Voici un exemple concret d'un cas traité par des tribunaux rabbiniques, afin d'apprendre à voir et assimiler peu à peu le "Daat Torah", le fait d'avoir un esprit et une réfléxion de plus en plus en accord avec la Torah.
Question :
Meïr étudie au Kollel à Jérusalem. Il écrit des Téfiline le soir après son étude et sa femme travaille à mi-temps. C’est ainsi qu’ils subviennent aux besoins de leur famille sans avoir recours à aucune aide. Il a cependant besoin de temps à autre de l’aide des gma’him (organismes caritatifs d’emprunt sans intérêts) mais il rembourse toujours à temps et respecte ses échéances. Dernièrement, il a eu besoin d’un emprunt de 7000 euros pour les frais exceptionnels occasionnés par la Bar Mitsva de son aîné.
C’est Chmouel qui lui a prêté cet argent. Avant de le lui prêter, il a questionné un collègue et ami du Kollel où Meïr étudie, Yéhouda. Ce dernier lui a assuré qu’il s’agit d’une personne fiable et a dit : ’’Tu peux lui prêter cette somme sans aucun souci’’.
Deux mois après la Bar Mitsva, la femme de Meïr tombe gravement malade et il se retrouve seul à prendre en charge le foyer et à être présent au chevet de son épouse. Cet emploi du temps et ces soucis ne lui laissent pas le loisir de pouvoir trouver d’autres gma’him (organismes d’emprunt sans intérêts) et il repousse sans arrêt l’échéance de sa dette.
Chmouel se tourne alors vers Yéhouda et lui demande le remboursement de cet argent car il le considère garant sur ce prêt. Chmouel agit-il correctement ?
Psak et explications :
Chmouel est apparemment appuyé par le Rama (Hochen Michpat 129, 2). En effet, selon Rama, quand on demande à quelqu’un si une personne de ses connaissances est sûre et solvable et qu’il répond par l’affirmative, il devient garant pour le prêt si la personne en question n’était pas vraiment aussi solvable qu’il le prétendait. Voir à ce sujet Nétivot hamichpat qui explique la nature de cette garantie. Elle est selon lui, issue de dina dégarmi à savoir que ce n’est pas une garantie conventionnelle (comme un garant qui signe etc. et qui est sans condition responsable en cas de non paiement) mais plutôt un dommage occasionné indirectement par la parole et le conseil.
Puisque c’est ainsi, il ne devra payer que si son conseil était inconsidéré. Pour qu’il s’agisse d’un conseil ‘’considéré’’, selon Chakh (Id. 8), il ne faut s’avancer qu’en faveur de quelqu’un dont on est sûr, sans aucun doute, qu’il possède des biens importants et non hypothéqués. C’est donc très rare de pouvoir recommander quelqu’un sans se compromettre.
En bref, on ne peut recommander que des êtres très proches et dont on connaît sans aucun doute la situation financière. En vertu de cela, Yéhouda devrait rembourser 7000 euros à Chmouel.
Mais, il semble cependant que le cas de Jérusalem soit différent.
En effet, il existe une nouvelle réalité où les gma’him ont permis aux emprunteurs de prendre des engagements à long terme et quelques fois de jongler entre deux ou trois gma’him afin que l’un ‘’rembourse’’ l’autre. Cette méthode de prendre de l’un pour rembourser à l’autre est pratiquée, malheureusement ou non, assez couramment et elle permet de faire face à des événements lourds en dépenses avec plus de facilité qu’un prêt bancaire à très long terme. Un gma’h ou même un particulier qui prête dans cette atmosphère, ne s’attend donc pas à ce que l’emprunteur soit un homme aisé et en possession de biens etc. Ce qu’il veut entendre et savoir est, que la personne est responsable et prend au sérieux ses échéances en se ‘’débrouillant’’ comme il le peut.
Meïr rentrait effectivement dans cette définition au moment où Chmouel lui a prêté de l’argent. Ce n’est que par la suite que sa vie a été bouleversée. Yéhouda n’a donc pas menti et a dit ce qui était réellement le cas.
Il ne devra rien rembourser à Chmouel.
Rav Yossef Simony & Rav Reouven Cohen
Cette rubrique propose de vous faire partager des cas traités, couramment ou non, dans les baté-din. L’unique but est de faire prendre conscience de la possibilité que donne la Torah de régler n’importe quel conflit financier selon des logiques très réglementées. Nous vous recommandons donc de ne pas tirer de conclusions personnelles de ces enseignements, car un détail et une parole peuvent changer toute l’issue du psak-din.