dans l’application systématique de l’avis le plus stricte de la loi (‘Houmra), même dans un cas où l’usage admis tend à la permission.
- D’autres encore chercheront le carriérisme dans la Torah, qui palliera au manque d’intériorité de leur recherche.
Le point commun de ces personnes est une fuite (consciente ou non) du travail réel que la Torah exige de nous, que l’on remplace par du vent et des chimères.
3. Ce qu’il nous faut traiter maintenant, c’est comment réaliser ce travail intérieur, comment parvenir à obtenir ces braises ardentes qui vont maintenir la chaleur ardente au fond de nous-mêmes.
Nous allons rapporter succinctement les moyens permettant cette réalisation.
- S’attacher à un Rav qui a lui-même étudié auprès de grands Maîtres. On trouvera en lui non seulement un guide pour nous conseiller, mais aussi un exemple de conduite dont on s’inspirera.
- Fréquenter une communauté pratiquante dont les membres sont solidaires, accueillants et dans laquelle on se sent bien. On y trouvera le savoir, la chaleur et l’amitié, qui sont tellement nécessaires au Ba’al Téchouva. Cette communauté facilitera également l’accomplissement des Mitsvot, car il est toujours plus aisé d’être soutenu dans son avancée par un groupe déjà formé.
- L’étude de la Torah est primordiale pour bien se construire. Il faut se réserver tous les jours un temps fixe d’étude dans un centre (Beth Hamidrach), avec des cours appropriés et des compagnons d’étude.
- Il est conseillé d’écouter diverses approches du Judaïsme, de différents intervenants, pour mieux cibler l’approche qui nous parle le plus.
- D’autre part, nous avons cette indication de nos Sages : là où nous sommes attirés dans l’étude de la Torah, cela correspond à notre “part” dans l'étude. Dans l’accomplissement des Mitsvot, c’est tout le contraire : là où nous ressentons des difficultés, c’est pour nous une indication que c’est dans ce domaine qu’il faut persévérer, car c’est dans ce département que se trouve notre “réparation”.
- Un ami, un confident avec lequel on peut parler du service Divin, est un cadeau du Ciel. Il faudra s’efforcer d’en acquérir un, car souvent, c’est grâce à lui que l’on trouvera écoute et solution à nos problèmes.
- Il sera bien de trouver une expression personnelle dans un domaine du service Divin, qui nous épanouira. Un danseur émérite réjouira un jeune marié lors de son mariage, un bon chanteur pourra animer les repas de fêtes et diriger les offices, celui qui a le sens de l’organisation créer des cours de Torah ou diriger une synagogue etc.
- Essayer de créer une véritable relation proche avec Hachem : Lui parler comme à son père, pratiquer la “Hitbodédout” (se retrouver seul et dialoguer en “tête à tête” avec D.ieu), et entreprendre tout ce qui permet un rapprochement avec Lui, comme participer à des rassemblements de prières.
- Une étude régulière de Moussar et de ‘Hassidout est nécessaire pour raviver le cœur vers le service Divin.
- Ne pas oublier de s’encourager et d’être satisfait de ce qu’on a réalisé, la joie étant l’ingrédient indispensable du Judaïsme.
Enfin, je conseille vivement la lecture du livre « Le Guide de la Téchouva » (Ed. Torah-Box), où l’on trouvera beaucoup de conseils pertinents et adaptés à toutes les situations et à toutes les étapes que traverse le Ba’al Téchouva.
Nombreux sont ceux ayant exprimé combien le livre les avait aidés dans leur processus de Téchouva.
Béhatsla’ha Jérémie, et donne-nous de tes nouvelles.