Servez l’Éternel avec joie, présentez-vous devant lui avec des chants d’allégresse.
J’imagine votre perplexité devant le titre de cet article. Encore un article sur la joie d’être juif et de servir Hachem ! me direz-vous. Comment, mais surtout, pourquoi ce petit bout de texte emplirait vos vies de Sim’ha ? Ils sont tellement nombreux à avoir disserté sur ce sujet. En quoi un article supplémentaire fera-t-il la différence ? Malgré cela, j’aimerais apporter ma petite contribution dans l’acquisition d’un service divin joyeux. Ne dit-on pas que la Torah possède soixante-dix facettes ? Permettez-moi de vous proposer l’une d’elles.
On raconte que le rav Isaac Zeev Soloveitchik, communément appelé Brisker Rav, se promenait avec l’un de ses élèves. Ils rencontrèrent un groupe d’enfants qui s’amusaient nonchalamment. L’élève dit alors : « les enfants sont joyeux parce qu’ils n’ont pas de soucis. » Le Brisker Rav répondit : « les enfants sont ainsi parce qu’Hachem a créé un être joyeux. » Dans la même veine, l’un des grands maîtres de la Hassidout enseigne que nous pouvons apprendre des enfants leur joie naturelle.
Selon le judaïsme, la Sim’ha serait donc une chose innée. Car il ne faut pas confondre la joie « Sim’ha » avec le bonheur « Ocher ». Nos sages définissent la joie comme un profond sentiment de satisfaction, tandis que le bonheur est superficiel, matériel, et fugace. Selon eux, la joie ne nécessite pas de préparation préalable ni d’efforts particuliers. C’est du moins ce qu’affirme le Steipler (Rav Yaakov Israël Kanievsky, né le 17 juin 1899 à Hornostaypil et décédé le 10 août 1985 à Bnei Brak) dans son ouvrage ‘Hayé Olam. On est alors en droit de se demander pourquoi nous peinons tant à être joyeux. Rav Shimon Greenfeld, l’élève du fameux rabbi Moshé Schick (connu comme le Maharam Schick), autorise dans son responsa l’écoute de la musique malgré une restriction liée à la destruction du Beth Hamikdach. Il justifie sa décision par la mélancolie qui sévit dans nos générations. En clair, nous sommes des gens tristes et nous avons besoin de musique pour ne pas sombrer dans la déprime. Cette réalité semble contredire les enseignements de nos maîtres. Certes il y a la chute spirituelle des générations, mais est-ce là l’unique raison ? Pourquoi sommes-nous si triste ? Et comment pouvons-nous acquérir la joie dans notre pratique religieuse ?
Le roi Salomon écrit dans l’ecclésiaste (1, 18) : « car, abondance de sagesse, abondance de chagrin, et accroître sa science, c’est accroître sa peine. » Il nous faut comprendre ce que cela signifie. En effet, cette déclaration contredit les paroles du roi Salomon dans ses Proverbes : « Heureux l’homme qui a atteint la sagesse, le mortel qui met en œuvre la raison ! » Selon la tradition, le roi Salomon a écrit l’ecclésiaste à la fin de sa vie. Il y expose ses conclusions sur l’existence. Au début de sa vie, il considérait la sagesse comme étant la source du bonheur. Seulement après avoir vécu, le roi Salomon affirme que la sagesse est susceptible d’apporter de la peine et de la souffrance. Le Midrach enseigne que plus un homme acquière de la sagesse, et plus il est tourmenté. Rabbi David Altschuler explique dans son célèbre ouvrage Metsoudat David que la sagesse souligne la conscience du bien et mal. Le sage est plus sensible à la vision du mal, car elle lui apparaît comme une insulte folle faite à Hachem, d’où sa colère. L’intelligence est ce qui différencie l’enfant de l’adulte. L’enfant n’est pas perturbé par des milliards de pensées qui l’assaillent. Son intellect ne l’amène pas à se créer des besoins imaginaires. Il possède une vie de nature simple et heureuse. En revanche, l’adulte cogite jusqu’à l’étourdissement. Il devient ainsi l’artisan de son chagrin. Certes, Hachem a créé l’homme joyeux, mais celui-ci gâche sa nature par ses interminables états d’âme.
Quoi faire ?
Le roi Salomon écrit dans ses Proverbes : « Dans toutes tes voies, songe à lui, et il aplanira ta route. » « Toutes tes voies » c’est absolument chacune d’elles. La meilleure façon de ne pas s’intoxiquer avec sa sagesse est de la mettre au service d’Hachem, le tout avec humilité. Il est écrit dans le verset suivant : « ne te prends pas pour un sage : crains l’Éternel et fuis le mal. » L’humilité est la clé ultime d’un service divin joyeux. Car nous possédons la joie en nous.
Qu’Hachem réjouisse chaque instant de notre vie.