Voici un exemple concret d'un cas traité par des tribunaux rabbiniques, afin d'apprendre à voir et assimiler peu à peu le "Daat Torah", le fait d'avoir un esprit et une réfléxion de plus en plus en accord avec la Torah.
Question
Monsieur Israéli a eu trois garçons. Il n’a jamais voulu établir un testament détaillé. Cependant, il a exprimé le souhait face à David, son fils aîné, que ce dernier renonce à son droit d'aînesse sur l'héritage, afin que le legs soit distribué en trois parts égales. David donne son accord. Après le décès du père, David hérite d'un tiers de l'argent des comptes en banque.
Les trois fils laissent la mère jouir des biens immobiliers et de leurs revenus afin qu’elle vive décemment. Après trois ans, la mère décède en laissant trois appartements.
David réclame sa part en tant qu’aîné. Il avoue au Beth Din qu'il a promis à son père de renoncer à son droit d'aînesse, mais qu'il n’a agi ainsi que dans l'intention de ne pas le contrarier. De surcroît, il argumente que l'on ne peut renoncer à un droit futur.
Mais les frères rétorquent qu'ils disposent d’une preuve selon laquelle David a bien consenti à ce renoncement : il a accepté un partage égal dans les comptes en banque.
Psak et explications
David recevra son droit d'aînesse sur la moitié des biens immobiliers. Sur l’autre moitié, il recevra un tiers, comme ses frères.
Choul’han Aroukh (278) : l'aîné ne peut prendre deux parts que sur les biens du père, et non sur ceux de la mère. Même s'il est l'aîné des deux, lui et ses frères devront partager les biens à parts égales. Puisque Mme Israéli était propriétaire de la moitié des appartements, sa part d’héritage dont ses enfants bénéficieront n'est pas sujette aux règles du droit d'aînesse.
L'avis du Ksot Ha’hochen (id.13) est qu'un aîné peut renoncer à son droit d’aînesse du vivant de son père. Il prend exemple sur Yaakov qui l'a acheté d’Essav. Mais le Rivach (328) rétorque qu'avant le don de la Torah, les règles étaient différentes. Selon l'avis du Ksot Ha’hochen, David aurait donc renoncé à sa part. Selon le Nétivot (id.), un aîné ne peut renoncer à son droit du vivant de son père.
Etant donné qu’il s’agit d’une divergence d’opinions, David n'a pas perdu son droit d’aînesse. On prend également en compte le fait qu’il revient sur son renoncement en disant qu'il ne l'a fait que pour faire plaisir à son père.
En revanche, il faut savoir qu'un aîné qui partage un bien à parts égales renonce entièrement à son droit d'aînesse, comme le stipule le Choul’han Aroukh (278-8). David a donc accepté le partage égal des comptes. En cela, Il aurait dû perdre son droit d’aînesse.
La réponse est que les comptes ne sont pas titulaires du droit d'aînesse, car ils sont considérés comme des emprunts à la banque et non comme de l'argent comptant (à ce sujet, voir Choul’han Aroukh (id. 7). Voir aussi responsas Guinat Véradim Even Haézer Klal 4, 19 Yaabets b ; 31 ‘Hayim Chaal 74, Yabia Omer 8, 8, Pit’hé ‘Hochen chap. 2, 36, Chévet Halévi t.4, 215) concernant le statut d'un argent en banque).
Rav Réouven Cohen