On le sait, l’importance d’avoir de bons traits de caractère est la clef de voûte du judaïsme. Un traité entier de Michna traite de ce sujet (les Pirké Avot) et le Rambam y consacre plusieurs chapitres dans son Yad Ha’hazaka (Hilkhot Dé’ot). Pourtant le travail des Midot (raffinement du caractère) ne fait pas partie des 613 Mitsvot. C’est d’autant plus étonnant que le Talmud lui donne une importance considérable et fait l’éloge de l’humilité qui ouvre les portes au monde futur, tout comme des effets désastreux de la colère : une personne qui s’emporte est considérée comme un idolâtre, ni plus ni moins.
Le Rav ‘Haïm Vital, le fameux élève du grand kabbaliste le Arizal, nous explique dans son livre Cha’aré Kedoucha (1, 2) que le fait d’avoir de bonnes Midot est une préparation indispensable à l’accomplissement des commandements. Raffiner son caractère est comparable à labourer un champ et le débarrasser de ses mauvaises herbes afin qu’il donne de bons fruits. Le Rav nous apprend qu’un mauvais trait de caractère peut s’avérer plus destructeur que la transgression d’un commandement.
Nos Patriarches, qui vont donner naissance au peuple juif, se sont distingués particulièrement dans le domaine du ‘Hessed (don à l’autrui) et du perfectionnement de leur être. Ainsi Avraham Avinou, souffrant, va porter l’hospitalité à son sommet : alors que l’Eternel S’adressait à lui, il s’absentera momentanément pour recevoir trois étrangers. Il essayera également d’intervenir auprès de D.ieu pour sauver du décret d’anéantissement les habitants décadents des villes de Sodom et Gomorrhe.
Lorsqu’Eli’ézer cherchera une femme pour Its’hak le fils d’Avraham, sa priorité sera à nouveau de trouver une jeune fille au caractère raffiné et encline au ‘Hessed. Ya’akov vivra de très nombreuses années auprès de son beau-père le fourbe Lavan et pourtant, il ne déviera pas d’un pouce de la droiture. Ces hommes à la stature morale gigantesque lègueront à leur descendance leur standard d’éthique et leurs enfants mériteront plus tard de recevoir la Torah et d’être désignés comme la nation des Serviteurs de D.ieu (Memlekhèt Kohanim).
Tout au long de l’Histoire, les juifs se distingueront par ces trois qualités de sensibilité à l'autre – Ra’hmanim –, de don envers son prochain – Gomlé ‘Hassadim – et de modestie – Baychanim – (Yébamot 79a). La Torah interdira tout mariage avec des prosélytes mâles des peuples de Amon et Moav, à cause de la cruauté et de l’égoïsme qu'ils manifestèrent. Hillel résumera en un seul principe les enseignements de la Torah : ”Ne fais pas à ton prochain ce qui t‘est détestable" (Chabbath 31a). Le Talmud conclut que la Torah commence et se termine sur de la Guemilout ‘Hassadim de la part de D.ieu Lui-même envers Ses créatures (Sota 14a) : Il habilla Adam et ‘Hava qui étaient dénudés et s'occupa de l’enterrement de Moché Rabbénou, pour nous indiquer combien le ‘Hessed est primordial.
Ce n’est certainement pas un hasard si le livre de Béréchit s’occupe presque intégralement des descriptions du comportement des Patriarches, même bien avant l'énumération des Mitsvot. Nos Sages relèvent aussi que la Torah s’étend sur les discussions d’Eli’ézer, serviteur d’Avraham, alors qu’elle reste concise à l'extrême sur les détails de certaines lois (Béréchit Rabba 60, 8).
C’est dire l’importance de polir sa personnalité et d’en faire un réceptacle apte à recevoir les Mitsvot. Le fait que le premier ‘Houmach de la Torah soit consacré à l'apprentissage de ce qu'est d’être un homme veut tout dire. Profitons des longues soirées d’hiver pour étudier minutieusement ces Parachiot.