Dans une rue où se rassemblent de nombreux jeunes qui recherchent une échappatoire à leur frustration, j’ai rencontré Izi qui traînait en compagnie d’un groupe de jeunes de la rue. D’une main, il tenait une bouteille de bière, et de l’autre, une cigarette, alors qu’il n’avait que quatorze ans. Je compris d’après son apparence qu’il ne ressemblait pas à tous les autres, il avait conservé une certaine noblesse, on aurait dit un diamant recouvert d’une grande quantité de boue. Je décidai alors de prendre contact avec lui à tout prix.
Izi, dont le nom annoncé à la Brit Mila était Its’hak, avait adopté ce nouveau nom en raison des changements qu’il avait traversés, il me raconta qu’il était issu d’une famille très prestigieuse, son père enseigne dans l’une des grandes Yéchivot de Jérusalem. Lorsque je compris à quelle lignée prestigieuse il appartenait, moi, qui pensais avoir tout vu et entendu, m’étonnai ; Izi vit le point d’interrogation se dessiner sur mon visage, et me demanda : « Vous êtes choqué, hein, vous n’auriez pas pensé que dans une famille comme la mienne, on trouverait un fils comme ça. Vous pouvez me croire, je ne comprends pas pourquoi j’en suis arrivé là. Un esprit d’impureté a pris le contrôle sur moi ! J’ai le sentiment de ne pouvoir lutter contre lui, je suis dominé… cela fait des nuits entières que je pleure et regrette, et me promets à moi-même et à mon père que je recommence tout à zéro dès demain, mais deux heures plus tard, je deviens pire qu’avant. Je vous dis, Rav, c’est un monstre qui me domine !! »
J’avais du mal à écouter Izi, car on pouvait voir qu’il n’était pas satisfait de l’état dans lequel il se trouvait, sans parvenir toutefois à s’y soustraire. Et lorsqu’on voit un jeune dans une situation aussi difficile, que l’on sait qu’il vient d’une des familles les plus importantes et prestigieuses de la génération, et qu’il tourne dans les poubelles… ce sont précisément les situations dans lesquelles on choisit de se sacrifier, et tout faire pour l’extraire de cette situation. Je promis à Izi d’être en contact avec lui, et, en premier lieu, je contactai ses parents, dans le but de comprendre ce qui se cachait derrière cette situation difficile. Ses parents sont des gens merveilleux qui acceptèrent immédiatement de me rencontrer, pour une longue conversation qui se prolongea une bonne partie de la nuit, et malgré toutes les difficultés, ils collaborèrent avec moi. Nous examinâmes une étape de sa vie après l’autre pour y trouver un point faible, mais sans succès, aucune raison logique ne pouvait expliquer sa conduite. Les parents s’étaient déjà adressés à tous les instituts d’examens psychologiques, ayant testé les meilleurs d’entre eux. Le père me déclara en souriant amèrement : « J’ai payé le prix d’un appartement situé dans un quartier de luxe de Jérusalem pour sauver Izi, mais sans succès. Mais je suis encore prêt à investir, je ne fixe aucune limite, je suis prêt à aller au ciel, à descendre dans les tréfonds, pour sauver Izi. »
Comme je l’ai dit, les parents n’avaient épargné aucun effort pour tenter de sauver Izi, et je leur conseillai, en dernier recours, de s’adresser à Michaël, un remarquable Avrekh, qui dans le passé avait quitté le droit chemin et opéré un changement dans sa vie, il trouvait un langage commun avec ces jeunes, et était prêt, en échange d’une grande somme d’argent, de prendre un tel jeune sous son aile. Pendant une longue période, il vivait avec le jeune homme, se promenait avec lui, travaillait avec lui, parlait avec lui, et jouait avec lui pratiquement 24 heures sur 24. Des soins intensifs. Les parents d’Izi étaient prêts à tout, et je reçus le feu vert pour commencer.
Je demandai à Michaël s’il était libre pour accepter un tel projet. Il me répondit positivement. Il m’informa du montant demandé, je retournai chez les parents d’Izi qui me donnèrent aussi une réponse positive, je retournai chez Michaël pour fixer rendez-vous avec les parents, pour qu’ils conviennent entre eux d’un plan d’action. Vers la fin de la conversation, une fois arrivé au dernier point, le lieu de rencontre de Michaël et des parents d’Izi, je mentionnai en passant leur nom de famille. Michaël me demanda : « S’agit-il de la famille x ? » Je répondis oui. « La mère s’appelle y ? » Je répondis également oui à cette question. Une surprise m’attendait, Michaël me répondit qu’il laissait tomber l’affaire. Je ne compris pas et lui demandai : « Pourquoi ? ». Michaël me répondit d’une voix étouffée par les pleurs : « Comprends-moi ! La colère que moi et mon épouse éprouvons à l’égard de la femme que tu viens de mentionner est si forte, que je ne suis pas capable d’aider son fils. » « C’est quoi le problème ? » demandai-je à Michaël, et il me répondit : « Cette femme, dans le cadre de son travail, a licencié mon épouse, non pas parce que ma femme avait fait preuve de négligence, mais parce qu’elle pensait pouvoir trouver quelqu’un de mieux… moi, comme tu le sais, vis sur la bourse du Kollel, et comme ma femme n’avait pas de travail, j’ai dû prendre des projets de cet ordre, mais tu comprendras tout seul que mon étude n’est plus ce qu’elle était. Et ma femme, jusqu’à aujourd’hui, n’a pas trouvé d’autre emploi. C’est difficile et douloureux jusqu’à aujourd’hui. »
La mère d’Izi fut bouleversée lorsque je lui racontai que Michaël n’accepterait pas de s’occuper de son fils pour la raison ci-dessus, et elle se mit à pleurer. Elle comprenait que la main de D.ieu était visible ici, elle avait sorti un Avrekh du Kollel par un manque de sensibilité, et à présent, son fils avait besoin de lui. Sans mon intervention, elle arrangea les choses et répara totalement les torts causés, pour compenser Michaël et son épouse. Et, de manière incroyable, Michaël n’avait pas encore commencé à s’occuper de leur fils que c’était devenu inutile, Izi était devenu un autre homme, et est aujourd’hui un élève de Yéchiva ordinaire.
En ces jours du mois d’Eloul, où nous procédons à un examen de conscience, c’est le moment de réfléchir sérieusement au message d’une telle histoire. Sachez-le ! Il y a une justice et un Juge !
Rav Acher Yé’hiel Kassel