Au printemps 1942, lorsque les premiers enfants des survivants nazis de l'Holocauste commençaient à arriver dans des "maisons de repos" créées par le rav Yossef Chlomo Kahenman dans la ville de Bné Brak, un grave problème se posa. En raison de l'état d'urgence qui était en vigueur à l'époque, il n'y avait ni lits ni coussins ni couvertures pour les faire dormir.
Deux jours avant l'arrivée des enfants à Bné Brak, la rumeur se répandit selon laquelle le lendemain, Chabbath après-midi, le Rav de Poniewisz prononcerait un discours dans la grande synagogue de la ville.
Une fois sur scène, le Rav débuta son discours par la question suivante : "Il est connu que selon les lois régissant la relation entre maîtres et serviteurs, les Sages affirment : "Celui qui achète un serviteur , c'est comme s'il avait acquis un maître" (Kiddouchine, 20a) - dans le sens où le maître est tenu de fournir au serviteur, les mêmes conditions de confort que celles dont il bénéficie pour lui-même. Il est inenvisageable, selon ce principe que le maître dorme sur un lit alors que le serviteur dort à même le sol. Si le maître ne possède qu'un seul oreiller, il doit le remettre au serviteur afin que puisse s'accomplir le verset "Car il (le serviteur) se sent bien avec toi". (Dévarim 15, 16)
Cette obligation semble surprenante alors qu'un autre verset stipule "Et ton frère vivra avec toi" (Vayikra 25, 36) duquel nos Sages apprennent que "ta vie est prioritaire sur celle d'autrui". Par conséquent, même si le serviteur avait le statut d'un concitoyen, nous ne devrions pas être tenus de lui fournir le seul oreiller dont nous disposons ?!
En effet, il s'avère que l'instruction de la Torah de remettre au serviteur notre seul oreiller est en parfaite adéquation avec le principe selon lequel "ta vie est prioritaire sur celle d'autrui", puisque Hachem sait bien qu'un maître ne pourrait avoir la conscience tranquille en dormant sur son oreiller, alors que son serviteur est obligé de dormir à même le sol. C'est pour éviter ces tourments au maître, que la Torah exige de lui de remettre son unique coussin à son serviteur. De ce fait, les deux, aussi bien le maître que le serviteur, dormiront d'un sommeil apaisé.
"Dans un jour", poursuivit le Rav de Poniewisz "des enfants orphelins qui n'ont pas où dormir, seront hébergés chez nous. Lequel d'entre nous pourra dormir la conscience tranquille, alors que ces enfants n'auront pas où poser leur tête ?" Ceci étant, il est impératif pour garantir notre sérénité, que nous leur fournissions même le seul coussin que nous possédons".
Le public tout ému, répondit favorablement à la sollicitation du Rav, dès la sortie du Chabbath.
Le maître d'un serviteur sait qu'au fond il a acquis un maître, du fait que la Torah a eu pitié du serviteur en obligeant son maître à lui donner plus que ce qu'il a pour lui-même.
Un serviteur qui s'est vendu à un maître pour rembourser son vol ou une dette, bénéficie d'un traitement de faveur de la part de son supérieur. A fortiori, quelle devrait être notre relation vis-à-vis d'un homme qui nous a fait une faveur, ou même qui ne nous a tout simplement jamais fait de mal ?...
La Torah fait bénéficier à une personne pauvre et démunie d'un traitement privilégié, permettant ainsi à chacun d'entre nous en nous dotant des capacités et du pouvoir de donner à l'autre, de céder afin que l'autre puisse avoir.
Un homme qui est capable de céder, en donnant à l'autre, ce qui lui appartient, simplement pour que l'autre se sente mieux, s'est acheté un maître- il s'achète le MAÎTRE DU MONDE, et lorsque le Maître du monde, son patron est à lui, il est aisé de s'imaginer combien d'abondance, de grâce, de bonté et de miséricorde il sera le bénéficiaire....
S'acheter le Maître du monde
Mis en ligne le Mercredi 1er Janvier 2020
© Torah-Box